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19 avril 2010 1 19 /04 /avril /2010 18:36

Traité passé le 11 août 1863 entre S.M. l’Empereur des Français et S.M. le Roi du Cambodge.

LL. MM. L’Empereur des Français et le Roi du Cambodge Maha Obbarach, désirant faire jouir le royaume du Cambodge des bienfaits de la paix et de la civilisation ; considérant que l’intérêt commun des deux Etats, devenus aujourd’hui limitrophes, exige que le gouvernement du Cambodge s’entende parfaitement et agisse toujours d’accord avec le gouvernement français ; S.M. l’Empereur des Français a nommé pour son représentant M. le contre-amiral de la Grandière, gouverneur et commandant en chef en Cochinchine, à l’effet de régler avec S.M. le Roi du Cambodge, les conditions auxquelles S.M. l’Empereur des Français consent à transformer ses droits de suzeraineté en un protectorat. En conséquence, S.M. le Roi du Cambodge et M. le gouverneur de la Cochinchine sont convenus de ce qui suit.

Article Premier. - S.M. l’Empereur des Français accorde sa protection à S.M. le Roi du Cambodge.

Article 2. – S.M. l’Empereur des Français nommera un Résident français auprès de S.M. le Roi du Cambodge qui sera chargé, sous la haute autorité du Gouverneur de la Cochinchine, de veiller à la stricte exécution des présents lettres de Protectorat.

S.M. le Roi du Cambodge pourra nommer un Résident cambodgien à Saïgon, pour communiquer directement avec le Gouverneur de la Cochinchine.

Article 3. – Le Résident français aura au Cambodge le rang de Grand Mandarin, et il lui sera rendu dans un tout le royaume les honneurs dûs à cette dignité.

Article 4. – Aucun consul d’une autre nation que la France ne pourra résider auprès de S.M. le Roi du Cambodge ou dans aucun lieu de ses Etats, sans que le Gouverneur de la Cochinchine en ait été informé et se soit entendu à cet égard avec le gouvernement cambodgien.

Article 5. – Les sujets français jouiront dans toute l’étendue du royaume du Cambodge d’une pleine et entière liberté pour leurs personnes et leurs propriétés. Ils pourront circuler, posséder et s’établir librement dans toutes les possessions et dépendances de ce royaume, lorsqu’ils en auront informé un grand Mandarin cambodgien qui leur livrera un permis.

Article 6. – Les sujets cambodgiens jouiront dans toute l’étendu de l’Empire français d’une pleine et entière liberté pour leurs personnes et leurs propriétés. Ils pourront circuler, posséder et s’établir librement dans toutes les possessions et dépendances de cet Empire, lorsqu’ils en auront informé un officier français compétent  qui leur délivra un permis.

Article 7. – Lorsqu’un français établi ou de passage dans le royaume du Cambodge, aura quelque sujet de plainte ou quelque réclamation à formuler contre un cambodgien, il devra d’abord exposer ses griefs au Résident français qui, après avoir examiné l’affaire, s’efforcera de l’arranger à l’amiable. De même, quand un cambodgien aura à se plaindre d’un français, le Résident écoutera sa réclamation avec intérêt et cherchera à ménager un arrangement amiable, mais dans l’un et l’autre cas, si la chose est impossible, le Résident français requerrait l’assistance d’un fonctionnaire cambodgien compétent, et tous deux, après avoir examiné conjointement l’affaire, statueront suivant l’équité.

Le Résident français s’abstiendra de toute intervention dans les contestations des sujets cambodgiens entre eux ; de leur côté, les français dépendront, pour toutes les difficultés qui pourraient s’élever entre eux  de la juridiction française, et l’autorité cambodgienne n’aura à s’en mêler en aucune manière, non plus que des différents qui surviendraient entre français et européens, qui seront jugés par le Résident français. Les crimes commis par des sujets français, dans le royaume du Cambodge seront connus et jugés à Saïgon par les cours de justice compétente. Dans ce cas, le gouvernement cambodgien donnera toutes facilités au Résident français pour saisir le coupable et le livrer au Gouverneur de la Cochinchine. En cas d’absence du Résident français le commandant des forces françaises le remplacera pour exercer la justice.

Article 8. – Tous les Français qui voudront s’établir dans le royaume du Cambodge devront se faire inscrire à la chancellerie de la résidence française et le Résident en avisera le gouvernement cambodgien.

Article 9. – Tous les Cambodgiens qui voudront s’établir dans les possessions de S.M. l’Empereur des Français, devront se faire inscrire auprès du Résident cambodgien à Saïgon, qui en informera le Gouverneur de la Cochinchine.

Article 10. – Les marchandises importées ou exportées par navires français dans le Cambodge, lorsque leurs propriétaires seront munis d’un permis du gouvernement de Saïgon, seront admises en franchise de tous droits dans tous les ports du royaume du Cambodge, excepté l’opium qui sera soumis aux droits.

Article 11. – Les navires chargés de marchandises cambodgiens qui auront acquitté les droits au Cambodge, s’ils sont munis d’un permis du Gouvernement cambodgien, visé par le Résident français, seront admis en franchise de tous droits dans tous les ports ouverts de la Cochinchine.

Article 12. – Les Français voyageant en qualité de savants, tels que naturalistes, géographes, etc. donneront avis de leur commission au gouvernement cambodgien, il ils en recevront les soins et bons offices de nature à les aider dans l’accomplissement de leur mission et à faciliter leur voyage dans l’intérieur du pays.

Article 13. – Dans le cas où des navires français seraient attaqués ou pillés par des pirates dans des parages dépendants du royaume du Cambodge, l’autorité locale du lieu le plus rapproché, dès qu’elle aura connaissance du fait, en poursuivra activement les auteurs et ne négligera rien pour qu’ils soient arrêtés et punis conformément aux lois. Les marchandises enlevées, en quelque lieu et quelqu’état qu’elles se trouvent, seront remises à leurs propriétaires ou, en leur absence, entre les mains d’une autorité française qui se chargera de les restituer. Si l’on ne pouvait s’emparer des coupables, ni recouvrer la totalité des objets volés, les fonctionnaires cambodgiens, après avoir prouvé qu’ils ont fait tous leurs efforts pour arriver à ce but, ne sauraient être pécuniairement responsables.

Il en sera de même pour les actes de pillage et de vol qui auraient été commis sur les propriétés des Français établis dans le royaume du Cambodge. L’autorité cambodgienne, après avoir prouvé qu’elle a fait tous ses efforts pour saisir les coupables et recouvrer la totalité des objets volés, ne saurait être rendus pécuniairement responsable.

Article 14. – Dans le cas où des navires cambodgiens seraient attaqués ou pillés par des pirates, dans des pays dépendant de l’Empire français, l’autorité locale du lieu le plus rapproché, dès qu’elle aura eu connaissance du fait, en poursuivra activement les auteurs et ne négligera rien pour qu’ils soient arrêtés et punis conformément aux lois. Les marchandises enlevées seront remises à leurs propriétaires ou, en leur absence, entre les mains de l’autorité cambodgienne, qui se chargera de les restituer. Si on ne peut s’emparer des coupables, ni recouvrer la totalité des objets volés, les fonctionnaires français, après avoir prouvé qu’ils ont fait tous leurs efforts pour arriver à ce but, ne sauraient être rendus pécuniairement responsables. Il en sera de même pour les actes de pillages et de vol qui auraient été commis sur des propriétés de Cambodgiens habitant sur le territoire français. L’autorité française, après avoir prouvé qu’elle fait tous ses efforts pour saisir les coupables et recouvrer la totalité des objets volés, ne saurait être rendus pécuniairement responsable.

Article 15. – Les missionnaires catholiques auront droit de prêcher et d’enseigner. Ils pourront, avec l’autorisation du gouvernement cambodgien, construire des églises, des séminaires, des écoles, des hôpitaux, des couvents et autres édifices pieux, sur tous les points du royaume du Cambodge.

Article 16. – S.M. l’Empereur des Français, reconnaissant la souveraineté du Roi du Cambodge Somdach Préa Norodom Bareraksa Prea Moha Obarach, s’engage à maintenir dans les Etats l’ordre et la tranquillité, et à protéger contre toute attaque extérieure, à l’aider dans la perception des droits de commerce, et à lui donner toute facilité pour établir une communication entre le Cambodge et la mer.

Article 17. – Pour faciliter l’exécution des articles précédents, le Gouverneur de la Cochinchine, désirant obtenir un terrain à l’endroit nommé Chruey-Chanva, ou les Quatre-Bras, pour y construire un dépôt de charbon et des magasins d’approvisionnements pour les navires français, S.M. le Roi du Cambodge consent à donner le terrain, en amont de la partie réservée, à l’extrême pointe, pour construire un fort ; le terrain concédé devant avoir quinze sem, ou cinq cents mètres environ sur les deux rives. Si, sur ce terrain se trouvait une pagode ou lieu sacré, on le respecterait.

Si d’autres établissements devenaient nécessaires pour établissement de la station française, le Roi examinerait la demande que lui en ferait le Gouverneur de la Cochinchine et l’accorderait aux mêmes conditions que la concession précédente.

Article 18. – En connaissance de la protection que lui accorde, S.M. l’Empereur des Français, S.M. le Roi du Cambodge concède à la France le droit de choisir, abattre, débiter, exploiter dans les forêts de son royaume, les bois propres aux constructions des vaisseaux de la marine impériale. Les agents français chargés de cette exploitation devront en donner avis au grand Mandarin cambodgien, qui leur délivrera les lettres et autorisations nécessaires. Toutefois, les frais d’exploitation restent à la charge du gouvernement français.

Les Français qui commerceront au Cambodge devront débattre à l’amiable le prix d’achat avec les vendeurs.

Article 19. – La présente convention ne sera valable et ne pourra être mise en vigeur qu’après avoir été ratifiée par S.M. l’Empereur des Français.

En foi de quoi, S.M. Somdac-Préa Norodom Prom-Boreraksa Préa Moha Obbarach, Roi du Cambodge, et le plénipotentiaire, Gouverneur et Commandant en chef de la Cochinchine soussignés, ont signé la présente convention en triplicata et y ont apposé leur sceau.

Palais d’Oudong, le onze Août mil huit cent soixante-trois, correspondant au 27e jour de la lune d’Assath de l’année Kor, mil deux cent vingt-cinq.

 

De La Grandière                                                                         Cachet du Roi

Commandant en chef.               

  

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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 02:35

 

Après avoir pris note des avis donnés par les orateurs, M. Trinh Hoanh, Ek Yi Oun, Hoeur Lay In, Prom Séng, Uch Ek, et le Conseiller du Royaume Phoung Sân, et après avoir obtenu le résultat du vote sur la question de déchéance de Samdech Norodom Sihanouk de ses fonctions de Chef de l’Etat, le Président de l’Assemblée Nationale s’est levé de son siège et d’un geste solennel, a donné lecture du texte de proclamation déclarant au nom de la nation et des deux chambres réunies, ne plus reconnaître Samdech Norodom Sihanouk comme Chef de l’Etat à partir du 18 mars 1970 à 13 heures.

Précisions que le résultat du vote sur la question s’est établi comme suit :

- Bulletins blancs (pour Samdech) zéro    

- Bulletins bleus (contre Samdech) 92

-Bulletins blancs rayés de bleu (Abstention) Zéro.

 Les membres des deux assemblées se sont ensuite séparés après de longs applaudissements qui ont accueilli la proclamation faite par le président de séance, M. In Tam.

 Après quoi, l’Assemblée Nationale a rédigé une motion pour informer le public. Voici le texte.

 Motion : Texte intégral.

 Face à la situation troublée par les Viêt-Cong et les ennemis intérieurs et extérieurs du pays. Tous les orateurs intervenus devant la tribune ont souligné la nécessité de proclamer « la Nation en danger » et demande au Gouvernement d’appliquer l’article 15 de la Constitution, aux termes duquel les libertés notamment celles d’association, de réunions, de presse, les droits sur l’inviolabilité de la correspondance, du domicile, etc. sont suspendus temporairement pour un délai de six mois renouvelables. L’Assemblée a voté à l’unanimité, une déclaration proclamant « la Nation en danger ». Le Parlement a prononcé à l’unanimité la déchéance de Samdech Norodom Sihanouk de ses fonctions de Chef de l’Etat. Une motion a été publiée pour informer le public des causes de cette déchéance. Voici le texte intégral :

 Les agissements passés et actuels de Norodom Sihanouk, ex-Chef de l’État du Cambodge, tels qu’ils viennent d’être révélés devant l’opinion publique ont créé une vague d’indignation dans toutes les couches sociales de la Nation. Chacun de nos compatriotes voit clairement aujourd’hui le vrai visage et la vraie nature de celui qui conduisait notre pays à l’anéantissement. Les faits prouvés et vérifiés sont largement suffisants pour retenir contre Norodom Sihanouk :

 1. Haute trahison  pour avoir livré à l’occupation Viêt-Cong, préparant l’annexion par le Vietnam, de parties importantes du territoire national et pour délibérément soumis des milliers de nos compatriotes aux exactions des occupations étrangères. En circonstance aggravante on retiendra le fait que Norodom Sihanouk a permis à son épouse Neang Monique de se faire verser des sommes très importantes pour prix de cette occupation étrangère.   

2. Violation constante de la Constitution et instauration d’un régime de pouvoir personnel despotique absolu. Norodom Sihanouk a foulé aux pieds les principes directeurs dont s’inspirait le Sangkum Reastr Niyum à sa création, trahi le peuple qu’il prétendait servir, semer la division par ses accusations calomnieuses, atteint à la dignité des personnalités nationales, des représentants élus du peuple et d’innombrables citoyens en les injuriant bassement et publiquement, jugé et condamné sans appel ceux qui ne partageaient pas ses vues.  

Au cours des dernières années, Sihanouk a surabondamment montré son mépris envers le peuple à qui il devait ses pouvoirs jusqu’au jour où ce peuple a redressé la tête.

3. Dilapidation des biens de l’État et de l’argent du peuple pour ses plaisirs personnels et sa mégalomanie ainsi que pour satisfaire la cupidité de sa belle famille et de son clan. Parmi les multiples exemples il convient de citer les ruineux tournages de films, les festivals de films organisés à grands frais, les luxueuses réceptions, alors que le peuple connaissait la disette. Insensible aux difficultés de nos compatriotes et au combat de notre armée aux frontières, Norodom Sihanouk distribuait avec ostentation de maigres secours, voire les uniformes de nos soldats, comme des « dons personnels » et il réservait des sommes considérables à ses menus plaisirs et ceux de son clan.          

4. Corruption qu’il a systématiquement encouragée et favorisée pour s’acquérir la fidélité de sa famille et de son clan. Dans le monde entier on sait et nous avons les preuves que Neang Monique et sa mère, Neang Pomme Peang, avaient la haute main sur tous les trafics intérieurs et extérieurs, sur la répartition des pots-de-vin, les nominations de fonctionnaires aux postes lucratifs à un tarif fixé, etc. Non seulement Norodom Sihanouk ne pouvait l’ignorer mais encore il donna sa caution personnelle à la création du Casino qui devait drainer l’argent du peuple dans les poches de son clan ou encore à des scandales d’adjudication dont l’un des plus connus est celui de Phuong Margain.

5. Atteinte au prestige et à la dignité nationale par une politique fluctuante et contraire à la neutralité et des déclarations injurieuses à l’encontre des dirigeants et de tous les pays étrangers, y compris nos amis. Par ses retournements continuels Norodom Sihanouk a ruiné notre crédit international, créé un climat de méfiance dans tous les pays et dans tous les milieux disposés à nous accorder des aides inconditionnelles ou à investir leurs capitaux dans les secteurs où ils nous sont nécessaires. Enfin ses dernières déclarations à l’étranger constituent une tentative délibérée de nuire à notre paix intérieure, de saboter nos amitiés internationales, de plonger dans le malheur le peuple qui unanimement le condamne.

Pour les motifs ci-dessus énoncés, les députés ont soumis à l’assemblée nationale une proposition demandant que Norodom Sihanouk, ex-Chef d’État du Cambodge, et Monique, son épouse, soient traduits devant un Tribunal Militaire pour y répondre de leurs actes et de leurs crimes contre la Nation et le Peuple.

 Communication du gouvernement de sauvetage :

 Suite à la crise politique provoquée par le Prince Norodom Sihanouk, durant ces derniers jours, l’assemblée Nationale et le Conseil du royaume, réunis en Congrès, conformément à la Constitution du Royaume, ont retiré, à l’unanimité des voix, leur confiance au Prince Norodom Sihanouk.

À partir de ce jour, le 18 mars 1970 à 13h00, le Prince Norodom Sihanouk cesse d’être Chef de l’État du Cambodge, Son Excellence Cheng Heng, Président de l’Assemblée Nationale, assumera les fonctions du chef de l’État, jusqu’à l’élection d’un nouveau Chef de l’État également suivant le texte de la Constitution du Pays.

 Phnom-Penh, le 18 mars 1970

Le Président du Conseil des Ministres

Signé : Lon Nol

 Message à la Nation de Monsieur Cheng Heng, Président de l’Assemblée Nationale, exerçant les fonctions de Chef de l’Etat.

 Chers compatriotes,

 L’Assemblée Nationale et le Conseil du Royaume, réunis en Congrès, ont retiré le 18 mars 1970 à 13h00, conformément à la Constitution, à l’unanimité des voix, leur confiance au Prince Norodom Sihanouk dans ses fonctions de Chef de l’Etat.

Étant Président de l’Assemblée Nationale appelé à assurer les fonctions de Chef de l’État jusqu’à l’élection d’un nouveau Chef de l’État, j’ai le devoir de préciser solennellement à cette occasion que le Cambodge adopte la même ligne politique, c’est-à-dire pour l’indépendance, la neutralité et l’intégrité territoriale, que le Cambodge reconnaît et respecte les traités et accords antérieurement conclu.

Je me permets enfin de lancer un appel à notre clergé des deux ordres, aux deux chefs de ces derniers notamment, aux fonctionnaires, étudiants, à notre jeunesse et à notre population de toutes les couches sociales, leur demandant de rester dans l’ordre pour le bonheur de notre patrie.  

 

 

 

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21 mars 2010 7 21 /03 /mars /2010 07:14

 

L’aurore du 18 avril 1975 ouvrit la nouvelle époque pour les millions des Khmers qui à la veille ont dormi à la belle étoile loin de leur maison familiale, parce que l’Angkar Loeu de Pol Pot voulait ainsi. Ils furent réveillés au deuxième jour de la fête du nouvel an par la faim et le chagrin. Ils n’ont eu que les larmes, comme seul remède pour éradiquer leur abstinence, qui coulèrent discrètement de leurs yeux qui témoigneront illico l’accès de rage des limiers de Pol Pot. Au Kampuchéa, la saison de Chhêt (Chaude – Mars, Avril et Mai) est généralement pénible. La moyenne des maxima d’avril est de 34°8 à Phnom-Penh, de 35°6 à Battambang. Le maximum absolu est de 40°5 au Chaktoumouk. Cette chaleur donna l’effluve des miasmes des macchabées des soldats républicaines qui ont été tués par les Khmers rouges, parce que ces adolescents avaient cru comprendre que la guerre était finie. Les vieillards et les malades ont été délogés de leur pieu de repos par ordre de l’Angkar Loeu pour se consumer dans l’ignorance (sans le dharma de Bouddha). Les pleurs d’adieu de leurs proches appelèrent tous les Thévadas (divinité) célestes de venir faire les témoins de ces trépas injustes, appelés l’assassinat. Les femmes savaient bien que la nuit venue les Chlaup Andérathey (les gardes khmers rouges) se glissèrent lâchement dans leur nouvelle demeure sans chaleur pour enlever leur mari ex-fonctionnaire et militaire : le meurtre est la question. L’apparition de l’étoile du matin du nouvel an 1975 fit fuir les oiseaux chanteurs de l’azur du Kampuchéa pour laisser la place aux cris des vautours affamés qui sont venus chercher les cadavres abandonnés sur le chemin de la mort. Pour consoler la tristesse et l’angoisse qui est les faiblesses de l’homme, les victimes de l’Angkar Loeu sanguinaire s’efforcèrent de penser à la parole de réconfort de l’ermite à Atala pendant le dernier souffle de sa vie : « Enfin, ma fille, le grand tort des hommes, dans leur songe de bonheur, est d’oublier cette infirmité de la mort attaché à leur nature » (Chateaubriand – Atala René Les Natchez). Pour peindre cette déchirure sans termes, mon fils, Davouth, écrit une élégie, car la poésie est le réel absolu. Plus une chose est poétique, plus elle est vraie. Aristote disait : « La tâche de poète et d’historien est la même, car elle consiste à faire durer quelque chose grâce à la mémoire ».

Voici le rêve de mon fils :

Le sombre est glacial

tel une force qui me rend pâle

la nuit reste éternelle

pareil à une si grand aile.

Que de malheur infini

ô aucune gaieté dans la vie

la tendresse disparaît

comme une étoile qui apparaît.

Dès le matin, je sens le crépuscule

qui me bouscule

j’écoute le vent alizé

pour me rappeler de cette paix.

Elle est sans doute une paix bouddhique qui sert comme un refuge des Cambodgiens qui savent que le Christ et le Bouddha sont venus sur terre pour résoudre deux problèmes des humains : le mal et la mort.

Mais le malheur du peuple d’Angkor a été sans recours, car il a été dans la main des Yothear (Soldats) khmers rouges. Ils parlèrent entre eux du peuple nouveau et ancien et toutes sortes des mots inusités pour glorifier leur révolution meurtrière qui donna une rage de Pol Pot dans les fers. Il s’agit de jouir le maximum de la destruction totale de la paysannerie khmère. Le pire comme disait Sade (1740-1814), écrivain et philosophe français : « Tuer un homme dans le paroxysme d’une passion, cela se comprend. Le faire tuer par un autre dans le calme d’une méditation sérieuse, et sous prétexte d’un ministère honorable, cela ne se comprend pas ». À force d’ordonner de tuer de millions de vies humaines, Pol Pot devenait insensible à la souffrance de ses semblables. Vigny, le poète, écrivait : « …ne peut plus sentir le mal ni les bienfaits. Il est même sans joie aux malheurs qu’il a fait ». Pourquoi, une telle bêtise humaine ?. N’est-elle pas un destin pour le peuple khmer qui connaît au cours de son histoire que de gloire fugace ?. Si c’était vrai, il est sûr que cette fatalité est un injuste destin.

Les victimes des Khmers rouges se souviennent encore de la date fatidique du « 17 avril 1975 », date à laquelle les Khmers rouges entrèrent dans Phnom-Penh. La population était chassée de sa maison pour une destination où la mort est au boit. Pourquoi ?. C’est la victoire de Pol Pot. Ô ce mot prodigue encore de l’effet caverneux sur les Cambodgiens, car il s’inscrit dans leur esprit comme un élément de tristesse définitive. On sait qu’aujourd’hui les victimes continuent de souffrir de cet événement lugubre. Cette douleur indicible ne leur donne pas droit d’oublier la cruauté des Khmers rouges qui détruit par leur ignorance, en un tournemain, le pays tout entier. Le Kampuchéa des humains se transformait, au premier jour de l’arrivée au pouvoir de Pol Pot, en enfer des morts vivants. Tous les Cambodgiens ont été bannis de leur foyer et condamnés à se périr au nom de l’Angkar Loeu. Je me pose la question : Est-ce vraiment une victoire ?. Ça dépend pour qui ?. Si c’était pour les amis de Pol Pot, la réponse est oui, car cette victoire leur permet de placer le Communisme à la cime du pouvoir. En revanche, dans le cas où on entendrait dire qu’elle était pour le peuple khmer, il est sûr que cette affirmation est un mensonge, car Pol Pot lui-même n’avait jamais dit que cette fête rouge est pour les Cambodgiens. Et quiconque, y compris le Prince Sihanouk, osa revendiquer sa part de butin pour un brin de privilège, il aurait été accusé tout de suite par l’Angkar Loeu de haute trahison et l’on sait que la sanction était cruelle : la peine de mort après la torture corporelle.

Par ruse, sans combat, les Khmers rouges sont entrés à Phnom-Penh, le 17 avril 1975, pour prendre le pouvoir. La guerre cessait, la paix revenait du moins le croyait-on. Le peuple devait donc se réjouir, s’associer joyeusement avec le nouveau pouvoir. Mais hélas ! presque aussitôt les Khmers rouges « l’Angkar Loeu Loeu » a décidé de vider Phnom-Penh de sa population : « Les Américains vont bombarder la capitale khmère », tel était le prétexte.

La radio nationale, surtout les haut-parleurs portatifs sillonnèrent toutes les rues des quartiers de Phnom-Penh pour ordonner à la population de sortir vite de ses maisons et de quitter rapidement la ville. Ainsi, hommes, femmes, enfants, vieillards, y compris les malades, les blessés dans les hôpitaux, les mères et leurs bébés dans les maternités, tous se retrouvèrent dans la rue. Ce déplacement en catastrophe de tout Phnom-Penh, par tous les moyens de transport ou à pied, encombra toutes les rues de la capitale offrant un spectacle de panique d’affolement indescriptible, avec les bruits des moteurs et des klaxons de voitures de toutes sortes, s’ajoutant aux cris des parents appelant leurs enfants égarés, aux pleurs et aux gémissements des malades soutenus par les leurs, sous les menaces des militaires khmers rouges poussant les retardataires.

Le nouveau maître du pays venait de décréter sa « loi » que l’on devait respecter désormais. Le malheur a donc continué à frapper les citadins, considérés par les Khmers rouges comme nuisibles pour la société.

Par une autre idée diabolique, l’Angkar Loeu Loeu a décidé de supprimer toutes traces de culture occidentale pour faire le Cambodge une nouvelle Nation Khmère, peuplée d’une nouvelle génération sans attache avec le passé de quatre vingt dix ans de colonisation (1863-1953). D’où le slogan « Les garder, rien à gagner, les supprimer, rien à perdre ». C’est pourquoi le peuple khmer a connu la terrible épreuve du génocide des Khmers rouges, responsables de l’extermination de plus de deux millions de leurs compatriotes.

Le Cambodge en ce temps-là, écrit un journaliste français : « N’étaient peuplés que de coolies », car presque tous les intellectuels avec leurs familles furent massacrés, suite à cette décision sauvage de l’Angkar Loeu Loeu. Et les Khmers rouges allèrent encore plus loin dans leur action de répression : la suppression de la religion, des pagodes, des églises, des mosquées, profanées ou détruites.

La situation était dramatique, le Cambodge très affaibli, démuni de toutes ressources, désorganisé, est devenu alors la proie des Communistes vietnamiens. Hanoi a occupé par la force des armes le Cambodge durant dix ans (du 7 janvier 1979 à Septembre 1989). Le Cambodge a perdu son indépendance nationale par la faute des Communistes khmers rouges prochinois et Khmers rouges pro-communistes vietnamiens, qui ont violé les Droits de l’Homme et empêché la Démocratie d’exister. D’ailleurs, le Cambodge était le seul pays au monde qui s’était trouvé confronté pour son malheur aux deux systèmes communistes existants : le Marxisme-Léninisme et le Maoïsme. Et maintenant, on peut se demander ce que devient le Cambodge, après l’intervention de l’ONU en 1991 ?.    

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19 mars 2010 5 19 /03 /mars /2010 04:52

Histoire des Rois khmers : Règne de Sdach Khan (1512-1525) : Le sacre de guerre de Preah Chanreachea.

Ayant appris la victoire de Preah Chanreache dans l’Ouest du pays, les morts de ses chefs militaires, en particulier Ponhea Koe et la blessure de son oncle Kao, Preah Srey Chetha (Sdach Khan) s’en fut ému et laissa couler des larmes. Quelques jours plus tard, il ordonna à son ministre des armées de terre d’envoyer une brigade à l’Est du pays pour lever une armée de 120 000 hommes pour faire face à des éventualités d’offensives d’ennemis. Il envoya secrètement un messager porteur d’une lettre au général Outhey Thireach, gouverneur d’Asantouk, dans laquelle il ordonnait à ce dernier de retirer ses troupes de la province de Battambang, parce qu’il a pris d’autres dispositions, et lui demande d’attendre sa nouvelle décision. Rappelons-nous bien que ce gouverneur avait reçu l’ordre de Chao Fa Keo de partir à Battambang avec 50 000 homme pour barrer la voie de retraite de Preah Chanreachea. Sdach Kân prenait Phnom-Penh comme base de rassemblement de toutes les unités de son armée, battues dans l’Ouest, dispersées çà et là. Deux gouverneurs, Khoy de la province de Samrong Torg et Vongsar Anouchit Yours de la province Bati, amenaient 190 000 hommes à Phnom-Penh. Pour lancer des offensives pour récupérer les territoires perdus, Sdach Khân consacra ses jours et ses nuits à étudier son plan d’attaque. Il répartit ses forces en deux corps d’armée :

Premier corps d’armée :

- Une division d’avant-garde de 10 000 hommes, commandée par général Yaum Reach ;

- Une division d’aile gauche de 10 000 hommes, commandée par Ponhea Vongsar Akakreach Srey ;      

- Une division d’aile droite de 10 000 hommes, commandée par Ponhea Pisnouk Lauk Tep, gouverneur de Trang ;

- Une division d’arrière-garde de 10 000 hommes, commandée par Chao Ponhea Akthikak Vongsar Veth, gouverneur de Bassac.   

Ces quatre divisions étaient placées sous le commandement de son oncle maternel, nommé So. So portait le titre Chao Ponhea Chakrey Thipdey Kochak (Kochak = Supérieur), il était ministre des armées de terre.

Deuxième corps d’armée :

Sdach Khân confia les commandements à ses quatre neveux maternels :

- Une division d’avant-garde de 20 000 hommes, commandée Okloung So (Okloung = Chef des esclaves) ;

- Une division d’aile gauche de 15 000 hommes, commandée par Okloung Nêu ;

- Une division d’aile droite de 15 000 hommes, commandée par Okloung Tep ;

- Une division d’arrière-garde de 15 000 hommes, commandée par Okloung Moyn.

- Lui-même conservant le commandement du centre dont l’effectif était de 30 000 hommes.

Tous les gouverneurs étaient nommés Balath ou Yo Kbath de l’armée en fonction de leurs compétences dans les domaines militaires (Balath = Assistant ; Yo Kbath = intendant). Quinze brigades mobiles étaient confiées aux gouverneurs de province. Chaque brigade était reconnue par la couleur de son étendard. Elles avaient pour mission de surveillance du territoire.

Sdach Khân avait deux montures de guerre, réputées d’invincibles et de rapide : Un éléphant magnifique de dix bras de hauteur, avec deux grandes défenses, surnommé « Preah Korchethchakyavuth », et un cheval magnifique de trois bras et quatre doigts de hauteur (trois hath et quatre tnap), de couleur noire (Si Sain ?), surnommé « Saing Raingsey ». Ce cheval était capable de galoper, sans arrêt, une distance de 2 050 Send (un send = 30 mètres), c’est-à-dire 61 km. Il nageait avec une vitesse de poisson.

Une fois la préparation militaire fut terminée, Sdach Khân ordonna à son armée de marcher à la rencontre des ennemis. Il fit établir un retranchement et installer un camp fortifié à côté du marché Oudong. Puis, il ordonna au général Preap de conduire une armée de 45 000 hommes pour attaquer la citadelle de Longveak. Le gouverneur de Longveak sortait du fort avec ses troupes pour assaillir directement les troupes d’avant-garde de Preap. Ayant appris cette nouvelle, Samdech Chanreachea chargea un cavalier de porter un message confidentiel au gouverneur de Longveak auquel il donna des instructions suivantes : Vous faites semblant de battre en retraite vers nord. Là-bas, je me poste en embuscade avec mes hommes pour frapper par surprise les ennemis qui vous poursuivent. Samdech Chanreachea à la tête de son armée de 45 000 hommes, quitta sa fortification, et il s ‘approcha avec son armée de Longveak. Ayant lu l’ordre de son prince, ce gouverneur fit battre les tambours selon le plan arrêté. Les chefs d’unités ordonnèrent à leurs hommes de se replier vers le nord. Sdach Khân fut informé de cette évacuation, il ordonna immédiatement à son général de poursuivre les ennemies pour les anéantir. La poursuite durait toute la journée. Samdech Chanreachea laissa pénétrer les troupes d’ennemis dans son terrain de chasse. Après quoi, il frappa les ennemis par arrière. Paniqués par ces assauts de partout, les soldats de Preap abandonnèrent leurs rangs et s’enfuirent dans toutes les directions. Ils furent bientôt à tel point décimés qu’environ 3 000 cadavres couvraient de toutes parts le champ de bataille. Le général Preap et vingt de ses officiers supérieurs ont été capturés. Ils furent amenés, les mains liées, au quartier général de Chanreachea. Celui-ci ordonna à ses soldats de décapiter du général Preap et ses dix officiers. Il fit couper les oreilles les dix autres officiers en leur laissant la vie sauve pour qu’ils portaient les têtes de leur chef et de leurs camarades pour offrir à Khân. Chanreachea fit venir les dix malheureux auxquels il dit : « Vous dites à Khân que nous sommes en saison de culture de riz, il faut mieux faire une trêve, afin que la population puisse cultiver le riz. Mais ceci est une simple suggestion, si A Khan croit qu’il puisse me vaincre avec la supériorité de ses effectifs militaires, il pourra continuer la guerre. Je le vaincrai, parce que c’est la volonté du Bouddha ».

Aussitôt rentrés au campement, les dix survivants allèrent voir Khân et lui montrer les têtes coupées et dirent le message de Chanreachea. Ayant vu les têtes de ses officiers de confiance, Khân ne fut pas maître de son émotion et perdit quelques instants de connaissance. Quand il revint à lui, il dit ceci aux membres de sa cour : « Chanreachea bénéficie pour l’instant du prestige de la race de sa famille, mais lui-même n’est pas un grand prince. Il ne faut pas donc avoir peur de lui. Aujourd’hui, ce prince me demande de faire une trêve pour laisser la population de cultiver le riz. Ce n’est pas mal comme idée. Je l’accepte ». Après quoi, il fit écrire une lettre à adversaire. Il envoya une ambassade pour porter cette lettre et des présents pour offrir au prince. Celui-ci reçut l’ambassadeur de Khân avec soin. Dans la salle d’audience, il chargea son secrétaire de lire la lettre à haute voix pour que ses dignitaires puissent l’entendre. Voici les termes de cette missive :

Lettre de Samdech Prean Srey Chetha reach Rama Thipdey , roi du Kampuchéa au frère cadet, Samdech Chao Ponhea Chanreachea,

Puisque vous revenez au pays pour m’imposer une guerre, j’en suis ravi, mon cher frère cadet, car cette guerre m’offre un spectacle de scènes de bataille : les combats des hommes et des bêtes. En effet, nous sommes proche de la saison de pluies, il est normal d’y penser, car il est important pour le bien-être de la population. Dans ce cas, il nous reste de nous nous mettre d’accord pour faire une trêve pendant la saison de culture du riz. Après la moisson, nous continuerons notre guerre à une date fixée par nos deux parties.

Dès que la lecture eut été terminée, Samdech Chanreachea se mit en colère et dit à l’ambassadeur de Khân ceci : « Tu diras ceci à Khân qu’il ne m’appelle plus « frère cadet, parce que, je ne suis pas de sa famille, et je suis de race royale, quant à lui, il appartient à la race des esclaves. Nous vivons donc dans deux mondes différents ».

Après quoi, il donna une pièce d’or d’une balance siamoise et quelques pièces d’argent de deux balances siamoises (unité de pesage utilisée au Siam de l’époque) pour récompenser de ses services.

L’ambassadeur de Khân prit congé du prince respectueusement et rentra chez lui.  Après son départ, les ministres et les généraux demandèrent au prince que cette trêve pour laquelle, il accepte, en quoi était-elle donc nécessaire ?. Pour eux cette trêve est improductive. Elle arrête l'envol des troupes qui sont aujourd’hui en position de gagnant dans tous les fronts. Elle permettra au Sdach Khân de revoir ses stratégies et de lever une nouvelle armée dans les régions du Nord et du Sud dont une capacité des gens en âge d’incorporation dans l’armée pourrait atteindre à un million d’hommes. En revanche, les provinces conquises, Moha Norkor, (Siemreap actuel), Battambang et dizaine de petites provinces ont peu de la population, par exemple dans la province de Battambang, le nombre était à peine cinq milles d’habitants, parce que les Siamois, après leurs victoires successives, avaient enlevé presque la totalité de la population de cette province pour l’amener au Siam. Nous n’avons plus de réserve en cas de besoin de lever une armée supplémentaire contre Sdach Khân. Pourquoi ne pas profiter de cette conjoncture favorable à nous en ce moment pour continuer la guerre contre nos ennemis ?.

Samdech Chanreachea répondit aux inquiétudes de ses dignitaires ceci : Ma décision est fondée sur sept points. Vous le savez que la cour de Khân compte encore de trop nombreux avantages sur nous pour que je puisse tenter prématurément une action aussi grave, ni mettre les choses en branle à la légèreté. Non, je pense d’abord nous avons besoin cette trêve. Il faut saisir cette occasion pour consolider notre armée :

1. Rappelez-vous cet adage « On cultive le riz avec de l’eau, on fait la guerre avec du riz ». Si la population ne pouvait pas cultiver le riz, il aura la famine, et s’il y avait la famine, il est évident que notre armée va subir la conséquence.         

2. Certes, le territoire sous notre contrôle est vide de population, mais il constitue une base idéale et stable pour notre armée. Avec le temps, la population, dans les zones contrôlées par A Khân, sache que je reviens au pays et comme vous le savez je représente la royauté légitime. Il faut nous donner le temps au temps pour que cela s’ébruiter dans tout le territoire ennemi. Notre précipitation risquerait de provoquer le mécontent de la population.     

3. Le gouverneur de la province Asantouk, Chao Ponhea Ouktey Prag, est un grand général et un grand stratège, qui contrôle un vaste territoire. Il aurait toute la capacité et possibilité de nous attaquer et de nous encercler. Cette trêve lui empêche d’y faire.  

4. Khân possède d’aujourd’hui tous les objets de sacre royal. Aux yeux de ses soldats, il est un monarque des Khmers. Il rayonne avec le parasol royal au milieu de ses troupes. Quant à moi, je n’ai rien pour prouver à la population que je suis un héritier légitime du trône du Kampuchéa. J’ai besoin un peu de temps pour me faire une place dans le cœur de la population.                     

5. Aujourd’hui, je ne peux plus revenir sur ma décision, parce que j’ai déjà donné mes paroles à Khân. Sinon, la population pourra me traiter de menteur.

6. Nous avons aujourd’hui des bons soldats, mais ils manquent encore une assurance sur le champ de bataille, non pas, parce qu’ils ne soient pas courageux, mais parce qu’ils manquent les instructions militaires. Profitant de cette trêve pour entraîner nos soldats.                     

7. Je possède sans doute le titre de l’héritier légitime du trône, mais Khân règne dans ce pays depuis déjà longtemps. Il dispose en maître absolu des ressources et de l’autorité du Royaume pour m’opposer.

Mes chers amis, ces sept points constituent la fondation de ma décision d’aujourd’hui. Ayant entendu ces explications, les ministres et les généraux dirent à leur prince : « Samdech, vous avez des vues d’une élévation admirable ! ». Quand Samdech Chanreachea voyait que ses hommes faisaient confiance à sa stratégie, il en était content. Il confia la défense de la citadelle de rivière Kraing Ponley au général Tep, fils de Ta Moeung. Par cette fonction, il devait aussi superviser les gouverneurs de Rolir Spirk et Longveak.  Après quoi,  Samdech Chanreachea prit le chemin du retour vers Baribor.

Parlons maintenant du grand gouverneur d’Asantouk, Chao Ponhea Ouktey Prag. Ce gouverneur possédait un pouvoir de vice-roi. Il contrôlait vingt cinq Meung : Chi Kreng, Staung, Prom Tep, Prey Kdey, Krarkos, Kompong Svay, Kompong Hav, Prasat Dab, Kok Kè, Svay Rolirk, Kauk Sès, Sen, Kampoul Pich, Purthi Raung, Tralek Keig, Gnoun, Cheu Tirl, Sra Guer, Sar Norkor, Sra Yeuv, Mlou Prey, Prey Kdey, Siem Bauk, Preah Prasap.

Ayant appris le départ de Samdech Chanreachea de Longveak, il mobilisa son infanterie et sa cavalerie de 80 000 hommes pour placer ses troupes en travers du chemin de retour de Chanreachea à mi-route, et de l’attaquer. Il puit ainsi avoir une chance de le capturer. Prag était sans doute un chef téméraire, mais il manquait la fermeté et d’esprit de décision. Capable de se lancer par coup de tête dans des affaires de l’Etat, il se montrait incapable de travail en équipe. C’est ainsi, il ne tenait pas compte la trêve.

Chanreachea fut informé immédiatement du mouvement d’ennemis : Une unité du général Prag était en train de traverser le fleuve et fit mouvement par bateaux vers la province de Krakor pour barrer son chemin. À peine eut-il appris cette nouvelle, il se plongea dans ses réflexions afin d’essayer de trouver un moyen praticable pour faire échouer les intentions de Prag. Pour Chanreachea, c’est dans l’eau, il faut qu’il gagne cette bataille. Après quoi, il ordonna à Chao Ponhea Yous Reachea, commandant du fort de Pursat, d’envoyer 10 000 hommes à Kompong Day Tonlé Sap se poster en embuscade pour empêcher les ennemis de débarquer à Krakor. A peine l’ordre reçu, Chao Ponhea Yous Reachea quitta le fort, accompagné du colonel Peou. Une fois parvenu sur les lieux, il chercha un endroit idéal pour placer ses canons et ses hommes tout au long de la berge. Au même moment, Chanreachea ordonna au général de l’armée de l’eau Pich à partir, avec sa division de 20 000 hommes, à l’Est de la bouche de Tonlé sap pour attaque les ennemis par arrière. Après quoi, avec vingt cinq barques et plus de deux mille soldats de l’eau, Samdech Chanreachea monta à bord de sa barque de Saray Andète (algues flottantes), il quitta son campement pour s’établir tout près de la bouche de Tonlé Sap. Le lendemain matin, la patrouille fluviale signalait l’arrivée des bateaux d’ennemis. Le Colonel Peou, adjoint de Ponhea Yous Reachea, ordonna aux chefs des canons et les unités d’armes à feu de tirer sur les ennemis. Surpris par ces tires, le général Prag ordonna à ses troupes de se replier, mais le général Pich était plus rapide que ce dernier, il ordonna à ses troupes de sortir de leurs cachettes pour attaquer la retraite d’ennemis. Le bateau de Prag était immédiatement encerclé par les pirogues d’assaut des soldats de Pich. Prag et les membres son Etat-Major furent capturés. Onze autres chefs militaires arrivèrent à débarquer à l’Ouest du fleuve, mais ils étaient aussi capturés par les hommes de Pich qui les attendaient à la berge. L’armée vaincue s’enfuit à toutes jambes, mais Chanreachea arrivait à la tête de ses troupes à la rescousse. Le combat ne dura pas même une heure, les 22 gouverneurs et leurs 60 000 hommes demandèrent la reddition sans condition. Chanreachea accepta cette demande et garda le général Prag à la tête de son armée. Dans cette bataille, il y avait environ trois mille soldats de Prag qui étaient morts de noyade.

Faute de trouver un Brahmane pour assurer la cérémonie de « jure de fidélité » selon la tradition khmère, Chanreachea demanda aux transfuges de prononcer en criant après lui trois fois la formule de jure. Après quoi, il ordonna au Général Prag d’attaquer les trois provinces, Kompong Siem, Cheug Prey et Steug Trang. Celui-ci partit exécuter les ordres de son nouveau maître avec la vitesse du cheval et la fidélité du chien.

Ayant appris l’arrivée du Général Prag, les trois gouverneurs eurent les foies, ils abandonnèrent leur préfectures pour se réfugier à la capitale de Khân. Dès qu’il eut appris la fuite de ses anciens subordonnés, il écrivit un rapport officiel à Chanreachea. Celui-ci s’en montra satisfait et conféra au Général Prag la charge de gouvernement la partie Nord de la rive Ouest du Grand Lac. Sa mission principale était de rallier les gouverneurs et rassurer les populations de cette région. Prag et ses vingt et un gouverneurs remercièrent leur nouveau souverain et se retirèrent dans leur province respective. Arrivé dans sa province Asantouk, Chao Ponhea Ouktey Thirech Prag créait des brigades mobiles de propagandes. Chaque brigade était dirigé par un commissaire politique qui possédait deux qualités : un intellectuel connu et un homme éloquent de réputation. Ces hommes auraient été des anciens bonzes. En un peu de temps, ces chefs de brigades arrivaient à convaincre par voie pacifique plusieurs chefs des Meug (district) de la partie Est de la région Ouest : Moha Norkor, Sotnikum, Pourk, Kralaig, Chong Kal, etc.

Faisons un retour dans le passé : Après la victoire de Sdach Kkân sur son beau-frère, le roi Sokhun Bat à Basane, puis à Phnom-Penh, il y avait eu beaucoup des membres de la famille royale et les bonzes supérieurs et les Grands Brahmanes, fidèles à la monarchie, s’enfuirent de ces deux grandes villes pour se cacher dans la forêt. Ayant appris le retour de Samdech Chanreachea et sa victoire dans l’Ouest du pays, ils sortirent de leurs cachettes pour rejoindre ce dernier. Avant d’aller voir Samdech Chanreachea, ils se réunissaient dans le fort de l’armée pour discuter de l’avenir statutaire de Chanreachea. Voici ce qu’ils dirent :

Preah Chanreachea est un prince royal, fils du roi Thomme Reachea, il est intelligent, fort et se batte aujourd’hui pour restaurer la monarchie légitime du pays. Il est sans aucun doute destiner à devenir roi. Il a un éléphant magnifique de sept bras de hauteur. Cet éléphant a l’intelligence de l’homme. Il manipule les armes de guerre avec sa trompe et utilise ses quatre pieds pour esquiver les attaques des ennemis humains. Il sait guérir les maladies en aspergeant  l’eau bénite par sa trompe sur les malades. Si la pluie n’est pas au rendez-vous pendant la saison de pluies, il sait faire venir la pluie. Il fait savoir aux soldats qu’ils aillent gagner ou perdre la bataille par le son de son cri. Entre outre, Preah Chanreacha a aussi une barque, surnommée « Algues flottantes ». Cette barque possède plusieurs qualités : Elle est rapide sur l’eau comme le vent dans l’air. Phnom-Penh à Moha Norkor, elle fait en trois à quatre jours. La barque normale doit faire au moins dix à quinze jours. A chaque fois qu’on veut sortir la barque de son hangar, on doit jouer la musique classique (pinpeath) pour accompagner cette manœuvre. On offre tous le jours une offrande de 125 œufs de poulet au génie protecteur de cette barque. Au moment où on met la barque à l’eau, on doit vérifier le nombre d’œufs dans le panier,  si le nombre est au complet, on sait qu’on a besoin seulement 16 personnes pour la ramener au fleuve, parce qu’elle devient légère, et un bon présage pour les rameurs, dont le nombre est aussi 125. Si au contraire, il manque d’œufs dans le panier d’offrande, on dirait que le roi va avoir des ennuis.

Quand les dignitaires de l’ancien régime avaient rencontré Preah Chanreachea, ils lui demandaient sans ambages qu’il doive se sacrer roi. Ayant entendu cela, celui-ci, réticent, leur répondit ceci : « je crains bien que cette suggestion ne soit pas très convenable en ce moment de guerre». Mais, ils lui répliquaient qu’il est possible dans la tradition khmère de faire monter sur le trône un chef militaire en guerre par une cérémonie dite « Sangkramaphisêk » (sacre de guerre), une étape provisoire pour donner toutes les prérogatives de souverain à un chef de guerre, puis après sa victoire, un autre sacre, appelé « Prapdâphisêk », c’est-à-dire un homme qui devient roi de par ses victoires militaires. Après quoi, Samdech Chanreachea en accepta, parce que ce sacre enfin de compte lui permettra de montrer sa puissance royale et divine face à la cour de Khân..

On était alors dans le 9e jour du mois de (février/mars), année du rat, 1516, Samdech Chao Ponhea Chanreachea monta sur le trône du Kampuchéa. Il porta le titre Preah Borom Reachea Chanreachea Krauk Krong Kampuchéa Thipadey (Souverain provisoire). Après la cérémonie, il conféra aux dignitaires religieux, civils et militaires les titres et les charges de l’Etat en fonction de leurs mérites :    

Les dignitaires religieux :

1. Vénérable Chef de pagode Sours, était nommé au fonction de Chef religieux, ayant le titre Samdech Preah Sokunthir Thipday Sérey Saurthor ;

2. Vénérable Chef de pagode Srey, était nommé Samdech Mongkol Tepirchar ;

3. Vénérable Chef de pagode Som, était nommé Samdech Preah Thomlikheth ;

4. Vénérable Chef de pagode Loys, était nommé Samdech Porthivong ;

5. Vénérable Chef de pagode Toun au titre de de Samdech Vorakvong ;

6.Vénérable Chef de pagode Som, était nommé Samdech Preah Moha Promony ;

7.Vénérable Chef de pagode Chhay, était nommé Samdech Moha Vimolthomma. 

Ces vénérables avaient même rang protocolaire des ministres : Kralahom, Yaumreach, Veing, Chakrey, Moha Montrey, Moha Tep.

Les fonctionnaires :

Le roi Chanreachea fit la réforme de la fonction publique. Il créa six échelons d’hiérarchie :

- Lhoung, fonctionnaire ayant le grade de cinq Houpaung ; 

- Khoun, fonctionnaire ayant le grade de quatre Houpaung ;

- Meun, fonctionnaire ayant le grade de trois Houpaung ;

- Ouk Meun, fonctionnaire ayant le grade de deux Houpaung ;

- Chak Meun, fonctionnaire ayant le grade d’un Houpaung.

- Niy, fonctionnaire subalterne.

Jadis tous les gouverneurs de provinces, ayant le grade de dix à neuf Houpaung, portaient le titre Samdech Chao Ponhea. Ceux qui avaient le grade de huit Houpoung, portaient le titre de Ponhea. Dans la nouvelle réforme, les quatre grands gouverneurs ou Sdach Kraig (vice-roi), portaient le titre Okgna. Les gouverneurs, ayant le grade de neuf à dix Houpoung, portaient le titre Chao Ponhea, et ceux qui avaient le grade de huit à sept Houpoung, portaient le titre Ponhea. Tous les dignitaires du palais portaient le titre SénaPadey.

Les membres du gouvernement :

1. Preah Tip Chirchay Tep, était nommé Samdech Chao Fa Tolahak (Premier ministre) ;

2. Lhoung Séna Nourak Prom, était nommé Okgna Yaumreach (Ministre de la justice) ;

3. Lhoung Vichet, était nommé Okgna Kralahom (Ministre des armées de la marine et de l’eau) ;

4. Lhoung Odam Chenda Srey, était nommé Okgna Vaing (Ministre du Palais royal) ;

5. Lhoung Pheakdey Nourak Keo, était nommé Okgna Chakrey (Ministre des armées de terre).

Le cabinet du roi était composé de cinquante fonctionnaires. Son neveu, Chao Ponhea Yous Reachea, était nommé Chao Ponhea Reachea.

Les officiers généraux :

Les membres de sa famille maternelle :

1. Khoun Snéha nourak Keo, était nommé Okgna Vongsar Akreach ;

2. Meun Vichith Sathiros Sam, était nommé Okgna Vibol Reach ;

3. Meun Pharkdey nourak Tep, était nommé Okgna Thomma Thireach ;

4. Meun Visès Hathey Kao, était nommé Okgna Reach Dekchak.

Les autres militaires :

1. Chao Ponhea Séna Roeung Rithy Tey, était nommé Samdech Chetha Montrey ;

2. Chao Ponhea Chumrong Snéha Sin, était nommé Okgna Ekreach ;

3. Chao Ponhea Sénavuth Soun, était nommé Okgna Bâratès Reach ;

4. Chao Ponhea Séna Samsak Nou, était nommé Okgna Sreysou Tipvaing ;

5. Chao Ponhea Samdeng Avuth Mo, était nommé Okgna Norinthir Thipdey.

Les deux fils de Ta Moeung n’étaient pas oubliés. Le troisième fils était nommé Chao Ponhea Sangkriem, quant au quatrième fils, Sok, était nommé Okgna SoukirLauk. Ces deux fils supervisaient chacun plusieurs provinces. Le gouverneur de Battambang passait de grade de six Houpoung à neuf Houpoung. Il supervisait quatre districts : Monkol Borey, Teuk Chor, Bor Thaung, Peam Seyma et Maung Reusey.

Enfin, il faisait appel à tous les intellectuels du Royaume de lui rejoindre pour lui aider à bâtir un nouveau Kampuchéa. Cet appel était entendu dans tout le pays. Il inspirait le respect à toute la population et sa réputation s’accroîtrait de jour en jour. Il savait que le peuple attende de lui trois choses : L’ordre, le riz et la paix.   



La province de Siemreap était appelée Moha Norkor. Le Roi Ponhea Yat (1385-1427) a changé ce nom en Siemreap, après sa victoire contre les Siamois. Siemreap signifie « les siamois sont écrasés ».

Province d’Asantouk : Asantouk  est composé de deux mots : Asan (danger) et Touk (tristesse). On donnait ce nom à cette province, parce que dans la légende « Ponhea Krek ou Ponhea Krarchhoug» (Prince Krek). Ce prince ordonna ses soldats à de poursuivre la fuite d’un autre prince, nommé Basey Chamkrong, pour le tuer.  Arrivé à un lieu (Asantouk), la fugitive était en danger et triste. Ainsi, la population donnait le nom à cet endroit « Asantouk » (Danger et tristesse).  Aujourd’hui on appelle cet endroit « Santouk » (un district de la province de Kompong Thom). Jadis Asantouk était une grande province qui contrôle plusieurs autres petites provinces, appelées Meung (Srok ou district). Beaucoup de noms de Meung n’existe plus aujourd’hui, mais d’autres subsistent encore, mais sous un autre nom, par exemple : Koh Sès (Baray).         

Les endroits où les trois mille soldats du Général Prag étaient noyés sont appelés « Kompong Loung » de la province de Krakor. « Kompong Sdach Bâch » de la province Baribor. Le nom « Kompong Sdach Bâch » est appelé aujourd’hui « Kompong Ronthès Bâch ».   

Houpaung (Kbalpoung) : un fonctionnaire qui commande d’un millier de personnes.

Sdach Kraig, (vice-roi ou Grand Gouverneur). Montrey Knang Pous (les gouverneurs de province).

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12 mars 2010 5 12 /03 /mars /2010 13:57

 Première Partie.

Auteur : Bun Chan Mol (Texte en khmer). Traduction et adaptation en français par Sangha OP

 

Introduction :

 Nous, les combattants pour l’indépendance du Cambodge, nous retrouvons à Phnom-Penh, après notre libération de la prison française par la force japonaise. Les Japonais continuait de nous aider et de soutenir notre cause. Le 8 février 1945, les alliées bombardèrent la ville de Phnom-Penh. Cette attaque aérienne fit réagir l’armée japonaise, stationnée en Indochine : le 9 mars 1945, elle décida d’arrêter tous les Français.

Au moi de mai 1945, le gouvernement japonais fit venir Son Ngoc Than au Cambodge, après son exil au Japon à la suite de l’arrestation d’Archa Hem Chieu. La nuit du 8 au 9 mai, la jeunesse khmère et les militaires forcèrent le gouvernement Ung Hy, au solde de l’autorité française, à démissionner. Le 14 mai, Son Ngoc Thanh fut nommé Président du Conseil des Ministres.

Nous étions content de cette nomination, sans plus, parce que nous sommes conscients que tôt ou tard, les alliées vont gagner la guerre contre les Japonais et les Français vont revenir en Indochine. Si c’était le cas, nous nous disons, nous battrons pour libérer le Cambodge des griffes françaises. Si nous ne pouvions pas combattre sur notre sol, nous partirons en Thaïlande et au Vietnam pour continuer notre lutte contre la France coloniale. Ce qui doit être arrivé, arrivera. Le 16 octobre, Son Ngoc Thanh fut arrêté par l’autorité française. Les membres de notre groupe étaient aussi recherchés par la police française.

Comme prévu dans notre plan, Messieurs, Pak Choeun, Chao Seng Kosal, alors gouverneur de la province de Kampong Cham, Madame Lam Thi Ouk, épouse de Son Ngoc Thanh et les autres membres, furent partis se cacher dans la région de Basac (Kampuchéa Krom). Quant à moi, je fus parti à Battambang chez mon oncle, nommé Pok Koun, dit Trâlach. À  cette époque, la province de Battambang était occupée par la Thaïlande. La frontière khmère se trouvait à Svay Daun Kev.

À partir de là, je vais vous raconter mes activités à Battambang et celles des Khmers Libres (Khmers Issarak). J’ai constaté que les activités des Khmers Issarak sont opposées au but recherché par les hommes politiques, qui luttent pour la libération du pays et les idées des membres fondateurs de ce mouvement. Ces défauts me donnent une grande déception jusqu’à ce jour. Pour cette raison, j’ai écrit cet essai pour raconter les attitudes des Khmers Issarak. J’ai donné le titre à mon essai les « mœurs khmères », parce que les attitudes des Khmers Issarak s’inscrivent dans nos mœurs.

Au crépuscule de mon âge, je voudrais dédier mon dernier œuvre à mes compatriotes de la République Khmère pour qu’ils puissent y réfléchir et éviter à utiliser, comme dans le temps passé,  la violence comme moyen de régler les différends entre les Khmers.

Je souhaite bonheur à la République khmère et que la justice soit la base de son développement.

Phnom-Penh, 26 février 1973

Bun Chan Mol


1. Mon exil

Nous sommes en 1945. Le 16 octobre, à 11 heures, la force des alliées est venu encercler la résidence du gouvernement pour arrêter M. Son Ngoc Thanh, Président du Conseil des Ministres. Ayant appris cette nouvelle, j’ai décidé immédiatement de quitter le pays. Cette éventualité a déjà été prévue dans notre plan. J’ai organisé avec les membres de ma famille le plan en détail de ma fuite de la capitale. Le lieu de refuge sera chez mon oncle, nommé Trâlach, à Battambang. Cette province était sous le contrôle du gouvernement thaïlandaise. Je partirai seul. Pour quitter Phnom-Penh, il faut que je prenne tous les précautions pour éviter d’être arrêté par la police. En effet, je ne dois pas quitter la capitale par l’Ouest, parce que par là, il y ait beaucoup des agents de sûreté français qui guettent les membres du Mouvement antifrançais pour les arrêter. Il faut donc passer par le Grand lac (Kompong Cham) pour quitter la capitale, et ensuite de revenir à Prek Kdam par des petits chemins pour reprendre la nationale n° 6, qui fait Phnom-Peng-Battambang. L’avantage de ce détour est double : Une possibilité d’alerter les autres membres du mouvement dans cette région sur les événements politiques récents, et de les informer sur ma décision de quitter le pays pour continuer la lutte. Le chemin de fuite doit passer par le district de Tonlé Bèt où habite mon frère, Bun Chan Than, gérant d’une station d’essence de la compagnie Shell.  De là une voiture avec chauffeur, qui me conduira à Battambang en passant par Prek Kdam.

Avant de quitter chez moi, j’ai pris deux pièces d’or et un pistolet, je les ai cachés sous mon pantalon autour de ma hanche. Cet or me serve comme monnaie d’échange pour mes besoins à Battambang. Cette nuit, j’ai décidé de passer la nuit hors de chez moi. J’ai pris mon vélo de course pour aller à Chbar Ampeuv. Là-bas, mes parents ont une grande ferme de culture des maraîchères. J’ai passé ma nuit dans cette ferme. Le lendemain matin, j’ai repris mon chemin en vélo sur la route Phnom-Peng – Prey Nokor, en traversant les districts Prek Ek et Koki. En suite, j’ai quitté la route principale pour la direction du Nord et traversé le fleuve par la barque pour rejoindre l’autre rive de Lovear Em. Arrivé de l’autre côté du fleuve, j’ai repris mon chemin en logeant le fleuve à destination Prek Laung. Je suis arrivé à Prek Laung vers 13h. Dans ce lieu, j’ai pris mon repas. Après quoi, je suis allé chez mon ami, nommé Khan pour lui informer des nouvelles de Phnom-Penh, en particulier de l’arrestation de Son Ngoc Thanh par les français. Mais, j’ai vu que Khan en est déjà au courant. C’est vraiment un homme avisé. Il mérite donc d’être complimenté. Il ne me reste à dire à Khan que ce dont est vrai. Après quoi, je l’ai informé de ma décision de partir à Battambang pour continuer la lutte : Je partirai à Prek Kdam demain matin, parce qu’une voiture m’attendra là-bas pour me conduire à Battambang. Khan m’a écouté en secouant la tête, après quoi il me dit : « Mon petit frère, le mieux, c’est de prendre le bateau pour aller à Prek Kdam, parce que le chemin est long et difficile en vélo. Ce soir tu dors chez moi et le lendemain, tu prendras le bateau à 6h du matin ». J’acceptait immédiatement son conseil.

Le lendemain matin, mon ami Khan m’a accompagné au port. Au quai, en voyant le bateau arrive de loin, il commençait à me souhaiter de beaucoup de choses, en particulier de vivre heureux à Battambang pour continuer la lutte pour libérer le pays de l’occupation française. Je l’ai répondu en levant mes deux mains jointes à la tête pour recevoir ses vœux de tout mon cœur. Après quoi, J’ai porté mon vélo sur mes épaulee, j’ai monté à bord du bateau avec beaucoup de chagrin de quitter mon ami Khan. Le bateau quitta le port, mais nous continuons de nous regarder jusqu’à que nous ne nous voyons plus.

Le bateau à vapeur, brûlé avec les bois, se glissa en avant sur l’eau calme. Il me faisait vibrer mon corps. Tout près de moi, je voyais les vagues qui courent dans le sens inverse de l’avancement du bateau et ils s’éloignaient de moi rapidement. De temps en temps, un sifflet pour annoncer une escale. Il y en a beaucoup, à Prek Prasap, à Rokakâok, à Prek Por, à Peam Chhikhân etc. Vers 10h, je suis arrivé à Prek Bèt. J’ai descendu du bateau en portant mon vélo et j’ai filé chez mon frère, Bun Chan Than. Arrivé chez mon frère, j’ai raconté à mon frère tout ce que je dois lui raconter. J’ai passé la nuit chez lui avec beaucoup de précaution. Le lendemain matin, mon frère m’a accompagné à Kampong Cham pour un rendez-vous avec les membres de notre famille, qui sont venus pour me conduire à Pursat : mes neveux, ma nièce Ponn Gha et ma sœur. Mes trois neveux, Chhoun Chheun, Chhoun Mom, Chhoun Prasith. Ces trois ont amené une voiture Citroën de type 10 chevaux. J’ai mis mon vélo dans le coffre de cette voiture et nous avons dit au revoir à mon frère Bun Chan Than, après quoi, nous avons monté tous dans la voiture, nous avons fait demi-tour pour reprendre la direction de l’Ouest. Dans la voiture, mes neveux m’ont raconté qu’hier soir les agents de police sont venus me chercher chez moi à Vat Onalaum. Ma famille dit aux policiers que je ne suis pas à la maison. Ils faisaient demi-tour sans fouiller la maison. Quand j’ai entendu ça, je me dis que j’ai bien fait de m’enfuir, sinon la prison Koh Tralâch sera ma prochaine destination. Je pense aussi aux amis français qu’ils m’ont toujours dit quand les alliées gagnent les Japonais, les Français vont revenir en Indochine, ils m’arrêteront et aussi tous mes compagnons pour nous jeter à nouveau en prison. Ils m’ont dit ça le jour qu’ils m’ont vu à Phnom-Penh après ma libération de prison de Koh Tralâch par les Japonais.

Quand nous sommes proche de Prek Kdam, j’ai demandé à ma famille de me laisser descendre de la voiture en leur demandant de traverser le fleuve par chaland sans moi. Nous avons fixé le lieu de rendez-vous dans un hameau tout près du district de Kampong Laung. Je les dis qu’il faut qu’on évite être ensemble à l’embarcadère de Prek Kdam, c’est une question de prudence. Nous avons traversé le fleuve séparément : les membres de ma famille ont traversé le fleuve par chaland quant à moi, j’ai poursuivi mon chemin en vélo en longeant le fleuve vers le nord jusqu’à un lieu qui se trouve en face du lieu de rendez-vous, mais de l’autre côté du fleuve. Là-bas, j’ai cherché une barque pour me faire traverser le fleuve. Une chance qui me sourit, parce que j’ai pu traverser le fleuve rapidement. Arrivé de l’autre côté de la rive, j’ai attendu ma famille. Quelque temps plus tard, la voiture arriva, j’ai monté dans la voiture et nous poursuivons notre chemin. Aujourd’hui, quand je pense à cela, je me dis qu’il était quand même très compliqué.

Nous avons roulé jusqu’à la province de Pursat. Je rappelle aux lecteurs qu’à cette période, la province de Battambang et Siemreap étaient sous le contrôle thaïlandais et la frontière khmère se trouvait à Svay Daun Kev. Nous avons poursuivi notre chemin jusqu’à la sous-préfecture de Trapaink Chhork. À environ de 7 km du lieu dit, il y a un endroit déserte, nous arrêtons la voiture, j’ai pris mon vélo et à ce moment précis, j’ai pensé que : « c’est y est, je vais me séparer de mes chers. Je dois continuer tout seul mon chemin ». J’ai dit au revoir à tout monde en leur demandant de s’occuper bien de la famille. J’ai rajouté que je ne sais pas quand je pourrais revenir au pays, parce que dans la lutte, je pourrais être tué. J’ai dit à mes neveux, Chhoun Chheun, Mom et Prasith qu’il faille bien travailler à l’école afin de pouvoir aider plus tard le pays. Ils m’ont répondu que mon souhait précieux sera respecté à la lettre. Ils m’ont souhaité que je sois heureux dans mon exil afin de servir la nation jusqu’à la victoire finale. J’ai écouté leurs vœux avec sourire, mais mon cœur était envahi par le chagrin. Nous avons continué de parler pendant au moins 20 minutes, parce que c’était très difficile de nous séparer. J’ai monté sur mon vélo et pris mon chemin d’exil. Je me suis retourné la tête pour regarder les membres de ma famille : Tous sont entrain de me regarder aussi. J’ai continué à pédaler et me suis retourné la tête la dernière fois pour les regarder en faisant le signe de main d’au revoir, ils m’ont répondu en agitant leurs siennes. Cette séparation était une tristesse indescriptible, parce que je ne savais pas quand je pourrai revenir au pays. Cet exil est pour moi une obligation pour servir mon pays. Il était aussi une première pour moi.

À peu près deux heures de route en vélo, je suis arrivé au chemin d’entrée à la pagode Svay Daun Kao. J’ai fait une visite à ce lieu saint pour saluer la statuette du Bouddha et ensuite, j’ai cherché quelqu’un qui puisse m’aider à traverser le fleuve. C’était un souvenir inoubliable, parce que pendant la traversée, quand la barque se trouve à la frontière thaïlandaise, j’ai entendu une voix humaine venant d’une maison tout très du passage de ma barque qui dit : « Ce vélo est magnifique ». Cependant, je me dis avec une appréhension que ça y est, je vais avoir une affaire avec des brigands thaïlandais. Par instinct, j’ai mis ma main sur mon pistolet en regardant le rameur de la barque. Ce dernier me regarda et me dit en continuant de ramer, ce n’est rien. Arrivée à la rive, j’ai payé le rameur, monté sur mon vélo et continué mon chemin jusqu’à la ville de Battambang. À cette époque à Battambang, on roule à gauche, parce qu’en Thaïlande, on roule à gauche. Je suis arrivé à Maung Reusey vers 18h. Là-bas, j’ai cherché un ami, nommé Ta Teug pour lui demander de passer la nuit chez lui. Ta Teug était un orfèvre de Phnom-Penh, au marché Yek. Il a quitté la capitale au moment où il y a des agitations politiques pour venir s’installer à Maung Reusay. Ta Teug m’a accueilli avec beaucoup de joie et m’a autorisé à passer la nuit chez lui. Le lendemain matin, j’ai continué mon chemin à destination la ville de Battambang. Vers 11h, je suis arrivé chez mon oncle. Sa maison se trouvait au bout du pont de fer, du côté Ouest. Cette maison apparient à sa belle mère, appelée Mam Romay. Mon oncle m’a accueilli avec beaucoup de joie. Il m’a demandé :

-          As-tu rencontré Monsieur Pan Yink et Bun Chhan Thoun ?

-          J’ai lui répondu que non.

 J’ai expliqué à mon oncle que Monsieur Pan Yink est à Pursat. Il ne vient jamais à Phnom-Penh, parce qu’il a peur d’être arrêté par la police. Il est retourné ensuite à Bangkok pour vivre avec son fils, Pan Playman, employé dans une compagnie d’oxygène. Quant à Bun Chhan Thoun, interprète de Yink, il vit aujourd’hui à Phnom-Penh.

 Mon oncle m’a beaucoup félicité de ma décision de venir à Battambang. Il en a qualifié de décision intelligente. Il m’a dit qu’il faut créer un mouvement de libération nationale pour libérer le pays de l’occupation française. Je suis très content d’entendre ses propos, parce qu’il est aussi les miennes.

 La création du mouvement Khmers Issarak (Khmer libre) :

Chez l’oncle, Pok Koun, dit Ta Trâalach, j’ai commencé à répandre mes idées de créer un mouvement de lutte dont le nom est Khmers Issarak. « Issarak»  est un mot Pali, signifie en khmer « libre ». Mais nous voulons donner à une autre signification politique à ce mot :  « Khmers Issarak» : Khmers qui sont maître de soi, qui ne sont pas aux services des étrangers, Khmers indépendants, citoyens de son pays. Voilà notre façon de définir le nom de notre mouvement.

Quelque temps après, j’ai rencontré beaucoup des compatriotes venant de Phnom-Penh. Ils sont venus me voir pour me proposer leurs aides. Je me rappelais encore leur nom :

Hem Savâng, Hem savat, Sarou, Mi Phou, Prince Chhan Tarainsey, Chhieng, Chhan Taur Treste, Phan Say, Ros Yoeun, Ho, Ok Sann, Khan, Pom, Phauk Ni.

Il y en avait d’autres personnes dont je ne souviens plus leur nom. Je les prie donc, de m’en excuser.

Ils étaient logés et nourris par mes propres moyens dans une maison que j’ai louée pour eux. Quant à mon oncle, il a pris de contact avec Bangkok pour demander les aides du gouvernement thaïlandais.

Le gouvernement thaïlandais a donné enfin une autorisation d’ouvrir une base dans la commune d’Anglon, qui se trouve à environ de 5 km de la ville de Battambang. Ainsi, en 1946, nous avons pu créer officiellement le Mouvement Khmers Issarak. Au départ, il y a eu une bonne entente entre nous. Nous avons pu attirer beaucoup de volontaires, un peu plus de 100 personnes qui vivent en permanence dans notre base. Quelques mois plus tard, nous avons décidé de créer une section de renseignement pour répondre à l’espionnage des Français. Nous avons entendu que l’autorité Khméro-Française se prépare à reprendre Battambang. Cette autorité a envoyé des espions pour nous identifier. Il faut donc chercher les moyens pour identifier les leurs. Nous avons confié cette tâche à notre section de renseignement. Il faut dire que ce section a beaucoup créer des problèmes dans notre rang et n’était pas efficace, parce qu’il y avait certains de nos agents ont servi leurs attributions pour régler leurs affaires personnelles : Accuser des gens pour se venger. En outre, il y avait des abus de certains de nos instructeurs militaires sur les transfuges qui provoquaient le mécontent de ces derniers. Ils se plaignaient qu’il y ait trop de discipline, ils chuchotaient entre eux pour critiquer le mouvement. Ces transfuges étaient des Hay Ho, les soldats formés par les Japonais. En fait, ils ont contesté la méthode d’entraînement, et pourtant, nous ne faisons que recopier les méthodes japonaises : à 5 heures du matin, on fait le footing de 3 à 5 km et ensuite une heure de gymnastique avant de prendre le petit déjeuner. À peine 20 jours d’entraînement, les chefs de sections de Hay Ho commençaient à nous critiquer la méthode devant même leur troupe : « on perd le temps avec cette méthode et en plus le mouvement n’a même pas le fusil pour faire l’entraînement. Nous nous entraînons avec le fusil en bois, comment nous pouvions nous battre avec ça ? ». À force de les répéter, ces chefs arrivèrent à en convaincre leurs hommes et de les décourager complètement.

Je dis que cela est les « mœurs khmères ». Un peu de fatigue, ça y est, on critique pour critiquer tout simplement, sans savoir que cela pourrait avoir une conséquence désastreuse sur l’esprit d’union. Il faut savoir qu’à cette époque, le gouvernement thaïlandais nous a demandé de ne pas révéler l’existence de notre base à personne. En effet, à force d’en critiquer, il y ait un risque de révéler cette existence.

Nous avons une autre mauvaise habitude notoire : Pendant la réunion, nous nous mettions d’accords que tout ce que nous avons dit à réunion est classé comme une affaire ultra confidentielle. Mais, une fois, nous sortons de la réunion, cette affaire ultra confidentielle devient une affaire publique.

Pour préparer à résister le retour des Français et d’autorité khmère à Battambang, le gouvernement thaïlandais a commencé à nous armer : 4 mitrailleuses, 20 mousquetons, 3 à 4 pistolets.

Pourquoi, le gouvernement thaïlandais nous donne les armes ? Sur ce point, nous sommes conscients qu’il a fait, parce qu’il a l’intention de nous utiliser comme chair à canon contre les français et contre nos compatriotes. Mais, nous n’étions pas naïfs, nous avons accepté ses armes, mais nous n’avions jamais l’intention de les servir pour tuer nos compatriotes khmers. Notre seul objectif, c’était de nous battre contre les Français. Depuis, nous avons les armes, le moral de nos combattants commence à s’améliorer. Ils ont envie de se battre. Chaque jour, j’ai reçu les demandes des combattants pour partir en guerre. Je leur ai toujours répondu, il faut attendre que nous ayons plus d’armes et qu’ils doivent continuer leurs formations militaires.

Mon oncle, Ta Tralâch, allait souvent à Bangkok pour demander davantage d’aides du gouvernement thaïlandais pour notre mouvement. Celui-ci a accepté de nous donner 50 fusils de plus. Il faut comprendre qu’à cette époque le gouvernement thaïlandais avait vraiment de nous pour protéger les provinces occupées.  Mais dans sa stratégie de nous fournir en compte-goutte ses aides, c’est d’abord pour mieux nous contrôler et montrer qu’il continue de nous aider tout temps. Cela nous obligeait de reconnaître sa bonté en permanence.

Voilà la méthode thaïlandaise depuis toujours. Je me pose la question, aujourd’hui, notre pays est guerre contre les communistes.  Quelles sont les aides du gouvernement thaïlandais pour notre pays ?

Dap Chhoun 

Monsieur Dap Chhoun était un ancien sous-officier de l’armée Khméro-Française qui avait combattu contre les thaïlandais. À l’époque, le gouvernement thaïlandais avait fait une propagande, adressée à tous les sous-officiers khmers dans les rangs des Français de déserter leurs unités pour rejoindre son armée. Ils seront promus en contrepartie au grade d’officier, sous-lieutenant. Séduit par cette promesse, Dap Chhoun déserta pour partir en thaïlande. Il fut bien accueilli, en effet, par l’armée thaïlandaise. Dap Chhoun  en était très content et attendait en vain sa promotion. Quelque temps plus tard, l’autorité thaïlandaise avait confié à Dap Chhoun, une mission de surveillance de frontière à Svay Chheak, alors ce hameau était sous le contrôle du gouvernement thaïlandais.

Le temps passant, Dap Chhoun commençait à perdre sa patiente d’attendre sa promotion. Il faisait savoir aux autres khmers qu’il comptait retourner au pays pour servir le Mouvement Khmers Issarak Quelques de temps plus tard, Dap Chhoun fut contacté par mes hommes pour son ralliement à la force Khmers Issarak. Au jour fixé, Dap Chhoun, son épouse et son fils (ce fils vit actuellement en Inde), quittèrent Svay Chheak à destination Ang Long Veûl, base des Khmers Issarak. Quand il m’a vu de loin, Dap Chhoun rampait devant moi en me suppliant de lui donner une chance de servir dans les rangs des Khmers Issarak. Je me précipita de lui lever et lui dis : « Vous ne deviez pas vous comporter ainsi avec moi, je ne suis pas un être supérieur que vous. Je suis déjà content que vous soyez avec nous pour nous battre contre les Français ». Ce dernier me remercia en m’appelant Lauk Meas (Monsieur Maître). Je n’exagère pas de ces propos. Plus tard, quand Dap Chhoun devenait une personnalité importante dans le paysage politique khmère, il me traitait comme un inférieur. C’est ça les mœurs khmers.                         

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11 mars 2010 4 11 /03 /mars /2010 08:52

Le Cambodge : La colonisation française et les hommes de la liberté

 

Le 11 août 1863, le Royaume du Cambodge signe avec la France un traité de protectorat. Le 17 juin 1864, ce traité est ratifié par le roi, Norodom, fils aîné du Roi Ang Doung (1845-1860).   C’est Ang Duong, qu’en a fait une demande à la France impériale, puis républicaine, déjà présente au Vietnam. Par ce traité, le Cambodge perd une souveraineté extérieure et gagne en contrepartie assistance de la France dans le maintien de l’ordre intérieur et face aux agressions externes. Il faut noter que la désignation Norodom (1860-1904) comme héritier du trône a été contesté par ses deux demi-frères, Sisowath et Si Votha. Si Votha mène une révolte armée contre Norodom, avec l’appui de quelques grands dignitaires, qui oblige ce dernier à se réfugier à Bangkok (1861). Réinstallé par le roi du Siam, Mongkut, il est désormais dépendant de la cour de Bangkok. Le prince Si Votha se retire dans le Nord-Est du pays et continue de contester la légitimité de son frère jusqu’à sa mort en 1891.

 

Quelques années plus tard, la cour de Norodom est secouée par deux révoltes populaires, Achar Sua (1864-1866) et Poukombo (1866-1867). Elles sont vite réprimées par l’armée royale avec l’aide de la France. Cette année-là, le Roi Norodom abandonne, sur le conseil des français, sa capitale d’Oudong pour la ville « Quatre-Faces » (Krong Chatomouk), Phnom-Penh, accessible par le Mékong en toutes saisons aux bateaux de mer. Il faut bien comprendre que les Français fixent toujours les yeux sur le Mékong et vers l’amont de celui-ci, c’est-à-dire la bouché vers la Chine. Au point que, en 1867, au terme de négociations depuis 1865, la France cède au Siam, malgré les protestations du roi Norodom, les provinces les plus riches du Royaume : Battambang et de Siem Reap. Il faut attendre jusqu’en 1907, pour que le Siam accepte, sous la pression française, en échange de quelques territoires khmers, de restituer ces provinces au Royaume du Cambodge.          

 

À la longue, les protecteurs se comportent comme maître du pays. Le Cambodge protégé se transforme en un pays de colonie de la France. Celle-ci impose au Roi Norodom par une convention du 15 juillet 1884, appelée convention « Thomson » (nom du gouverneur de Cochinchine) de lui accorder une totale liberté d’action réformatrice du Royaume et de mettre fin des pouvoirs traditionnels du roi. Le 17 octobre 1887, la France intègre le Cambodge dans l’Union indochinoise, composée de l’Annam, du Tonkin (côté vietnamien), la Cochinchine (côté cambodgien) et le Laos. Le 11 juillet 1897, la France exige du roi de signer une ordonnance royale portant réorganisation des institutions gouvernementales du pays. Ces trois traités complémentaires font perdre le Cambodge son autonomie politique, c’est-à-dire son indépendance nationale. Après la mort du roi Norodom, son frère Sisowath prend sa succession. Il règne dans un Cambodge soumis totalement aux autorités coloniales jusqu'à sa mort en 1927. Son fils aîné, Sisowath Monivong, lui succède. Le roi Monivong meurt en 1941, sous pression française, son fils aîné Sisowath Monireth est écarté au profit d’un petit fils, Norodom Sihanouk.

 

Les orientalistes écrivent que la perte de l’indépendance du Cambodge s’inscrit dans le cadre général de la politique d’impérialisme colonial des grands puissants de l’époque. On disait toujours que la Thaïlande pouvait sauvegarder son indépendance, c’est dû à la rivalité coloniale Franco-Anglaise. Les Khmers voudraient bien accepter cette fatalité circonstancielle, mais ils ont quand même le droit de poser aujourd’hui la question : Est-ce que, la France avait vraiment défendu les intérêts Khmers, conformément au traité du protectorat ? Ils aiment dire entre eux ceci : « La protection assurée par ce qui n’est pas protecteur, mais maître, cette protection-là n’est pas la protection ».

 

Pendant quatre-vingt-dix ans, le Cambodge a été anesthésié par le Protectorat français. Cet état, ne permettait pas à la société khmère de régénérer dans son sein un esprit nationaliste. De cette période, la faiblesse des mouvements nationalistes était frappante. Celle-ci offre une passivité qui semble répondre à l’idéal colonial. Nous savons que la détresse d’un peuple n’est pas la pauvreté de son pays, mais sa passivité ou l’impossibilité d’utiliser ses capacités. Ainsi les nationalistes qui vivent sous le régime colonialiste ou totalitaire ne peuvent échapper à cette détresse. Accepter avec sérénité tout ce qui nous arrive en ce bas monde, comme l’unique sagesse et la vertu suprême de l’homme, est-il acceptable pour un peuple bouddhique Khmer ?      

 

Le berceau des hommes de la liberté

 

Par tout à fait, car la révolte, au mois de janvier 1885, sous l’impulsion de Si Votha qui réanimait les maquis implantés dans le Nord-Est, avec l’aide bien sûr du roi Siamois, dont le ton est antifrançais, faisait réfléchir l’arrogante des autorités coloniales. Elles sont obligées de faire d’importantes concessions de leurs réformes qui touchent directement à la tradition millénaire khmère, pour ramener la paix au pays. Dans cette insurrection violente que les Français étaient incapables de faire taire par les armes pendant un an et demi était une démonstration du nationalisme khmer contre l’étranger. Le propre khmer, c’est-à-dire la tradition, repoussait sans ménagement l’esprit d’étranger. À partir de cet avertissement, les Français étaient aussi obligés de ménager les susceptibilités nationales khmères. Cette idée est nouvelle pour les colonisateurs depuis le traité de 1863, comme dit Alain Forest dans son livre « Le Cambodge et la colonisation française », parce qu’elle a mis en échec non seulement les réformes, momentanément, mais aussi, durablement, les volontés des Français d’annexion le Cambodge dans la Cochinchine française, dont les Vietnamiens sont du plus puissant par le nombre.

 

Cinquante et un ans plus tard, c’est-à-dire en 1936, il y a une nouvelle lueur d’espoir qui venait réchauffer le cœur des intellectuels. Une sorte d’exaltation calme, mais une menace pour l’autorité coloniale. Ces hommes ont lu et entendu parler des faits politiques extérieurs ailleurs. Trois exemples qui leur poussaient à réfléchir et ensuite à réagir :

 

1. L’instauration de la première République en chine en 1912. Une nouvelle forme d’expression de l’indépendance nationale et de la liberté pour le peuple chinois. Au Cambodge, on commence timidement à parler dans les milieux Chinois, les trois principes du Docteur Sun-Yat-Sen, le fondateur de la République en chine : Le nationalisme, la démocratie et le socialisme. Sun-Yay-Sen a prononcé le 6 mars 1927 à la réunion du Comité Exécutif du Kuo-Min-Tang à Canton son discours pour réactiver ses trois principes du peuple : « Les principes du Président Lincoln sont les miens : Un gouvernement du peuple, élu par le peuple, pour le peuple ». « Au cours de la Grande guerre, le Président Wilson a lancé le mot d’ordre : les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. Notre socialisme ne signifie pas autre chose ».

 

Nous pouvons résumons ici quelques lignes des trois principes du Docteur Sun-Yat-Sen :

 

Le nationalisme : Il nous faut restaurer le prestige chinois, unifier les races vivant en Chine pour faire un peuple, un État National chinois.

 

La démocratie : Pour réaliser, il faut tout d’abord adopter les quatres formes des droits électoraux directs : suffrage universel, référendum, droit d’initiative et de révocation.

 

- Le Socialisme : Première tâche est de distribuer équitablement la terre. Réduire les inégalités entre le riche et le pauvre. Moderniser les moyens de production agricole. Encourager le développement des industries chinoises. En un mot, il faut développer l’économie chinoise en évitant de commettre les erreurs commises par les grands puissants économiques dans le temps passé.

 

2. Dès les années 1870, le Japon, un pays asiatique, connaît un processus de croissance et de développement : L’industrialisation du Japon va de pair avec le développement agricole. Celui-ci se caractérise par la rupture d’avec le régime féodal et l’ouverture du pays au monde extérieur. Ce développement est vu par les autres pays asiatiques comme un d’espoir. Si les Japonais, peuple asiatique, savent le faire, pourquoi par nous. De plus, la victoire navale des Japonais contre l’Empire Russe en 1905 confirme l’essor du Japon. Elle est vue comme une fierté asiatique.

 

3. La lutte des lettrés vietnamiens en 1900 et 1910 contre les Français pour l’indépendance de leur pays. Plus tard, en 1926, Bui Quan Chieu, chefs des modérés, présentera les revendications de son parti au nom des « droits de l’indigène ». Ce « cahier » comporte huits points :

 

  1. Amnistie générale pour les détenus politiques.
  2. Egalité des droits entre Vietnamiens et Français d’Indochine.
  3. Liberté de presse et liberté d’opinion.
  4. Liberté d’association et liberté de réunion.
  5. Liberté de voyage dans le pays et à l’étranger.
  6. Liberté d’étudier, ouvertures d’écoles techniques et professionnelles.
  7. Remplacement du régime des décrets par celui des lois.
  8. Installation d’une délégation vietnamienne près du gouvernement français pour le règlement des questions concernant les Vietnamiens.

 

Quelques mois avant la présentation de cette revendication, en juin 1925, Nguyen Ai Quoc a fondé un mouvement avec six autres hommes, le Viet Nam Thanh nien cach mang dong chi hoi, en abrégé Thanh nien, premier noyau du futur parti communiste vietnamien. En même temps Quoc crée un hebdomadaire clandestin. Dans le journal, il fait appel à l’esprit d’indépendance et aux sentiments nationalistes caractéristiques du tempérament annamite. Cinq ans plus tard, en 1930, est le née le parti communiste vietnamien. Le 18 février 1930, Nguyen Ai Quoc et les dirigeants du Parti, publient un Programme d’action « minimum », exposant en dix points les objectifs immédiats de la révolution vietnamienne dont la conquête complète de l’indépendance d’Indochine fait partie.

 

Nous sommes en 1936, au Cambodge, il y avait un poignet d’hommes que je les appelle les « hommes de la liberté » qui appariaient dans divers milieux, en particulier dans celui du bouddhisme et des beaux-arts : « Ils se sont rencontrés, discutent sur la situation du pays, les causes profondes de ses maux, et posent enfin sans détour, comment faire pour sortir le pays du problème du mal sous toutes ses formes ? ». Ils puisent leur intelligence réflexive pour aboutir à une décision : créer un journal pour sensibiliser l’opinion publique sur les idées de l’indépendance nationale.  Ils donnaient le nom à leur journal en Pali « Nagaravatta », c’est-à-dire Norkor Vat (le pays des pagodes).          

 

L’esprit du journal de « Norkor Vat » pendant la période de 1936 à 1942

 

Face à la misère perpétuelle du peuple khmer, les animateurs du journal ou les hommes de la liberté posent sans détour la question : quelles sont les causes profondes de la misère du peuple ? La Chine dit, c’est le féodalisme. Elle change le régime de gouvernement en proclamant la république du peuple. Le Japon ouvre la porte pour faire entrer les techniques occidentales, mais maintient toujours l’esprit japonais. Le Vietnam dit, c’est le colonialisme ; il lutte pour l’indépendance nationale et bâtit en même temps le socialisme. Le Cambodge n’est pas la Chine, il n’a pas non plus la capacité du Japon, mais il subit le même sort que son voisin, le Vietnam, ennemi depuis toujours. Le Cambodge n’a pas les moyens comme le Vietnam :

 

-Le nombre important de la population (proche de 20 millions d’habitants) qui lui permet de choisir la voie de la lutte armée contre les Français ;

-Les qualités de son peuple ;

-Le nombre important des intellectuels qui sont susceptibles d’abandonner leurs conforts personnels pour une grande cause nationale.

 

Ce constat est amer pour les hommes de la liberté, mais il représente une réalité à ne pas ignorer. Au-delà des exégèses du sens des textes des Chinois, Japonais, Vietnamiens, les principaux dirigeants du journal « Norkor Vat », Son Gnoc Thanh, Pach Chhoeun, Ieu Koeus, en tête, avaient choisi une voie originale : Rassembler toutes les forces traditionnelles du pays pour libérer le pays de la colonisation française. Ces forces sont : la monarchie, qui représente la tradition, la religion, qui représente le peuple, et le laïque, qui représente les hommes de culture. Selon le Professeur Keng Vannsak, qui a passé en France plus d’un mois en compagnie de Thanh pendant ses séjours surveillés par la police française : « Thanh ne parlait jamais de la république. Ses préoccupations majeures étaient plutôt sur les projets de libération du pays de la colonisation française. Pour Thanh, la question est moins de savoir ce que sont les intentions, moins de définir ses objectifs que de passer en revue ses moyens. L’intelligence du peuple est sortie du désir de l’action ». Ces moyens sont là pour les hommes de la liberté : La jointure des trois forces vives du pays.

 

Leurs actions étaient articulées de façon suivante : Faire passer les messages simples au pays par le biais d’un journal. C’est un travail de sensibilisation qui était considéré par eux comme une étape nécessaire pour constituer une force nationale :

 

-L’union fait la force nationale ;
-Le pays a besoin de se redresser, de se moderniser et de se transformer en

s’appuyant sur la force nationale ;

-L’avenir du pays est dans les mains des Khmers ;
-La tradition nationale vaut plus les modes étrangères ;
-Les Khmers d’aujourd’hui ne sont que l’ombre des Français de l’Indochine,

donc ils dépendent d’eux.

 

Ces termes ont été écrits par les hommes de talents, tels que : les vénérables Hem Chieu, Khieu Chum, Pâng Khath et les hommes de savoir, Sim Var, Tep Pânh, Chien Lien, Mich Nakry et les autres.

De 1936 à 1942, c’est la période de préparation d’esprit du peuple khmer à se faire confiance en sa propre force pour reprendre son destin en main. C’est aussi de le faire rêver de l’avenir meilleur dans un Cambodge indépendant.  

 

La colonisation française en Indochine et la seconde guerre mondiale

 

Après la signature du Pacte germano-soviétique, Hitler lança ses armées sur la Pologne, le 1er septembre 1939, sans déclaration de guerre. En application de leur alliance, la France et le Royaume-Uni déclarèrent la guerre à l’Allemagne.

En France, après quelques jours de combat acharnés, sa ligne de défense fut percée. Dès lors, plus rien ne pouvait enrayer l’avancée nazie. Le Président du Conseil Paul Reynaud démissionna et le nouveau gouvernement du maréchal Philippe Pétain choisissait de demander l’armistice le 17 juin 1940. Il fut signé le 22 juin. L’Allemagne occupait la partie nord et ouest de son territoire. Pétain instaurait en France un régime autoritaire et collaborateur, désigné sous le nom officiel d’État français, dit plus couramment « régime de Vichy ».

 

Désireux de venger l’affront fût par la France à son Royaume en 1893 et 1904, la Thaïlande profita de l’invasion de celle-ci par l’Allemagne et se lança en janvier 1941 contre le Cambodge et le Laos, déclenchant la Guerre franco-thaïlandaise. Aucun camp n’étant en mesure de remporter la victoire, le litige fut tranché par le Japon, présent au nord de l’Indochine depuis septembre 1940 et qui octroya à la Thaïlande une partie du Cambodge (Battambang, Siemreap et Sisophon) du Laos.

 

Le 9 mars 1941, la France de Vichy avait conclu avec le Japon sous la pression de ce dernier une convention, appelée convention de Tokyo, qui donnait droit à l’armée japonaise d’utiliser l’Indochine comme bases arrière de l’armée impériale. Ces bases servaient plus tard à envahir la Malaisie et la Birmanie. Au Cambodge, les mouvements khmers Issarak (Khmers Libres) firent son apparition avec l’arrivée des Japonais et la réoccupation des provinces Nord-Ouest par les Thaïlandais. L’objectif de ces mouvements était de combattre contre les Français pour l’indépendance du Cambodge. Le 23 avril 1941, le Prince Norodom Sihanouk est désigné par le Conseil de la Couronne pour succéder à son grand-père, le Roi Sisowath Monivong. Il avait 19 ans.    

 

Le 7 décembre 1941, l’Empire du Japon, allié de l'Allemagne depuis 1936 et en guerre depuis 1937 avec la République de Chine, attaqua les États-Unis, restés jusque-là en dehors de la guerre. Il détruira par surprise l'essentiel de la flotte américaine du Pacifique à Pearl Harbor. Au même moment a lieu l'invasion de la Malaisie britannique. L'Armée impériale japonaise envahit ensuite le Commonwealth, des Philippines et les Indes orientales néerlandaises.En 1942, Son Gnoc Thanh et Pach Chhoeun et les autres membres du journal croyaient le moment venu pour réclamer l’indépendance du Cambodge avec l’aide des Japonais. Ils s’activaient pour préparer un coup d’éclat dans la capitale de Phnom-Penh contre les Français. Le vénérable Hem Chieu était très actif, chaque nuit sous sa maison (Kot), il réunissait ses moines disciples pour discuter la politique de l’indépendance nationale.

 

Les anecdotes racontées par M. Bun Than

 

Ce qui est étonnant dans cette histoire, c’est que le berceau des idées révolutionnaires khmères était une petite boutique de café, appelé « le Café Khmer ». L’idée d’ouverture de ce café venait d’un joaillier, nommé Bun Than, né en 1904. Au départ, Bun Than voulait tout simplement aider un ami, sans emploi fixe et sans formation précise, nommé Bun Chan Mol. Pour Bun Than, Mol est un homme bien, actif. Il était un boxer amateur, il boxait souvent pendant la fête de nouvel an khmer à la place principale de la capitale (Viel Méng). Le boxeur était un fils d’un dignitaire (Okgna), nommé Bun Chan Mongkol qui était un gendre d’un grand dignitaire (Homa Montrey), nommé Pok Douch. Les parents de Bun Chan Mol avaient neuf enfants, six garçons et trois filles. Parmi les frères et sœurs de Bun Chan Mol, il n’y avait que M. Bun Chan Plan qui avait suivi une formation supérieure.

 

Bun Than avait proposé à Bun Chan Mol et à une autre personne, nommé Ponna, de s’associer à lui pour ouvrir un café. Deux cents Riels de chaque pour ses deux amis, quant à lui, il a mis 300 Riels dans le capital du journal. Le but de cette ouverture était au départ de créer un centre de recrutements des étudiants des beaux-arts pour l’entreprise de Bun Than et un lieu de rencontres des fonctionnaires de l’Ecole Supérieure Bouddhique. La boutique de café se trouvait à côté du marché Chiyèk, rue Pavi. M. Pach Choeun et Son Gnoc Than et les autres intellectuels fréquentaient tous les jours ce café ; le matin avant leur travail et après-midi après leur travail. À la longue, ce café se transformait en lieu de discussions politiques dont le sujet était l’indépendance nationale. La police française s’aperçoit vite de cette agitation. Elle envoyait de temps en temps ses agents au café pour observer discrètement les activités d’agitateurs. Les agents français étaient repérés vite aussi par le personnel du café. Pour prévenir ses clients politiques qu’il y ait un agent secret de police dans le café, il mettait une tête de chien en bois sur le comptoir. Quand on voit la tête de chien, on ne parle plus de la politique. Quelque temps plus tard, les hommes de liberté de première heure, avaient décidé de créer un journal, dont le nom était « Angkor Wat ». Le bureau du journal était composé des personnes suivantes : M. Pach Choeun, Directeur du journal ; M. Soc Gnoc Thanh, Ieu Koeus, Sim Var, Gnor Hong, Chum Moung, Noun Daung, Rédacteurs ; Vénérables Hem Chieu, Khieu Chum, Pâng Khath, M. Bun Chan Mol, Tep Pânh, Chien Lien, Mich Nakry, etc. ; Correcteurs et travaux d’édition, Commerciaux. Le but recherché par le journal était de réveiller la conscience nationale. Voici une anecdote : « Le Directeur de prison invitait un des vénérables cités ci-dessus, à venir dans la prison pour faire des sermons pour les détenus. Séduits par les paroles du moine, ils déclenchaient la mutinerie contre les geôliers. Au cours de cette révolte, il y avait beaucoup des détenus qui font la belle. À partir de ces jours-là, l’autorité pénitentiaire n’invitait plus les moines dans la prison ».

 

Au cours d’un entretien avec le frère du roi (Monivong), le prince Pinara, Bun Than avait parlé du journal au prince. Celui-ci avait fait un don de 1 000 Riels au journal, une somme très importante de l’époque. M. Pach Choeun était déplacé pour recevoir l’argent de la main du prince. Le journal était populaire. On commençait à imprimer d’un nombre de 500 journaux par semaine. Il était vite atteint à 7 000 en espace de deux mois de publication. Devant ce succès, l’autorité française commençait à avoir de soupçon sur le but recherché par le journal. Dans le premier temps, elle instaurait la censure. Le journal devait présenter à l’autorité coloniale tous les textes avant de mettre en presse. Elle cherchait tous les prétextes pour empêcher ou retarder la publication.

 

Un jour, il y avait un Français, nommé Pathé qui venait voir Samdech Sangkareach Choun Nat, Chef religieux, en lui demandant de se faire moine. On savait bien que M. Pathé ne fût pas venu pour apprendre les enseignements du Bouddha, mais pour surveiller les activités nocturnes des bonzes dans la pagode. Toutes les nuits de 21h à 23 h, il faisait la ronde dans la pagode pour faire son travail d’agent de renseignements. Hem Chieu en informa Samdech Choun Nat. Celui-ci ne croyait pas un mot d’Hem Chieu et dit à ce dernier qu’il connaît très bien M. Pathé. Hélas ! Hem Chieu avait répondu à son supérieur : « Je suis un ignorant, mais je me souviens bien de votre enseignement : il ne faut pas faire confiance aux Français, des gens qui travaillent pour le Résident Supérieur français et n’écouter point leurs discours ». Samdech Choun Nat l’avait répondu : « Ne vous faites des soucis pour ça ; je fais confiance à M. Pathé ».

 

Deux mois après, on signalait la disparition d’un disciple Achar Hem Chieu. Quelques jours après de cette disparition, les policiers étaient venus arrêter Hem Chieu et M. Chum Moung et Noun Doung à l’Ecole Supérieur bouddhique. Les trois ont été amenés à la poste de police française. Ensuite les policiers ont amené le vénérable Hem Chieu au Ministère de l’Intérieur pour exiger du Ministre Tea San de faire une requête auprès Samdech Choun Nat pour défroquer le Vénérable Hem Chieu. Le 20 juillet 1942, M. Pach Chheun et Son Gnoc Thanh, à la tête des milliers d’habitants de Phnom-Penh dont deux cents moines, se manifestaient pour demander l’autorité française de libérer Hem Chieu. Le cortège, une longueur environ d’un kilomètre, partait de la pagode Laing Ka, passait par le lycée Sisowath à destination poste de police et le siège du Résident Supérieur, situé à côté du Wat Daun Penh. Le Vénérable Pâng Khath et ses disciples étaient chargés de faire des banderoles. Ils travaillent toute la nuit. Mille tracts ont été rédigés à la main. Les tracts ont été distribués dans toutes les pagodes de la capitale pour inviter tous les moines à venir participer à cette manifestation. Vingt agents de propagandes parcouraient la capitale en vélo avec chacun cinquante tracts dans son sac pour faire ce travail délicat et dangereux pour leur propre sécurité.

 

Les manifestants ont été attendus par quelques Français et la force de Police devant le siège du résident Supérieur. M. Pach Choeun, le représentant des manifestants, a lu la requête dans laquelle il demandait à l’autorité française de libérer le Vénérable Hem Chieu. Le représentant de l’autorité française rejeta la demande, mais accepta de prendre la requête pour en examiner. Pach Chheun réitéra sa demande encore et encore. Le dialogue de sourde s’instaurait entre les deux parties et irritait l’impatience des Français. Ils étaient autour de Pach, un des leurs sortit son pistolet, pointa sur Pach en menaçant de tuer. Les moines se précipitèrent pour aider Pach, mais ils ont été repoussés par les Français : Les moines poussent, les Français reculent ; les Français repoussent, les moines résistent. Ces mouvements se répétaient interminablement. Du côté des manifestants, ils demandèrent les renforts. Les moines en première ligne servaient leur parasol comme bâton pour frapper les Français. Bun Chan Mol leva son vélo et le jeta sur les Français. Vu le danger, un Français tira quelques balles dans l’air pour faire disperser les manifestations. Entendus des coups de feu, les manifestants se dispensèrent en une vitesse d’éclair. En quelques minutes seulement, il n'y avait personne sur les lieux de contestation.

 

La nuit tombante, la Police française s’activait à chercher et arrêter les meneurs du mouvement. Le Vénérable Pâng Khath et Bun Chan Mol étaient les premières victimes de cette journée. Son Gnoc Thanh se réfugia à l’État-Major de l’armée japonaise. Achar Sok et Chien Lien partirent en Thaïlande. Bun Than quitta la capitale pour se cacher à Nsay Bol, province de Prey Veng. Le siège du journal « Angkor Wat » et son imprimerie furent saccagés en un tournemain par la police française. La totalité des suspects arrêtés à la veille furent immédiatement amenés en Cochinchine et jetés dans la prison de Saïgon. Le 19 décembre 1942, le vénérable Hem Chieu et Bun Chan Mol ont été sommairement jugés par la cour martiale et écroués dans la prison de l’île Trâlach. Six mois après, le Vénérable Hem Chieu mourut de gale et l’épuisement et sans soins dans sa cellule où les punaises font la loi. Le Vénérable Pâng Khath était emprisonné dans la prison de Saïgon. Son Gnoc Thanh partit à Tokyo avec l’aide des Japonais pour s’inscrire à l’université « Grande Asie ».

 

Nous sommes en 1945. Le 9 mars de cette année, l’Armée japonaise décida d’arrêter tous les Français en Indochine. Elle incitait les pays indochinois à se proclamer leur indépendance. Au Royaume du Cambodge, le Roi Norodom Sihanouk a proclamé l’indépendance du pays. Les Japonais firent venir Son Gnoc Thanh, leur protégé, au Cambodge pour former un gouvernement cambodgien. M. Chum Moung fut chargé de créer une armée khmère avec l’aide des Japonais. Ceux-ci firent libérer tous les prisonniers politiques dans les prisons françaises. Bun Chan Mol revenait à la capitale avec les restes du Vénérable Hem Chieu.

 

Quelques mois plus tard, l’Armée japonaise capitula sans conditions. Le Général Leclerc fut envoyé par les Alliés en Indochine pour désarmer l’armée japonaise. Au Cambodge il fit arrêter Son Gnoc Thanh pour crime de collaboration avec les Japonais. Son Gnoc Thanh fut amené en France et écroué. La police française au Cambodge procédait à arrêter tous les prisonniers, libérés par les Japonais. Cette fois-ci, Bun Chan Mol ne laissait pas faire, il s’enfuit à la province de Battambang. À l’époque cette province était annexée par la Thaïlande. L’adjoint de Son Gnoc Thanh, nommé Hout Sovann, fils du médecin Hout, fut arrêté quelque temps plus tard par la police française. Il a été torturé à mort au centre de la sûreté française. Pour dissimuler cet assassinat, la police française fit un rapport que le détenu Hout Sovann se suicide par pendaison. L’affaire a été classée.

 

Le retour de la France en Indochine n’était pas la bienvenue par la population. Au Cambodge, des nids des mouvements de libérations nationales ont été créés un peu partout dans le pays. À Kompong Speu, le Prince Chantaraingsey et le sous-lieutenant Thinh ont créé une armée. À battambang, Bun Chan Mol, Hol Vong, Achar Pon et ses amis ont créé une armée avec l’aide des Thaïlandais. Puth Chay, un malfrat et joueur des jeux hasard, a créé de son côté une armée avec l’aide des communistes vietnamiens. Un certain Vietnamien, nommé Nguyen Trinh Minh, était le conseiller politique de Puth Chay. Au district Arey kchach, Achar Yi était le chef d’une bande d’armée. Le sergent de l’armée française, nommé Dap Chhoun déserta pour rejoindre l’armée thaïlandaise en espérant d’obtenir un grade de sous-lieutenant. Ces mouvements ont été connus sous le nom « Mouvements Khmers Issarak ».

Dans le district de Lovir Em de la province de Kandal, M. Yi, un des chefs des Mouvements Khmers Libres, a eu une dispute avec des Vietminh. Au cours de laquelle, il a tué trente-quatre Vietminh, du côté khmer, il a eu sept morts. Ensuite Yi a ordonné à ses hommes de brûler les maisons des Vietminh dans les communes suivantes : Svay Chrum, Arey Kchach, Sarikakeo, Piem Okgna Ong, Koh Reas, Thâr Kor, Pleuv Trey ». Ces différends étaient une affaire d’escroquerie : « Yi a besoin des fusils, il a demandé au chef des Vietminh de l’aider à les procurer moyennant une somme d’argent de 20 000 Riels. Ce dernier a pris l’argent pour acheter au Vietnam des fusils, vendus sous manteau par les soldats français. Au lieu de livrer des fusils achetés à Yi, il a fourni à ce dernier des vieux fusils de son unité. Yi en était informé. Il venait immédiatement au camp des Vietminh avec ses hommes. La discussion a été mal tournée. Yi et ses hommes ont tiré sur les Vietminh présents à la réunion. La fusillade a été éclatée soudainement entre l’unité des Khmers et celle des Vietnamiens. Après quelques heures de combat, les Vietnamiens se battaient en retraite. Ils ont abandonné leurs camps à la merci des Khmers libres.

En 1947, des élections libres pour désigner une Assemblée constituante a été organisées au Cambodge. Il y avait quatre grands partis politiques en compétition :

 

-Parti démocrate (Prachear Thipadey), avec l’emblème d’une tête d’éléphant, dirigé par le Prince Sisowath Yuthivong et M. Eav Kheus ;

-Parti libéral (Séreyphéap), avec l’emblème du drapeau national, dirigé par le Prince Norindeth ;

-Parti Khmer (Khémarak Punakkar), avec l’emblème de la sirène, dirigé par Lon Lon et le Prince Sisowath Sirik Matak ;

-Parti Progressif avec l’emblème d’une flèche, dirigé par le Prince Norodom Montana.

 

La suite est connue de tout le monde : Sihanouk avait tout fait pour que la démocratie ne brille pas au Cambodge.

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5 mars 2010 5 05 /03 /mars /2010 09:57

Codes of conduct : 

The text is written in Khmer verse. We do not know the name of the author and the date of writing. Assume that this code was written in the past far. Mr. Khin Hoc Dy, specialist literature khmer writes: "When you do not know the date of writing and the author's name, it remains only to assess the literary value of the text. 

Here, I only translate into French the meaning of ideas. I leave readers to walk through these ideas to understand the thought Khmer. I will continue to bring many codes of conduct written by the sages Khmer. This is the first code, called the "words of the sages (Chbap Peak Chas). 

The words of the sages. 

1.     You do not try to understand your own fault, but a little lacking in others you see as a mountain.

2.     You like to have companions in the forest, but to taste honey, you hide in the house to enjoy.

3.     You always want to have more, you enjoy not selected, you think only of yourself, you forget everything else.

4.     You think only eat, but you lament of being tired to chew the food; one who has the same surname is seen as brother, but why not see a foreigner as nephew.

5.     You confuse the grandfather to the grandmother, you confuse the son for the nephew, you take two for one, you see the sadness to happiness.

6.     You will have the goodness to evil, you take heaven to hell, you take good for evil, you take the dung to the flower.

7.     You wear the pants in keeping your hair, you look in the mirror, closing your eyes, you take the horse to the ass, you take the kapok for rats.

8.     These are the words of the sages, you will understand them better while studying, you take the pool for the path, you should avoid anger, avoiding faults.

9.     Scientists are always honest about which are the words of the wise; Scientists do not commit violence, whose value is despised by the people well.

10. These are the words of the wises, do not complain that you had studied enough.

11. In night, you should not sleep too, because the thief came to the door, eat moderately, share with others.

12. You should lift the weight for your strength, it allows you to avoid getting sore shoulders, you should order with the address that you avoid having scrambled

13. You should think without precipitation, run a job after thinking, it will avoid having enemies and trouble.

14. You take the raw for the cooked, resolve a problem with a method, listen to others, it helps you increase your intelligence.

15. In business, think about all the details, because nothing is simple, listen to the experiences of others, it allows you to plan long term.

16. The old saying, do not feed the tiger ; do what you say.

17. When you hold the shot of the snake, be firm, otherwise it could turn against you, you should take the canoe without shaking, so the water was clear, we must ensure that it is cloudy.

18. When the leaves move, because it is windy, when the water is cloudy, because there are waves.

19. You should shake the hand of the weak, because they will sooner or later your friends when you have much, give a little to friends in need.

20. The rich help the poor as the cloth covering the body, scientists aid the ignorant as the ship helps the boat wrecked.

21. We must remain humble when you're a prominent person, give the fed the hungry, blessed the poor think, these are the words of the wise.

22. You help without waiting to ask you, good action in this, which protects the future, as the wall of thorns to protect the remains.

23. When you have lots of things to eat, give a little bit hungry.

24. Do not try to deceive others, you take the crocodile to the boat, you take the wood from the fence to the wood kitchen, if so, your worries are not far away.

25. When you have a boat, you should also have a gaffe, an oar, an anchor, a rope, a pillar;

26. to face a possibility of the storm, if you are careful in this preparation, they are told you are careful.

27. These are the words of the wises, which you speak;

28. These words are the custom, which has a value of laws, these are the intimate words, that impregnate themselves in the memory.

29. It's the end of words of the sages, now you just have to think about.

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5 mars 2010 5 05 /03 /mars /2010 08:37

Les codes de conduites :

Cliquez ici pour obtenir texte en anglais.  

 Le texte en khmer est écrit en vers. On ne connaît pas le nom de l’auteur et la date de l’écriture. On suppose que ce code a été écrit dans le passé lointain. M. Khin Hoc Dy, grand spécialiste de la littérature khmer écrit ceci : « Quand on ne connaît pas la date de l’écriture et le nom de l’auteur, il nous reste d’apprécier uniquement la valeur littéraire du texte ».

 Ici, je ne fais que traduire en français le sens des idées. Je laisse aux lecteurs de se promener dans ces idées pour comprendre la pensée khmère. Je continuerai de traduire de nombreux codes de conduites, écrits par les sages khmers. Voici la première code, intitulée les « paroles des sages (Chbap Peak Chas).

 

Les paroles des sages.

 

1.      Vous ne cherchez pas à comprendre votre propre faute, mais pour un petit défaut des autres, vous le voyez comme une montagne.

2.      Vous aimez bien avoir des compagnons dans la forêt, mais pour goûter du miel, vous vous cachez dans la maison pour le savourer.

3.      Vous voulez en avoir toujours plus, vous en profitez sans retenu ; vous ne pensez qu’à vous-même, vous oubliez tout le reste.

4.      Vous ne pensez qu’à déjeuner, mais vous lamentez d’être fatigué pour mâcher l’aliment ; celui qui a le même patronyme est vu comme frère, mais pourquoi de ne pas voir une personne étrangère comme neveu.

5.      Vous confondez le grand-père pour la grande-mère, vous confondez le fils pour le neveu ; vous prenez deux pour un, vous voyez la tristesse pour le bonheur.

6.      Vous prendrez la méchanceté pour une bonté, vous prendrez le paradis pour l’enfer ; vous prendrez le bien pour le mal, vous prendrez les excréments pour la fleur.

7.      Vous portez le froc en gardant vos cheveux, vous vous regardez dans le miroir en fermant vos yeux ; vous prendrez le cheval pour l’âne, vous prendrez le kapok pour le rat.

8.      Ce sont les paroles des sages, vous les comprendrez mieux en étudiant ; vous prendrez la flaque pour le chemin, vous devriez éviter la colère pour éviter la faute.

9.      Les savants tiennent toujours des propos honnêtes, qui sont les mots des sages ; les savants ne commettent pas la violence, dont la valeur est méprisée par les êtres de bien.

10.  Ce sont les paroles des sages, ne vous plaignez pas que vous en aviez assez étudié.

11.  À la vêprée, vous ne devriez pas trop dormir, parce que le voleur vient à la porte ; mangez modérément, partagez avec les autres.

12.  Vous devriez lever le poids en fonction de votre force, cela vous permet d’éviter d’avoir le mal aux épaules, vous devriez commander avec l’adresse, cela vous évitez d’avoir des embrouilles,

13.  Vous devriez réfléchir sans précipitation, exécutez un travail après avoir réfléchi, cela vous évitez d’avoir des ennemis et des ennuis.

14.  Vous prendrez le cru pour le cuit, résolvez un problème avec une méthode, écoutez les autres, cela vous aide à renforcer votre intelligence.

15.  Dans les affaires, il faut penser tous les détails, parce que rien est simple, écoutez les expériences des autres, cela vous permet de prévoir à long terme.

16.  Les anciens disent, il ne faut pas nourrir le tigre ; faites ce que vous dites.

17.  Quand vous tenez le coup du serpent, soyez ferme, sinon, il pourrait retourner contre vous ; vous devriez tirer la pirogue sans la secouer, si l’eau était limpide, il faut éviter qu’elle soit trouble.

18.  Quand les feuilles bougent, parce qu’il y a du vent, quand l’eau est trouble, parce qu’il y a des vagues.

19.  Vous devriez serrer la main des faibles, parce qu’ils deviendront tôt ou tard vos amis ;  quand vous possédez beaucoup, donnez un petit peu aux amis nécessiteux.

20.  Les riches aident les pauvres comme l’étoffe couvre le corps, les savants aides les ignorants comme le navire vient en aide la barque naufragée.

21.  Il faut demeurer humble, quand vous êtes une personnalité importante ; les repus donnent à manger aux affamés, bienheureux, pensez aux déshérités, ceci sont les paroles des sages.

22.  Vous aidez sans attendre qu’on vous demande ; bonne action dans le présent, qui protège dans le futur, comme le mur des épines qui protège la demeure.

23.  Quand vous avez beaucoup des choses à manger, donnez un petit peu aux affamés.

24.  Il ne faut pas chercher à tromper les autres ; vous prendrez le crocodile pour la barque ; vous prendrez les bois de la clôture pour les bois de cuisine, si c’était le cas, vos soucis ne sont pas très loin.

25.  Quand vous avez une barque, vous devriez avoir aussi une gaffe, une rame, une ancre, une corde, un pilier ;

26.  pour affronter une éventualité de l’orage, si vous êtes minutieux dans cette préparation, on vous dit, vous êtes prudent.

27.  Ce sont les paroles des sages, qui vous parlent ;

28.  Ces paroles sont la coutume, qui a une valeur de lois, ce sont les paroles intimes, qui s’imprègnent dans la mémoire.

29.  C’est la fin des paroles des sages, maintenant, il ne vous reste qu’à y réfléchir.          

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2 mars 2010 2 02 /03 /mars /2010 08:41

Le Règne de Sdach Kân (1512-1525) : Le sacrifice.

 Après le ralliement des troupes de la province de Pursat à sa cause, Ta Meung avait un objectif en tête : installer sur le trône du Kampuchéa l’héritier de la maison royale des anciens rois khmers. Ce Royaume n’avait jamais connu la paix. Il s’élevait sur un fond de flammes et de sang. Du fond de son histoire montaient la rumeur des épées et le sifflement des flèches et les cris des mourants après chaque bataille. Cette fois-ci, il avait fallu d’édifier la vraie paix. Pour la faire, il fallait encore une fois passer par la guerre. Il semble que pour les Khmers, la guerre était une fête et le jeu tuait. Ils avaient toujours soif de mourir. Dans ce but, Ta Moeung envoya un messager pour inviter Preah chanrechea à venir s’établir dans sa ville conquise. Ce dernier en était content. Il se souvenait bien de cet homme de cœur. À la tête de ses troupes, bannières au vent, il fut pressé de se rendre à destination. Entrant dans la ville soumise, sa joie fait place à l’extase. Des milliers des soldats et la population qui lui attendirent crièrent « Vive le Roi ! ». Le battement des tambours de victoire invite toutes les divinités du royaume à venir saluer le nouveau souverain. Les deux mains se joignent au niveau du menton, Preah Chanreachea cria de sa monture : « Merci ! et Vive le Kampuchéa ! ».   

Pour gagner la confiance de la population, Preah Chanreachea imposa une discipline de fer à ses guerriers : « Interdire de toucher les biens du peuple ». Celui qui ne respecte pas cet arrêté sera condamné sur le champ à la peine capitale. La population en était content et elle remercia Preah Chanreachea.

Pour remercier Ta Meung, Preah Chanreachea lui combla de titre Ponhea Sourlauk et le nomma gouverneur de Pursat. Il conféra aussi le titre nobiliaire aux quatre fils de ce dernier et les nomma généraux des armées d’avant-garde, de droite, de gauche et d’arrière-garde :

Keo, fils ainé, Ponhea Vongsa Akak Reach ;

Anh, second fils, Ponhea Baratesh Reach ;

Tep, troisième fils, Ponhea Vibol Reach ;

Sok, le quatrième fils, Ponhea Reach Tekchak.

Après quoi, il ordonna aux quatre nouveaux Généraux de conduire une troupe de 800 soldats pour investir les préfectures des provinces de Krakor, Klong et Krang.

Revenons à Sdach Kân ou Preah Srey Chetha (nom de règne), à 11h du matin, il amenait avec lui quelques concubines pour aller se baigner dans sa piscine privée et ensuite il amena sa favorite laotienne dans sa cabane royale, située au milieu du jardin féerique pour se détendre. Sa concupiscence s’éveillant, comme fait tous les êtres humains, il amena sa belle au paradis. Après quoi, il s’endormit et eut un rêve : Il voit le soleil se lève à l’Ouest qui brûle son palais. La chaleur est insupportable, il s’est brûlé tout son corps et il s’enfouit vers le Nord-Est du pays.

À 15 h, il s’était réveillé et il eut peur tout d’un coup. Il réclama un devin et Brahmane du palais pour interpréter son rêve. Il demanda d’abord au devin de l’interpréter. Avant de parler devant le roi, le divin toucha trois fois la terre de son front et dit ceci :

« Votre Majesté, ce rêve est un mauvais augure pour vous. Vous aurez un danger grave. Un ennemi qui viendra vous détruire ».

Ayant entendu cette prédiction, Kân se mit en colère et pensa tout de suite à l’outrage. Il demanda au Brahmane, attachée à sa famille royale, pour interpréter son rêve. Ce dernier savait qu’il ne puisse pas dire la vérité au roi, parce qu’il n’accepte jamais d’entendre des propos qui ne sont pas favorables à sa personne. Il chercha donc à interpréter autrement de ce maudit rêve pour sauver sa peau. Avant de parler au roi, il touchait trois fois la terre de son front et dit ceci :

« Selon le calcul sidéral, vous êtes éclairé par des divinités du palais de votre bonheur dans le futur : 1. « Le soleil se lève à l’Ouest », signifie que votre règne se rayonne comme la lumière du soleil, le peuple vit en paix et le Royaume se prospère ; 2. « Le soleil se jette du feu et brûle le palais », signifie que votre pourvoir se répande partout dans le pays comme la lumière du soleil ; 3. « La chaleur vous envahisse votre corps », signifie qu’il y ait un ennemi qui vient vous mesurer ; 4. « La pleine lune », signifie que l’ennemi soit membre de votre famille, il vient de l’Ouest ; 5. « Votre fuite vers le Nord-Est du pays et le feu vous poursuit », signifie qu’en cas d’attaques d’ennemis, vous deviez partir au Nord-Est pour vous défendre. Dans cette rivalité, vous serez le vainqueur. Ce rêve présente un bon présage pour vous, ne vous en inquiétiez pas, conclut le Brahmane ».

Preah Srey Chetha était satisfait de ces explications, mais pour être sûr de sa chance, il ordonna au Brahmane de sonner la conque marine, de faire la libation avec l’eau lustrale et de lui offrir une feuille de Phneuv (nom d’un arbre) pour fixer à l’oreille. Le roi offrit aussi cette feuille à son fils préféré, âgé de cinq ans pour qu’il la fixe à son oreille. Il récompensa le Brahmane selon ses mérites. Il insulta le premier devin devant tous les membres de la cour. Il dit que ce divin ne l’aime pas, c’est pourquoi qu’il avait interprété son rêve pour sa perte. Ayant entendu ces propos, le divin se manifesta son désaccord et dit au roi que son interprétation était juste et celle du brahmane était erronée. Cette revendication irritait la colère du roi, il sauta de son lit royal avec l’épée à la main, tua ce devin sans jugement.

Dix jours après, dans la salle d’audience, Preah Srey Chetha fut informé par Preah Lompaing Thipathey, son ministre, qu’il a reçu une lettre du gouverneur de Pursat. Celui-ci n’avait même pas terminé sa phrase, un autre ministre, Preah Reach Vora Noukol, dit au roi qu’il vient de recevoir aussi une lettre du gouverneur de Krakor dans laquelle il informa à Votre Majesté que le gouverneur de Pursat est déjà mort. La citadelle de Pursat est investi par l’armée de Preah Chanreachea. Le Prince nomme Ta Meung, chef des morts, gouverneur et chef des armées avec un titre nobiliaire Chao Ponhea Sourkirlauk (Grand général Sourkirlauk). Il élève aussi les quatre fils de Ta Meung au rang de général de son armée. Ces quatre fils ont investi avec succès la préfecture de Krarkor.

Apprenant cette mauvaise nouvelle, Preah Srey Chetha secoua doucement sa tête et dit à son général Chakrey ceci : « Grand frère, je vous nomme Grand général de l’Ouest et vous demande de partir dans cette région pour lever une armée pour combattre contre Preah Chanreachea. Aidez-moi de toute votre force, je vous en supplie ». Ponhea Chakrey accepta la mission et répondit à son roi : « Cette fois-ci, je vais faire face à un tigre ; mais rassurez-vous, Votre Majesté, si je n’arrivais pas à le capturer vivant, je le blesserais à mort au moins pour lui donner une leçon ». Le roi étant comblé de joie, il remit à son général son javelot Kram, symbole de l’autorité suprême. Ce dernier quitta la capitale pour s’établir son quartier général dans la citadelle de Longvek (Pour fabriquer ce javelot, on mélange un peu d’or dans le fer, parce que dans ce temps-là on croit que l’arme devienne efficace, qui puisse même couper ou blesser un homme se prétendant un être invulnérable). Il ordonna à son oncle, Samdech Chao Fa Keo, de conduire une grande armée à Kompong Siem. Il donna à ce dernier son sabre royal (même fabrication que celle du javelo), symbole de l’autorité suprême du roi, une vase en or et deux tambours de guerre.

Arrivé à Kompong Siem, lChao Fa Keo envoyait une lettre au gouverneur de la province d’Asantouk, dans laquelle il ordonna à ce dernier de marcher avec son armée sur Battambang pour attaquer Ponhea Chanreachea par arrière. Le but de manœuvre était de fermer la porte de fuite de ce dernier. Quant à lui, il attaquera l’armée du prince Chanreachea par l’Est.

À la tête de son corps expéditionnaire, le Grand général Chakrey organisait son plan d’attaque de façon suivante : une armée de droite de 10 000, commandée par le gouverneur de Phnom-Penh ; une armée de gauche de 10 000 hommes, commandée par Ponhea Preah Reach Vora Noukol, gouverneur de Samron tong et une grande armée de 15 000 hommes, commandée par lui-même. Arrivé à Krakor, l’armée du général Chakrey était en face de celle du général Moeung. Ce dernier opérait son armée de la façon suivante : un régiment de choc de 2 000 hommes, commandé par son fils aîné, un régiment de droite de 1 000 hommes, commandé par son deuxième fils, un régiment de gauche de 1 000 hommes, commandé par son troisième, un régiment d’arrière-garde de 1 000 homme, commandé par son quatrième fils, une division de réserve de 4 000 hommes, commandée par lui-même.

Keo, le fils aîné, avait reçu l’ordre de son père d’attaquer le bataillon de chasse d’ennemis, commandé par un certain colonel Dekchô.  Keo fonçant droit en avant, comptant sur son cran, cria à plein gosier : « À l’attaque ». Environ 2 000 soldats des deux côtés s’entre-tuaient dans un espace serré. Vu Dekchô de près, Keo poussa son cheval à la rencontre de son ennemi. Surpris par cette attaque inattendu, Dekchô tira brusquement la bride de son cheval qui provoque l'égarement de celui-ci. L’animal se persécuta à un arbre qui provoque la chute de son maître. Keo ne laissa aucune chance à son adversaire. Il frappa un coup de sabre sur la tête de ce dernier. Dekchô mourut sans même pas le temps de souffrir. Mais à la fin Keo se battait à la retraite, parce que les renforts d’ennemis étaient arrivés en grand nombre.

À leur tour, les deux autres fils de Moeung s’engagèrent dans la bataille contre les troupes des gouverneurs de Phnom-Penh et de Bati. Dans ces mêlés, Le cheval du gouverneur de Bati sursauta, parce qu’un de ses pieds s’enlisa dans un trou, son maître perdit l’équilibre et tomba à terre. Vu la détresse de son ennemi, Chao Ponhea Vibol Reach, se précipita pour le frapper à un coup de sabre, le blessa gravement à l’épaule. Ce dernier fut sauvé à la justesse par ses hommes. Vu la détresse de son compagnon, le gouverneur de Phnom-Pend ordonna à ses troupes de battre en retraite. Cependant, le général Chakrey arriva sur les champs de bataille et ordonna au gouverneur de Phnom-Penh de ne plus désengager dans la bataille contre les fils de Moeung. Il envoya immédiatement des renforts pour soutenir les assauts de son gouverneur.

Ayant informé par le messager que ses fils avaient des difficultés pour résister à l’attaque des ennemis en nombre supérieur, Moeung monta sur sa monture, partit avec ses unités d’élite pour faire sortir ses enfants de ce pétrin. La bataille durait jusqu’à l’aube. Moeung perdait 60 hommes. Mais, il arriva à ouvrir une brèche pour ses troupes de ses enfants de sortir de la nasse d’ennemis. Après quoi, il retourna à la citadelle de Baknim (non de la commune) pour faire un compte-rendu complet à son prince. Il conclut dans son rapport oral ceci : « Pour le moment rien n’est possible. Le Ciel disposera des choses en temps voulu. Il faut laisser agir le non-agir ».

Le lendemain matin, l’herbe encore mouillée de la rosée, le Grand général Chao Fa, à la tête de 50 000 hommes, arrivait à la porte de la citadelle de Baknim. Il organisa son armée de façon suivante :

- Une armée d’avant-garde de 30 000 hommes, commandée par le général Chakrey;

- Une armée de gauche de 20 000 hommes, commandée par le gouverneur de Phnom-Penh ;

- Un régiment de droite de 1 500 hommes, commandé par le gouverneur de Longvek ;

- Une armée d’arrière-garde de 16 000 hommes, commandée par le général Chao Ponhea Sangkram, gouverneur de Bâribo ;

- Une Grande armée de 40 000 hommes, commandée par lui-même.

Face à une nuée d’ennemis, le prince Chanreachea ne possédait que 20 000 hommes pour défendre la citadelle. Mais à chaque assaut de ces derniers, il avait pu les repousser avec des jettes de pierres, des flèches, et armes à feu. Dans cette bataille, ce n’était pas la quantité qui faisait la loi, c’était plutôt la capacité à mobiliser la volonté et la détermination des hommes à se battre. Vu des difficultés à briser les murs de la citadelle, Chao Fa changea la technique pour épargner la vie de ses hommes. L’enjeu de cette bataille pour lui était détruire la puissance d’ennemis de la région de Pursat. Pour lui, qui contrôle Pursat, contrôle le Grand Lac, riche en poissons. Il faut donc qu’il gagne cette bataille. Il ordonna à ses généraux de retirer leurs troupes à une distance d’environ un kilomètre de la citadelle et de l’assiéger pour épuiser les vivres d’ennemis. Près de douze mois d’encerclement, les vivres commençaient à manquer dans la citadelle. La morale des assiégés va à vau-l’eau. Ponhea Moeung s’en aperçut. Il en parla à Ponhea Chanreachea. Au cours d’une réunion d’État Major, le général Moeung dit ceci à son prince : Le temps de laisser d’agir le non-agir est arrivé. Je vous demande donc la permission de partir pour lever une armée des morts pour combattre les ennemis. Il faut faire vite, parce que nous sommes dans le temps des morts. Chanreachea était stupéfait par ces propos, il dit : « Mon oncle, sauf le respect que je vous dois, comment vous avez parlé ainsi. Depuis la nuit des temps, je n’ai jamais entendu qu’on puisse lever une armée des morts pour combattre celle des vivants. Eh bien, il ne faut plus en parler, je vous en supplie ». Ayant entendu ces propos, Moeung sortit immédiatement son sabre du fourreau, mit la lame à son coup, et dit : « Votre Altesse, si vous aviez de doute sur mes devoirs, il ne me reste que de couper ma tête pour vous prouver ma sincérité. Et je ne veux plus vivre voir notre pays va à vau-l’eau.  Certes depuis la nuit des temps, personne n’ait jamais entendu parler l’armée des morts, parce qu’aucun « chef des morts » (Mé Smeug) n’ose pas non plus faire sacrifice de sa vie pour ramener des morts au monde des vivants. En tant que Chef des morts, je vais faire ce sacrifice pour aider le pays… ». Vu la détermination de Moeung, Ponhea Chanreachea se précipita pour ôter le sabre de la main de Moeung et lui dit : « Mon oncle, je vous crois ! ».

Moeung avait un ami, nommé Chan. Ce dernier était aussi un Chef des morts de la montagne de cardamomes. Moeung dit à son ami : « Tu sais très bien quand je serai dans l’autre monde, je ne pourrai plus communiquer avec Preah Chanreachea. En revanche, je pourrai communiquer avec toi, parce que tu es Chef des morts. Tu devras faire l’intermédiaire entre le Roi et moi ».

Parmi les concubines de Ponhea Chanreachea, il y avait une dame, nommée Khieu (couleur bleue). Celle-ci était enceinte de sept mois. La dame Khieu était adepte de culte des morts. Depuis qu’elle a entendu parler de sacrifice de Moeung pour lever une armée des morts, elle se portait volontaire pour aider ce dernier à préparer la cérémonie. La préparation était ceci : On creuse un fossé d’une forme de carrée de quatre bras de chaque côté, dont la profondeur est de huit bras. On construit un autel de divinité de sept étages pour déposer des objets rituels, Baysey (objet rituel en tronc de bananier), parfums etc. Le fossé est clôturée et en bas, on dresse des piques.

Une fois la préparation fut terminée, Moeung s’habillait en blanc, se mit à genou pour faire son dernier salut à son Roi, ensuite il tourna vers son ami Chan, lui dit : « À pleine lune de ce mois d’avril, quand tu entendras des bruits venant du ciel, de la terre et partout, tu diras au Roi de quitter la citadelle pour lancer des attaques contre les ennemis ». Quand il termina sa phrase, s’avança vers le fossé en pas décidé, accompagné des sons de musique PinPeat, et sauta dans le fossé. La dame Khieu se précipita vers le fossé et y sauta aussi pour aider son héros à lever une armée des morts. Les quatres fils de Moeung, dont nous avons parlé ailleurs, accoururent vers le fossé pour suivre son père dans le monde des morts. Mais les soldats avaient pu empêcher à la justesse deux des quatre à ne pas sauter. Ces deux enfants étaient Sok et Keo.

Quelque temps après, pendant la nuit de pleine lune, on entend des bruits venant du ciel et du fond de la terre. Tout le monde était effrayé par ce phénomène. Chan, l’ami de Moeung, demanda l’audience au Prince Chanreachea pour lui dire ce que son ami défunt lui avait demandé de faire. Le Prince ordonna aux généraux d’ouvrir la porte de la citadelle et de lancer des attaques contre les assiégeants. Les cris des assauts des assiégés et les bruits mystiques mettaient l’armée de Kân dans un état de frayeur indescriptible. Les soldats abandonnaient leurs positions et leurs armes, chacun pour soi, ils s’enfuirent pour sauver leur vie. En quelques heures seulement les campements d’ennemis ont été investis par les troupes de la monarchie légitime. Cette victoire permettait à Ponhea Chanreachea de récupérer beaucoup de vivres et des armements de toutes sortes.

Parlons une servante de la Dame Khieu. Après la mort de sa maîtresse, pour la suivre dans le monde des morts, elle décida de se noyer dans la rivière de Purthisath. Le lieu de suicide se trouvait tout près du marché, nommé marché en bas. À cet endroit, il y avait trois grandes termitières. Selon la croyance de la population de cette contrée, laquelle subsiste jusqu’à aujourd’hui, les âmes de Dame Khieu, Moeung et ses deux fils, devenant génies, venaient habiter dans ces termitières : Termitière du nord, habituée par l’âme de la dame Khieu, était sous les auspices du roi ; termitière du Sud, habité par l’âme de Moeung, était sous les auspices du gouverneur ; termitière de l’Ouest, habitués par l’âme des deux fils de Moeung, était sous les auspices de la population de la montagne de Kravagne (Kravagne = Cardamome). Quant à l’âme de la servante, elle venait hanter une île de la rivière de Purthisath. Cette île était sous les auspices du gouverneur de la province de Pursat.

La termitière de Dame Khieu, appelée la « Termitière Kanthaug Khieu (Kanthaug = Récipient en feuille de végétaux) : Selon la croyance de la population, si cette termitière était en bon état, on dit que le Roi règne en paix. Si elle s’abîmait, on dit que le Roi a des soucis, ou est malade. Si elle s’était fendillée, on dit que le Roi va mourir.

La termitière de Moeung, appelée la « termitière Kleing Moeung ou Klag Moeung (mot thaïlandais) » : Selon la croyance de population, si cette termitière était en bon état, on dit que le gouverneur gouverne sa province en paix. Si elle s’abîmait, on dit que le gouverneur a des soucis, ou est malade. Si elle s’était fendillait, on dit que gouverneur va perdre la charge du gouverneur.

La termitière des deux fils de Moeung, appelée la « termitière de cardamome » : Selon la croyance de population, si cette termitière était en bon état, on dit que les plantes de cardamome donnent beaucoup des fleurs. Si elle s’effritait, on dit que les plantes vont brûler par le feu. Si elle était abritée par des animaux, on dit qu’il va avoir des étrangers qui viennent emparer des fleurs.

Le lieu où la servante s’est suicidé : Selon la croyance de la population, si cette rive n’érodait pas par le courant d’eau, on dit que le gouverneur gouverne sa province en paix. Si elle érodait par le courant d’eau, on dit que le gouverneur a des soucis dans son travail ou dans ses affaires familiales. Si elle se casse, on dit que gouverneur va perdre la charge du gouverneur.

Nous ouvrons une parenthèse pour parler la cérémonie de vénération des âmes de Klein Moeung, dame Khieu.

Le texte nous apprend ceci :

1. Un jour choisi dans le courant du mois d’avril, le chef des morts (Mé Smeung) se déguise en chasseur selon l’habitude de Moeung. Pendant la cérémonie, au matin, il y a des danseurs portant sur leur tête des cornes de bœuf sauvage qui dansent, accompagnés par le chant et la musique « Leang Arak » (Arak = génie protecteur).

2. Les objets des offrandes sont : une paire d’assiette de nourriture, cinq feuilles d’argent, une étoffe blanche, cinq bougies, quatre arecs amincis ou taillés, quatre arecs parfumés, une paire de tête d’éléphants, une paire de poulets bouillis, quatre autels bas de fruits, dans chaque autel il ya six cents grammes de riz, deux mille arecs, deux bouteilles de vin.           

3. Pour les offrandes à la dame Khieu, il y a mêmes objets que Moeung, mais on remplace la paire de nourriture par un récipient de desserts, de nourriture et sept oeufs.        

4. Le jour d’évocation l’esprit de génie, la population des quatre coins du district amènent l’eau pour offrir au gouverneur. Celui-ci la versera au milieu de chaque termitière. Si l’eau coule en plus grande quantité dans telle ou telle direction, on dit que cette direction va avoir beaucoup de pluie.

Quant au lieu de suicide de la servante, appelé la « place de Daun Peng » (la dame Peng), une fois par an, le gouverneur et la population offrent un grand récipient (Kanthaug) de nourriture, de dessert et sept œufs pour demander sa protection. Selon la croyance, si on ne faisait, la population va avoir toutes sortes de maladies.

Revenons aux affaires du pays. Après la victoire, Ponhea Chanreachea invita des moines à célébrer des cérémonies religieuses pendant trois jours pour honorer la mémoire des quatre héros qui ont sacrifié leur vie pour la patrie. Après quoi, il nomma Vibol Reachea Keo, gouverneur de Pursat et lui conféra le titre « Chao Ponhea Sourkir Lauk ». Il nomma aussi Chao Ponhea Tekchès Sok, gouverneur de la province d’Amerak Kiri Bo avec grade de dix houpoin (grade de grand gouverneur) et lui conféra le titre « Chao Ponhea Sangkram ».

Après la cérémonie, au petit matin, il y avait un homme, nommé Jay qui venait offrir à Ponhea Chanreachea un grand éléphant de six hat et douze thap (un hat = 50 cm, un thap = épaisseur d’un doigt). Cet éléphant était bien dressé par son cornac. Ponhea Chanreachea étant très content et prit cet éléphant comme sa monture de guerre. Il lui donna un nom « Preah Pijay Kor Chir », le nom de son maître cornac. Après quoi, il nomma Jay gouverneur de la province de Krang. Pendant cette période, Ponhea Chanreachea avaient reçu beaucoup de présents de la part de la population : 35 Éléphants, 30 chevaux. Ces donateurs ont reçu de retours des récompenses en pièces d’or ou d’argent ou des grades dans la fonction publique.

La victoire de Ponhea Reachea s’imposait aux généraux de Kân, Chao Fa Kao et Ponhea Keo de se retirer de la province de Pursat pour se réorganiser dans la province de Krakor. Cette retraite donna un certain répit à l’armée de Chanreachea. Mais quatre jours après, les 30 000 hommes de Kân revenaient pour assiéger à nouveau la citadelle d’ennemis. Arrivée à Pursat, faute d’effectifs, Chao Fa Keo ordonna à ses troupes de camper à une bonne distance de la citadelle pour attendre l’arrivée des renforts, dirigés par le général Ouktey Thireach, gouverneur d’Asanthouk. Ayant appris le retour des troupes d’ennemis, Ponhea Chanreachea ordonna immédiatement au général Keo de conduire une armée d’avant-garde de 5 000 hommes pour affronter les troupes du général Keo et au général Sok d’attaquer les troupes du général Chao Fa Kao et lui-même à la tête d’une armée de 15 000 hommes pour appuyer ces opérations. Il confia 3 000 hommes à son oncle et à un certain officier, nommé Vieng de protéger la citadelle. Avant de lancer les attaques contre les ennemis, Ponhea Chanreachea ordonna au Chef des morts Chan de célébrer la cérémonie pour faire appel d’aide des morts, dont Kleing Moeung était chef. Quelques heures seulement après la cérémonie, on entendait les bruits de partout. Aussitôt, Ponhea Chanreachea, s’assit sur la tête de son éléphant de guerre, donna l’ordre de battre des tambours pour signaler à ses troupes l’ordre d’attaque. Les assauts des troupes de Ponhea Chanreachea ont été repoussés par des tirs de l’arc et armes à feu d’ennemis. Après quelques heures de combat, on entendait à nouveau des bruits de partout et la terre commençait à trembler dans les camps de l’armée de Kân. Ce phénomène provoquait une panique générale dans les rangs d’ennemis. Les soldats abandonnèrent leurs positions de combat et s’enfuirent pour sauver leur vie. Le général Keo monta immédiatement sur son éléphant et ordonna au cornac d’engager sa monture dans la bataille. Il cria de toute sa force à ses soldats de n’avoir pas peur de ces bruits et de reprendre leurs positions de combat. Keo, fils de Moeung, ayant entendu le cri martial, poussa sa monture à la rencontre de son ennemi. C’était un dual à mort entre deux Keo. Vu la charge de la monture du fils de Moeung, l’éléphant du général Keo poussa un grand cri et s’engagea immédiatement dans le combat. C’était le combat entre les bêtes. Cette précipitation fit perdre l’équilibre de son maître. Celui-ci tomba sur les défenses de la monture du fils de Moeung. Ce dernier se pencha vers le corps du général Keo, avec un geste mécanique, il lui trancha la tête. Saisi la tête sans corps de son adversaire, il se mit debout sur la tête de sa monture et la montra aux soldats ennemis. La mort du général Keo fut suivie de graves désordres chez les soldats de Kân. Ils s’enfuirent en désordre pour quitter les champs de bataille. Keo, le victorieux, retourna à la citadelle avec la tête de son ennemi pour la montrer à Ponhea Chanreachea. Celui-ci, étant content, ordonna à Keo de l’exposer au public. Ceci était considéré par Chanreachea comme un excellent moyen de propagande. Cette victoire permettait encore une fois à Ponhea Chanrechea de récupérer beaucoupo de vivres et des armes de guerre des ennemis. Après cette victoire, Ponhea Chanreachea à la tête de son armée, reprit sa marche en avant pour investir la province de Krakor. Là-bas, il fit construire une fortification et nomma un nouveau gouverneur. La mission du gouverneur était de collectionner des vivres auprès de la population pour constituer une réserve pour la garnison de cette province. Après quoi, il poursuivit son offensive en passant par les provinces de Krang, Romlaug, à destination Klong. Là-bas, il fit construire une autre fortification, et nomma un nouveau gouverneur pour mission de collecter des vivres auprès de la population. Ensuite, il se rendit visite à une pagode Brap dans la commune Prasat, district de Klong pour honorer la statuette du Bouddha. Là-bas, il pria le Bouddha pour qu’il gagne la guerre contre Kân. Après cette visite royale, la population appelle cette pagode « Vat Preah Chiv Loung Bân » (pagode de la prière du roi). Après cette prière, Ponhea Chanreachea poursuivit son chemin à destination de la province d’Amerak Kiri Bo. Ayant appris l’arrivée du roi légitime, la population de cette province se souleva contre l’ancien gouverneur. Celui-ci s’enfuit avec les membres de sa famille à la province Rolir Phiir.

À Rolir Phiir aussi, Samdech Chao Ponhea Chanreachea fit réparer un ancien du temps d’Angkor. Il restait trois jours à cet endroit. Puis, il partit avec ses troupes au Sud de la province d’Amerak Kiri Bo où il voyait un grand terrain plat, sur lequel, il jugea bon de bâtir une fortification pour son armée. Une fois les travaux avaient été terminés, il abandonna l’ancien fort pour venir s’établir dans la nouvelle fortification. Pour cette raison, la population donnait le nom de l’ancien fort le « vieux fort ». Cette appellation subsiste jusqu’à aujourd’hui.

Au moment où Chanreachea habitait dans la nouvelle fortification, il y avait un bonze, chef de pagode, nommé Jay, son titre religieux était Mongkol Satha. Il venait au nouveau fort pour offrir au roi légitime une pirogue de course, nommé « Saray Andette » (des algues flottantes). Cette pirogue avait son histoire : À la fin du règne du roi Sakunbât, ce bonze a caché un tronc d’arbre de qualité dans une plaine, située au milieu d’une forêt. On raconte aussi pendant la saison sèche, les gens voyaient des éléphants sauvages, qui sont venus couvrir ce tronc d’arbre avec les algues afin de le protéger contre les rayons du soleil. À la fin de la guerre, ce bonze a fait construire une pirogue avec ce tronc d’arbre par ses disciples. Cette pirogue a une réputation de « vitesse du vent ».  Chaque matin, le chef de pagode prenait cette pirogue pour quêter de nourriture dans des endroits, situés à une grande distance de son lieu d’habitation, et l’on dit que quand il revient à sa pagode, la nourriture quêtée est encore chaude. Pour cette raison, on donne le nom à cette embarcation « pirogue de nourriture quêtée qui reste toujours chaude ».

Preah Chenreachea accepta ce présent avec le cœur de joie, il dit au vénérable ceci : « Preah Chitong, je suis très content de votre présent précieux. Comme vous le savez, aujourd’hui, je suis encore pauvre j’e n’ai pas les moyens pour vous récompenser, mais rassurez-vous, quand je serai maître du pays tout entier, je vous récompenserai selon votre mérite ».

Note : Jadis quand un laïc s’adresse des paroles à un moine qui est membre de sa famille, il l’appelle Chitong).

Après quoi, Chanreachea forma un équipage de 124 Chithay pour tester la vitesse de cette pirogue. Sans aucun doute, sa réputation fut bien confirmée par ce test.    

Note : Il est probable que jadis ce nom est utilisé pour désigner les soldats de pirogue de guerre.

Au cours d’une audience habituelle, Samdech Chao Ponhea Chanreachea, dit à ses ministres et ses généraux : « J’ai beaucoup de chance d’avoir l’éléphant blanc « Preah Pichay Kakcheth » comme monture de guerre, la pirogue « les algues flottantes » comme moyen de déplacement par voie fluviale, avec vitesse de vent ». Il ordonna aux officiers du corps de génie de construire des abris pour l’éléphant et la pirogue. Il donna un nom à cette pirogue, « Preah Tineing Chakrapath » (Bateau impérial).

Quelque temps après, il poursuit la pénétration dans le territoire du Sdach Kân. Arrivée à la plaine Sap Angkam, à l’est de la province de Kompong Chhnaing, il rencontra l’armée de Chao Fa Kao. Il convoqua ses généraux et leur dit ceci : « Quand nous nous sentons fort, il faut nous allons de l’avant ». Aussitôt dit, il ordonna immédiatement à ses troupes d’attaquer les campements d’ennemis. Après quelques heures de combat, le champ de bataille, rempli des fumées du sang, se transforma en lieu de massacre, où les guerriers des deux côtés ne se perdirent pas leur courage de s’entre-tuer. Certains de ces soldats se battaient même avec leurs couteaux, parce que leurs lances et leurs épées sont cassées. Soudain, la monture de Chao Fa Keo, sursauta pour une raison inconnue, son corps se heurta à un arbre, dans lequel il y avait un grand nid de bourdons. Ce heurt provoqua la sortie des insectes de leur nid. Ils piquèrent tous les êtres humains en mouvement, en particulier les hommes de Kân. Ce phénomène extraordinaire fit fuir les soldats de Kân. Ils abandonnèrent leurs positions de combat. Le général Chao Fa Kao ne savait plus quoi faire pour rétablir l’ordre dans ses rangs. Il courut à gauche à droite, sans but précise. Chanreachea poussa sa monture à la rencontre du général ennemi. Le duel entre deux chefs suprêmes militaires commença immédiatement. Après quelques joutes de combat, Chanreachea prit l’avantage et blessa gravement Chao Fa Kao à l’épaule. Celui-ci avec l’aide de ses gardes de corps réussit à s’enfuir. Ayant appris la défaite de Chao Fa Kao, le gouverneur de la province de Rolir Phiir, nommé Sénay Akthipdey Som, s’était réfugié à Phnom-Penh, d’où il mourut quelque temps plus tard. Quant au gouverneur de la province de Longvek, il demandait sans hésitation la soumission à Chanreachea. Ce dernier accepta cette soumission. La victoire d’un grand retentissement de Chanreachea, lui ramena toute la population des provinces conquises. Elle rendait aussi à Chanreachea maître d’une grande région riche en agriculture. Il y a un proverbe cambodgien qui dit « On cultive le riz avec l’eau, on fait la guerre avec le riz ».                      

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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 09:34

Histoire du Cambodge : Tchen-La.
(Extrait du livre de G. Coedès - Les États hindouisés de l’Indochine et d’Indonésie)
 

Tchen-la (Etat vassal du Fou-nan ) :

Les rois connus (Milieu du Vie siècle) :

Çrutavarman.

Çreshthavarman (fils de Çrutavarman).

Fou-nan :

Bhavavarman (598 - ?) : (prince du Fou-nan, marié avec la fille de Çreshthavarman). Par ce mariage, il devient roi de Tchen-la. Et avec son cousin Chetrasena, il conquiert une grande partie du Fou-nan.

Tchen-la (Etat indépendant et conqérant) :

Mahadravarman (non de sacre de Chetrasena). Il prit la succession du trône en 600.

Içânavarman (fils de Mahadravarman. Date de fin de règne 635) : Fils de Mahadravarman.

Jayavarman 1er : (durée de règne : trente ans. Fin de règne après 681).

Sécession du Tchen-la en deux au VIIIe siècle : Tchen-la de terre et Tchen-la d’eau.

Techen-la de terre (partie septentrionale) : Période de trouble.

Reine Jayadevî  (vers 713 - ?) : Fille de Jayavarman 1er. Celui-ci est mort sans héritier mâle.

Pusshkara ou Pushkarâsha (vers 716 - ?) : rois dans Çambhupura.

Tchen-la d’eau (partie méridionale) : Le pays est divisé en plusieurs principautés.

Bâlâditya (date indéterminée) : il était considéré plus tard par les rois d’Angkor comme l’ancêtre.


Le démembrement du Fou-Nan (du milieu du VIe siècle à la fin du VIIe siècle)
.

 

La dernière ambassade en Chine de Rudravarman est de 539. La Nouvelle Histoire des T’ang mentionne encore des ambassades du Fou-Nan dans la première moitié du VIIe siècle, mais elle indique qu’entre temps un grand changement s’est produit dans le pays : « Le roi avait sa capitale à la ville de T’ö-mou. Brusquement sa ville a été réduite pat le Tchen-La, et il lui a fallu émigrer au Sud, à la ville de Na-fou-na ».

Le plus ancien texte qui mentionne le Tchen-La est l’Histoire des Souei : « Le Royaume est au Sud-Ouest du Lin-Yi. C’était originairement un royaume vassal du Fou-nan. Le nom de famille du roi était Tch’a-li (Kshatriya) ; son nom personnel était Tche-to-sseu-na (Chitrasena) ; ses ancêtres avaient progressivement accru la puissance du pays. Chitrasena s’empara du Fou-nan et le soumit ».

Le nom de Tchen-la, par lequel les Chinois désignent d’une façon constante le Cambodge, reste inexpliqué : On ne connaît aucun mot sanskrit ou khmèr qui corresponde à sa prononciation ancienne t’sien-lâp. Mais on peut localiser le centre de cet État sur le moyen Mékong, dans la région de Bassak qui à la fin du Ve siècle devait se trouver sous la domination du Champa, puisqu’on y a trouvé une stèle portant une inscription sanskrite au nom du roi Devânîka, connu des Chinoissous le nom de Fan-Chan-tch’eng.

En effet, l’Histoire des Souei, qui donne des renseignements antérieurs à 589, donc antérieurs à la conquête totale du Fou-nan et au transfère de la capitale du Tchen-la dans le Sud, fit : « Près de la capitale est une montagne nommée Link-kia-po-p’o, au sommet de laquelle s’élève un temple toujours gardé par mille soldats et consacré à l’esprit nommé P’o-to-li, auquel on sacrifie des hommes. Chaque année, le roi va dans ce temple faire lui-même un sacrifice humain pendant la nuit ».

La montagne de Vat Ph’u qui domine le site de Bassak porte à son sommet un gros bloc de pierre, analogue à celui qui a valu au Varella à la fois son nom chinois de Ling (Lingaparvata), et son nom européen actuel qui, dans les documents portugais, est employé pour désigner les pagodes. Quant à P’o-to-li, on peut y reconnaître les deux premières syllabes de Bhadreçvara qui était précisément le nom du dieu vénéré à Vat Ph’u.

D’après leur légende dynastique conservée dans une inscription du Xe siècle, l’origine des rois du Cambodge remonterait à l’union de l’ermite Kambu Svâyambhuva, ancêtre éponyme des Kambujas, avec la nymphe céleste Merâ, que lui avait donné un mythe généalogique des Pallas de Kânchi (Conjeveram) entièrement différent de celui de la Nâgi.

Du couple Kambu-Merâ naquit une lignée de rois dont les premiers furent çrutavarman et son fils çreshthavarman. Le second donna son nom à la ville de çrehthapura, qui existait encore à l’époque angkorienne, au moins comme nom d’un district situé dans la région de Bassak. La fondation de cette cité fut peut-être la conséquence de la conquête du pays sur les Chams à la fin du Ve siècle ou au début du Vie siècle, conquête dont le souvenir s’est conservé jusqu’à nos jours dans la tradition orale des Cambodgiens, d’après laquelle leur pays se serait originellement constitué aux dépens des Chams de Champasak (Bassak). Les rois çruttavarman et çreshthavarman auraient toujours d’après la même inscription, « rompu à l’origine les liens du tribut », c’est-à-dire atteint un degré d’indépendance plus au moins réelle vis-à-vis du Fou-nan, ou, comme dit le texte chinois, « accru progressivement la puissance du pays ». Ils sentent assez forst, dans la seconde moitié du VIe siècle, pour s’attaquer à l’empire du Sud. Le roi du Tchen-la était alors Bhavavarman, petit fils du monarque universel (sâvabhauma), c’est-à-dire du roi Fou-nan. Un texte épigraphique, tardif il est vrai, mais dont on n’a pas de raison de révoquer le témoignage, ajoute ce détail important qu’il était l’époux d’une princesse issue de la famille maternelle de çreshthavarman, la princesse Kambujarâjalaksmî, dont le nom signifie « la fortune des rois des Kambujas ».

Bhavavarman, dont la résidence Bhavapura devait se trouver sur la rive septentrionale du Grand Lac, appartenait donc à la famille royale du Fou-nan et était devenu roi du Tchen-la par son mariage avec la princesse de ce pays. On comprend alors pourquoi l’inscription du Xe siècle précitée dit que la descendance de Kambu unit la race solaire, dont elle se réclamait, à la race lunaire, qui était celle du Fou-nan. On comprend aussi pourquoi, après çrutavarman et les descendants de Kambu, elle fait régner les rois qui tiraient leur origine de Kaundinya et de Nâgî Somâ et avaient pour chef de branche Rudravarman, c’est-à-dire des rois Fou-nan. On comprend enfin pourquoi les rois du Tchen-la, successeurs de ceux du Fou-nan, adoptèrent la légende dynastique de Kaundinya et de la Nâgî. En fait, ils ne firent que conserver leur propre bien, puisque Bhavavarman était lui-même un prince du Fou-nan.

À la suite de quelles circonstances réussirent-ils à faire passer la souveraineté du fou-nan au Tchen-la ?. Si, comme il est vraisemblable, l’occasion leur en fût donné par l’irrégularité de l’avènement de Rudravarman, fils d’une concubine et meurtrier de l’héritier légitime, deux hypothèses se présentent : ou bien Bhavavarman, représentait la branche légitime et profita de la disparition de Rudravarman pour faire valoir ses droits ; ou bien au contraire, Bhavavarman, petit fils de Rudravavarman, défendit les droits hérités de son grand père contre un essai de restauration de la branche légitime. Cette seconde hypothèse est le plus vraisemblable, car on comprendrait mal, dans la première, pourquoi Rudravavarman, dernier souverain d’un empire déchu, aurait pu être plus tard considéré comme un « chef de branche », tandis que dans la seconde, il représente précisément le lien par lequel Bhavavarman et ses successeurs se rattachaient au grand Fou-nan. A cela s’ajoutaient peut-être des motifs d’ordre religieux et un antagonisme entre le Bouddhisme de Rudravarman et le çivaïsme de Bhavavarman.

Le pèlerin chinois Yi-tsing qui écrivait à la fin du VIIe siècle, dit en effet qu’au Fou-nan, autrefois « la loi du Bouddha prospéra et se répandit, mais aujourd’hui un roi méchant l’a complètement détruite et il n’y a plus du tout de bonzes ». Si l’on se rappelle ce qui a été dit de la prospérité du Bouddhisme au Fou-nan aux Ve-Vie siècle, et si l’on considère que l’épigraphie des conqérants du fou-nan et de leur successeur est exclusivement çivaïte, on est tenté d’identifier Bhavavarman (ou Chitrasena) au « méchant roi » dit Yi-tsing.

Dans la seconde moitué du Vie siècle, Bhavavarman et son cousin Chitrasena attaquèrent le Fou-nan et poussèrent leurs conquêtes au moins jusqu’à la hauteur de Kratié sur le Mékong, de Buriram entre Mun et dangrêt, et de Mongkolborei à l’Ouest du grand Lac, si l’on en juge par leurs inscriptions. Le Fou-nan dut transférer sa capitale de T’ö-mou (Vyâdhapura, c’est-à-dire Ba Phnom) dans une localité située plus au Sud et nommée Na-fou-na (Naravaragara). Divers indices tendent à placer cette ville à Angkor Borei, site archéologique fort riche en vestiges anciens, dont le nom et la topographie indiquent qu’il y eut là une capitale.

Sous couleur et à la frayeur d’une querelle dynastique, la conquête de Fou-nan par le tchen-la est en réalité un épisode, le premier auquel nous assistons au Cambodge, de cette « poussée vers le Sud » dont on a déjà vu le caractère latent et constante menace. Entre les terres hautes du plateau du moyen Mékong et les plaines alluviales du Cambodge, il y a la même opposition qu’entre les hautes et les basses vallées du Ménam ou de l’Irawadi. L’effort des rois, au Cambodge comme au Siam et en Birmanie, a constamment porté sur l’unification de deux régions en antagonisme géographique, économique et parfois ethnique, entre lesquelles la scission tendait à se reproduire chaque fois que le pouvoir central donnait des signes d’affaiblissement.

De Bhavavarman Ier, qui dit une inscription, avait « pris le pouvoir avec énergie », on ne possédait jusqu’à ces derniers temps qu’un seul document épigraphique, une inscription sanskrite des environs de Mongkolborei, qui commémore la fondation d’in linga. Une inscription sanskrite, récemment découverte à Si T’ep dans la vallée du Nam Sak en territoire siamois, relate la fondation par Bhavavarman de la stèle qui porte, à l’occasion de son accession au pouvoir. Sa capitale Bhavapura dont le nom semble avoir ensuite désigné le territoire de l’ancien Tchen-la, et notamment du Tchen-la de terre au VIIIe siècle, devait se trouver sur la rive septentrionale du Grand Lac, dans les environs du site archéologique d’Ampil Rolüm, à une trentaine de kilomètre au Nord-Ouest de Kompong Thom. On sait par combien de temps il régna, on sait seulement qu’il était roi en 598. C’est sans doute sous son règne que son cousin Chitrasena fit graver de courtes inscriptions sanskrites, relatant d’autres fondations de lingas le long du Mékong, dans les régions de Kratié et de Stung Trèng, et à l’Ouest de Buriram entre Mun et Dangrèk. C’est donc un domaine comprenant déjà de vastes territoires et s’étendant vers l’Ouest jusqu’à la vallée du Nam sak que Bhavavarman légua à Chitrasena, qui prit lors de son avènement, vers 600, le nom de sacre de Mahendravarman.

En dehors des inscriptions qu’il avait fait graver alors qu’il s’appelait encore Chitrasena, Mahendravarman en a laissé d’autres à l’embouchure du Mun dans le Mékong, et à Surin entre Mun de Dangrèk, relatant la fondation de lingas de çiva « montagnard » (Giriça) et d’images du taureau Nandin. Ces fondations ayant été faites à l’occasion de la « conquête de toute la contrée », on peut en conclure que Mahendravarman poursuivit l’œuvre de son prédécesseur. On sait, par ailleurs, qu’il envoya au Champa un ambassadeur pour « s’assurer » l’amitié entre deux pays ».

Le successeur de Mahendravarman, fut son fils îçânavarman. Il acheva d’absorber les anciens territoires du Fou_nan, ce qui a conduit la Nouvelle Histoire des T’ang à lui attribuer la conquête effective du pays. Tandis qu’on n’a pas trouvé d’inscription de Mahendravarman au sud de Kratié, on en possède d’ïçânavarman qui proviennent des provinces de Kompon Cham, de Prei Vèng, de Kandal et même de Takeo. Vers l’Ouest, le territoire relevant de son autorité au moins jusqu’à la plus ancienne date connue du règne d’ïçânavarman, qui ne doit pas être de beaucoup postérieure à son avènement, est celle de sa première ambassade en Chine 616-517, la dernière date sûre est celle d’une inscription qui le nomme comme roi régnait en 627.

L’ancienne Histoire des T’ang qui mentionne à la suite l’une de l’autre deux ambassades en 623 et 628, permet de penser qu’il régnait encore à cette dernière date, et la Nouvelle Histoire des T’ang lui attribuant la conquête du Fou-nan au début de la période 627- 649 laisse supposer que son règne dura au moins jusqu’à 635.

La capitale d’îçânavarman se nommait îçânapura, et c’est sous ce nom qu’au milieu du VIIe siècle, le grand pèlerin Hiuan-tsang désignait le Cambodge. On identifie avec quelque vraisemblance cette ville avec le groupe de Sambor Prei Kuk, au nord de Kompong Thom, où les inscriptions d’îçânavarman sont particulirement nombreuses, l’une d’elles mentionnant d’ailleurs îçânapuri. C’est du Phnom Bayang dans la province de Takeo.

Continuant la politique de son père à l’égard du Champa, il entretint avec ce pays de bons rapports qui furent scellés, comme on va le voir, par une alliance matrimoniale entre deux maisons royales.

Le Cambodge préangkorienne (635-685).

Après îçâvavarman Ier qui cessa de régner vers l’an 635, les inscriptions du Cambodge nous font connaître un roi nommé Bhavavarman dont on ignore les liens de parenté avec son prédécesseur. La seule inscription datée qu’on possède de lui est de 639 et provient de la région de Takeo. On peut avec quelque vraisemblance lui attribuer celles de la grande tour du Phnom Bayang et Phnom-Preah de Kompong Ch’nang. C’est sans doute lui, et non Bhavavarman Ier comme on l’a cru longtemps, qui est mentionné dans les deux premières inscriptions publiées dans le recueil de Bart et Bergaine.

Ces deux textes parlent d’un fils de Bhavavarman qui lui aurait succédé. Il doit s’agir de Jayavarman Ier dont la plus ancienne date connue est 657, et ce roi commença peut-être à régner quelque année plus tôt. Les inscriptions gravées pendant son règne ont été trouvées sur un territoire s’étendant de Vat Ph’u au nord, au golfe du Siam au sud ; il fit des fondations dans la région de Vyâdhapura (Ba Phnom) et aux vieux sanctaire du Lingaparvata à Vat Ph’u. En ce qui concerne ses relations avec la Chine, l’ancienne Histoire des T’ang parle en termes très généraux d’ambassade du Tchen-la reçues par l’empereur Kao Tsong T’ang (650-683), sans en préciser les dates. Le règne de Jayavarman, qui se plaint du « malheur des temps ». Les premiers souverains d’Angkor ne se réclamaient pas de la dynastie de Jayavarman Ier, dont la chute fut apparemment la cause déterminante de la sécession au VIIIe siècle. Des conquêtes de Bhavavarman Ier à la fin du règne de Jayavarman Ier, on constate l’affermissement progressif du pouvoir des rois khmers sur les territoires de l’ancien Fou-nan situés dans la vallée du bas Mékong et le bassin du grand Lac. De cette époque « préangkorienne » de l’histoire du Cambodge subsistent de nombreux vestiges archéologiques : monuments, sculptures, inscriptions. L’architecture, caractérisée par des tours isolées ou groupées, presque en brique avec des encadrements de portes en pierre, a été étudiée de façon exhaustive par H. Parmentier dans son Art Khmer primitif. La statuaire, qui a produit quelques pièces remarquables, conserve certains traits des prototypes hindous, mais elle montre déjà les tendances à la raideur et à la frontalité qui caractérisent l’art du Cambodge par rapport à celui des autres pays de l’Inde extérieure. La sculpture décorative manifeste déjà une richesse qui laisse pressentir l’exubérance de la période angkorienne.

Les inscriptions gravées sur des stèles ou sur les piédroits des portes sont rédigées dans une sanskrite assez correcte, et toujours en langage poétique. Les inscriptions en khmer, qui commencent à faire leur apparition en assez grand nombre, ont conservé un état archaïque de cet idiome qui depuis quatorze siècles a subi des changements beaucoup moindres que les langues indo-européennes pendant le même temps. Ces textes épigraphiques constituent la principale source d’information sur l’histoire et les institutions du pays. Ils révèlent une administration fortement organisée, et toute une hiérarchie de fonctionnaire dont on connaît mieux les titres que les attributions.

C’est surtout la vie religieuse qu’ils font connaître. Leurs stances liminaires, contenant une prière adressée aux divinités sous l’invocation de qui la fondation est placée, sont à cet égard très instructives. Les principales sectes hindouistes semblent avoir coexisté au Cambodge comme dans l’Inde propre, et parmi elles on trouve déjà mentionnées la secte çivaïte des Pâçupatas et la secte visnouite des Pâcharâtras qui joueront à l’époque d’Angkor, chacune dans sa sphère, un rôle de premier plan. L ‘épigraphie et l’iconographie s’accordent pour marquer l’importance à cette époque, et au siècle suivant, d’un culte de Harihara ou vishnu-çiva réunis en un seul corps, dont on n’entendra plus guère parler ensuite. Le culte de çiva, surtout sous la forme du linga, jouit de la faveur royale et fait déjà presque figure de religion d’Etat. Quant au bouddhisme qui n’a guère laissé, en dehors des Bouddhas de style Gupta mentionnés à propos du Fou-nan, qu’une unique inscription nommant deux moines (bhikshu), il semble être en régression, si l’on se rappelle la faveur dont il jouissait au Fou-nan aux Ve-VIe siècles. Bien qu’il rapporte son témoignage au fou-nan (appelé par lui Po-nan), c’est sans doute Tchen-la que le pèlerin chinois Yi-tsing a en vue vers la fin du VIIe siècle lorsqu’il écrit : « La loi du Buddha prospéra et se répandit. Mais aujourd’hui un roi méchant l’a complètement détruite et qu’il n’y a plus du tout de bonzes ». La culture littéraire dont font foi les inscriptions sanskrites était basée sur les grandes épopées hindoues, Râmâyana et Mahâbhârata, et sur les Purânas qui fournissaient aux poètes officiels leur riche matière mythologique.

Au point de vue social, quelques textes épigraphiques montrent l’importance de la filiation en ligne maternelle que l’on retrouvera à l’époque d’Angkor à propos de la transmission des retrouvera à l’époque d’Angkor à propos de la transmission des charges dans plusieurs grandes familles sacerdotales. La constitution matriarcale de la famille est un système répandu dans toute l’Indonésie, et pratiqué par divers groupes ethniques d’Indochine. Dans l’ancien Cambodge, il peut avoir été importé de l’Inde où il est attesté chez les Nâyars et les brahmanes Nambutiri.

Pour la connaissance de la civilisation matérielle au Cambodge durant le VIIe siècle, on dispose d’un passage de l’Histoire des Souei qui se rapporte au règne d’ïçânavarman et qui a été reproduit intégralement par Ma Touan-lin dans son ethnographie des peuples étrangers à la chine composée au XIIIe siècle. Traduction du Marquis d’Hervey de Saint-Denys : « Ce prince fait sa résidence dans la ville de Y-chö-na, qui comporte plus de vingt mille familles. Au milieu de la ville a une grande salle où le roi donne audience et tient sa Cour. Le royaume renferme encore trente villes, peuplées chacune de plusieurs milliers de familles, et toutes régies par un gouverneur ; les titres des fonctionnaires de l’Etat sont les mêmes que dans le Lin-yi . Tous les trois jours, le roi se rend solennellement à la salle d’audience et s’assied sur un lit fait des cinq espèces de bois de senteur et orné des sept choses précieuses. Au-dessus du lit s’élève un pavillon tendu de magnifiques étoffes, dont les colonnes sont en bois veiné et les parois en ivoire parsemé de fleurs d’or. L’ensemble de ce lit et de ce pavillon forme en quelques sortes un petit palais, au fond duquel est suspendu, comme au Tch’ e-t’ou, un disque à rayon d’or en forme de flammes. Un brûle-parfums d’or, que deux hommes entretiennent, est placé en avant. Le roi porte une ceinture de coton ki-pei, rouge d’aurore, qui lui tombe jusqu’aux pieds. Il couvre sa tête d’un bonnet chargé d’or et de pierreries, avec des pendants de ces perles. A ses pieds sont des sandales de cuir et quelquefois d’ivoire ; à ses oreilles, des pendants d’or. Sa robe est toujours faite d’une étoffe blanche très fine appelée pe-tie. Quand il se montre la tête nue, on n’aperçoit pas de pierres précieuses dans ses cheveux. La coutume des grands officiers est presque semblable à celui du roi. Ces grands officiers, ou ministres, sont en nombre de cinq. Le premier a le titre de kou-lo-yeou (guru ?). Les titres des quatre autres, dans l’ordre du rang qu’ils occupent, sont ceux de siang-kao-ping, p’o-ho-to-ling, chö-mo-ling et jan-lo-leou. Le nombre des officiers inférieurs est très considérable ».

«  Ceux qui paraissent devant le roi touchent trois fois la terre de leur front, au bas des marches du trône. Si le roi les appelle et leur ordonne de monter les degrés, alors ils s’agenouillent en tenant leurs mains croisées sur leurs épaules. Ils vont ensuite s’asseoir en cercle autour du roi, pour délibérer sur les affaires du royaume. Quand la séance est finie, ils s’agenouillent de nouveau se prosternent et se retirent. Plus de mille gardes revêtus de cuirasses et armés de lances sont rangés au pied des marches du trône, dans les salles du palais, aux portes et aux péristyles ».

« Les fils de la reine, femme légitime du roi, sont seuls aptes à hériter du trône. Le jour où le nouveau roi est proclamé, on mutile tous les frères. A l’un on ôte un doigt, à l’autre on coupe le nez. Ensuite on pourvoit à leur subsistance, chacun dans un endroit séparé, sans jamais les appeler à aucune charge ».

« Les hommes sont de petite stature et ils ont le teint noir ; mais beaucoup de femme ont le teint blanc. Tous roulent leurs cheveux et portent des pendants d’oreilles ? Ils sont d’un tempérament vif et robuste. Leurs maisons et les meubles dont ils se servent ressemblent à ceux du Tch’e-t-ou. Ils regardent la main droite comme pure et la main gauche comme impure. Ils font des ablutions chaque matin, se nettoient les dents avec petits morceaux de bois de peuplier et ne manquent pas de lire ou réciter leurs prières. Ils renouvellent leurs ablutions avant de prendre leurs repas, font jouer leurs cure-dents en bois de peuplier aussitôt après et récitent encore des prières. Dans leurs aliments, il entre beaucoup de beurre, de lait caillé, de sucre en poudre, de riz et aussi de millet dont ils font une sorte de gâteaux qui se mangent trempés dans des jus de viande, au commencement des repas ».

« Celui qui désire se marier envoie tout d’abord des présents à la jeune fille qu’il cherche ; ensuite la famille de la jeune fille choisit elle-même un jour heureux pour conduire l’épouse au domicile de l’époux, sous garde d’un entremetteur. Les familles du mari et de la femme passent huit jours sans sortir. Jour et nuit les lampes demeurent allumées. Quand la cérémonie des noces est terminée, l’époux reçoit une part des biens de ses parents et va s’établir dans une maison à lui. A la mort des parents, si les défunts laissent de jeunes enfants qui ne soient pas encore mariés, ces enfants prennent possession du reste des biens ; mais si tous les enfants sont déjà mariés et dotés, les biens que les parents avaient conservés pour eux-mêmes entrent dans le trésor public. Les funérailles se font de cette manière : les enfants du défunt passent sept jours sans manger, se rasent la tête en signe de deuil et poussent de grands cris. La parenté s’assemble avec les bonzes et bonzesses de Fo ou les religieux du Tao, qui accompagnent le mort en chantant et en jouant de divers instruments de musiques. Le corps est brûlé sur un bûcher formé de toutes pièces de bois aromatiques ; les cendres sont recueillies dans une urne d’or ou d’argent qu’on jette dans les eaux profondes. Les pauvres font usage d’une urne de terre cuite, peinte de différentes couleurs. Il en est aussi qui se contente de déposer le corps au milieu des montagnes, en laissant aux bâtes sauvages le soin de le dévorer ».

« Le Nord du Tchen-la est un pays de montagne entrecoupées de vallées. Le Midi renferme de grands marécages, avec un climat si chaud que jamais on ne voit ni neige ni gelée blanche ; le sol y engendre des exhalaisons pestilentielles et fourmille d’insectes venimeux. On cultive dans le royaume du riz, du seigle, un peu de mil et du gros millet ».

Au total, la civilisation du Cambodge préangkorien, héritière du Fou-nan, notamment en matière d’hydraulique agricole et aussi de religion et d’art, influencée en matière d’architecture par le Champa, a pris au cours du VIIe siècle un dynamisme qui lui permettra, après une éclipse au siècle suivant, de dominer pendant une longue période le Sud et le centre de la péninsule.

La division du Cambodge : Tchen-la de terre et Tchen-la d’eau.

Au Cambodge, les histoires des T’ang nous apprennent, que peu après 706, le pays se trouve divisé en deux et retourna à l’état anarchique antérieur à son unification par les rois du Fou-nan et les premiers rois du Tchen-la : « La moitié septentrionale, remplie de montagne, et de vallée fut appelée Tchen-la de terre. La moitié méridionale, borné par la mer et couverte de lavs, fut appelée Tchen-la d’eau ».

La sécession eut apparemment pour origine l’anarchie qui suivit le règne de Jayavarman Ier mort sans héritier mâle. En 713, le pays était gouverné par une reine nommée Jayadevî : on d’elle une inscription trouvée à Angkor, dans laquelle elle se plaint du malheur des temps, et mentionne des donations à un sanctuaire de çiva Tripurântaka qui avait été fondé par la princesse çobhâjayâ, fille de Jayavarman Ier, mariée au brahmane çivaïte çakrasvâmin né dans l’Inde. Jayadevî est nommée dans une autre inscription d’où il ressort qu’elle était elle-même fille de Jayavarman Ier. Vers la même époque, un prince d’Aninditapura, nommé Pushkara ou Pushkarâksha devint roi dans çumbhupura, site représenté par groupe archéologique de Sambor sur le Mékog en amont de Kratié, où il fit graver une inscription en 716. On a supposé qu’il contint cette royauté « par mariage », mais c’est une hypothèse gratuite, et l’on peut tout aussi bien songer à un coup de force occasionné par la vacance du trône.

Il n’est pas impossible que ce soit Puskarâksha qui reçut à sa mort le nom posthume d’Indraloka, mentionné dans une inscription de Sambor comme celui de l’arrière-grand-père d’une reine régnant en 803. Quoi qu’il en soit, sa prise de possession de çambhupura semble avoir marqué le début de la sécession.

Du Tchen-la de terre, on ne connaît dans la ,première moitié du VIIIe siècle qu’une ambassade en 711, et une expédition au Vietnam en 722 pour aider un chef indigène dans sa révolte contre la Chine. Quant au Tchen-la d’eau, il semble avoir été lui-même divisé en plusieurs principautés. Celle d’Aninditapura, dans le Sud, avait eu pour chef, à une date indéterminée, un certain Bâlâditya qui donna peut-être son nom à une ville de Bâlâdityapura que les Chinois mentionnent, sous le nom de P’o-lo-t’i-po, comme la varie capitale du Tchen-la d’eau. Bâlâditya prétendait descendre du brahmane Kaundinya et de la Nâgî Somâ, et fut considéré plus tard par les rois d’Angkor comme l’ancêtre par lequel ils se rattachaient au couple mythique : il devait donc avoir quelque rapport avec les anciens rois du fou-nan. Vu la ressemblance des noms, on peut supposer qu’il eut parmi ses successeurs un certain Nripâditya qui a laissé dans l’Ouest de la Cochinchine une inscription sanskrite non datée, mais pouvant remonter au commencement du VIIIe siècle, c’est-à-dire au début de la sécession.

Le Cambodge : les deux Tchen-la (second moitié du VIIIe siècle).

Le Tchen-la de terre, appelé aussi par les Chinois Wen-tan et P’o-leou, et correspondant peut-être au territoire original du Tchen-la, envoya des ambassades en Chine, en 753 sous la conduite du fils du roi. En 754, ce même prince ou un autre fils du roi accompagna les armées chinoises opérant contre le Nan-tchao oriental où régnait le roi ko-lo-fong. D’après G.H. Luce, le Man chou mentionne à l’époque de la division du Tchen-la une expédition du Nan-tchao qui aurait atteint la mer, peut-être le Grand Lac. En 771, une ambassade est dirigée par le second rois, nommé P’o-mi, puis en 799 nouvelle ambassade. L’itinéraire de Kia Tan de Chine en Inde par voie de terre place sa capitale, à la fin du VIIIe siècle, en un point qui a d’abord été localisé dans la région de Pak Hin Bun, sur le moyen Mékong, mais qui se trouve sans doute beaucoup au sud, vers le centre du Tchen-la primitif. C’est peut-être à cette époque que remonte une inscription au nom d’un roi Yayasimhavarman trouvé à Ph’u Khiaos Kao dans le district de Ch’aiyaph province de Korat.

Du Tchen-la d’eau, on a quelques inscriptions de la région de çambhupura (Sambor) : deux d’entre elles, datées de 770 et 781, émanent d’un roi Jayavarman. Une inscription de 791 trouvée dans la province de Siem Reap, et mentionnant l’érection d’une image du Bodhisattva Lokeçvara, est le plus ancien témoignage épigraphique de l’existence au Cambodge du bouddhisme du grand Véhicule. On ne sait quelles datesattribuer à une série de princes, ancêtres des premiers rois d’Angkor, que les généalogies gratifient du titre de roi et qui ont pu effectivement gouverner les diverses principautés entre lesquelles le moyen et le bas Cambodge étaient divisés. Une reine « aînées », Jyeshthâyâ, petite-fille de Nirpendradevî et arrière petite-fille du roi Indraloka, fit une fondation à Sambor en 803, un an après l’avènement de Jayavarman II.

On aurait tort de croire qu’à cette période troublée de l’histoire du Cambodge corresponde une éclipse de l’art khmer. C’est au contraire au VIIIe siècle que les historiens de l’art sont amenés à placer des productions particulièrement intéressantes de l’art préangkorien, intermédiaires entre le style de Sambor Prei Kuk et celui du Kulèn.

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