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15 octobre 2009 4 15 /10 /octobre /2009 13:15

Aperçu sur l’évolution de la presse au Cambodge (Suite et fin).

Avertissement : Auteurs : MM. Soth Polin, Directeur du journal Nokor Thom, et Sin Kimsuy, chargé de cour à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques. Ils ont écrit cet essai en langue française en 1974 et publié en février de la même année.

II. Presse et Gouvernement

Code de Presse.

À l’instar de la presse libérale de l’occident, dont elle s’est largement inspirée, la presse khmère d’aujourd’hui se veut une presse d’opposition. Mais la tâche n’a pas été facile.

En juin 1972, le Ministère de l’Information a publié un code de presse fort sévère qui apparaît aux yeux des journalistes comme épée de Damoclès.

Il est écrit dans le code que la presse est libre mais qu’elle ne doit pas porter atteinte à l’honneur des personnes, à la sécurité nationale, aux bonnes mœurs. L’honneur des personnes, c’est celui se rapportant à la dignité des individus et surtout à leur vie privée (article 2 et 21). Seulement au Cambodge les tenants du pouvoir acceptent difficilement de distinguer leur responsabilité publique et leur vie privée. Quand la presse s’en prend à un haut fonctionnaire pour affaire de corruption, par exemple, ce dernier réagit invariablement en l’accusant de proférer des attaques personnelles, mesquines, visant à ruiner sa réputation.

L’atteinte aux bonnes mœurs et à la sécurité nationale non plus n’est pas clairement expliquée. On ne saurait connaître dans une juste proportion, la limite qui sépare le permis et le défendu. Les journalistes doivent savoir eux-même s’adapter aux circonstances, flairer l’atmosphère, s’auto-censurer les termes pour ne pas aller trop loin. Les dangers peuvent surgir à chaque instant : on risque de trouver, chemin faisant, la prison ou la ruine sans parler de la vengeance des puissants. C’est ainsi que la maison du directeur du journal Nokor Thom a reçu le 9 janvier 1972 une charge de plastic pulvérisant sa voiture, parce que le journal s’est permis de ridiculiser un politicien lié intimement à un très puissant général, et M. Vath Van, l’un des directeurs de publication du journal Khmers-Ekareach, a reçu un coup de hache pour s’être moqué de la même personne.

Dans l’article 22 du code de presse, il est spécifié que la presse peur critiquer librement la politique et l’action du gouvernement. Mais cette critique ne doit pas être injurieuse. La critique qui n’est pas accompagnée d’injures mais « faite de mauvaise foi pour entraver l’action gouvernementale ou de la justice » n’est pas de même, autorisée.

Dans l’article 32, il est interdit de servir de la presse pour outrager.

« a/ Le Président de la République, le Vice-Président de la République, les chefs et les membres du clergé bouddhique des deux ordres ;

b/ Le Chef de l’Eat, ambassadeur, le chargé de mission ou le consul des pays entretenant des relations diplomatiques avec ma République Khmère ;

c/ Les députés, les sénateurs, les membres du Gouvernement, les membres de la Cour Suprême, du Conseil Supérieur de la Magistrature, de la Cour Constitutionnelle, de la Haute Cour de Justice et de tous les autres corps constitués, les agents des services administratifs, les militaires ou les citoyens chargés provisoirement ou habituellement d’un mandat administratif ou électoral, en ce qui concerne les activités intéressant la mission ou la fonction des intéressés ;

d/ Les personnes privées, qu’elles soient des individus privés ou des entités légales ;

e/ Les personnes décédées dans le but de porter atteinte à l’honneur et au prestige des héritiers, conjoints ou mandataires qui sont encore vivants.

Est réputé outrage tout terme méprisant ou injurieux ».

On voit bien la marge étroite de manœuvre pour un journaliste qui essaye d’accomplir convenablement sa tâche, puisqu’il ne peut blâmer personne. L’outrage, le mépris ou l’injure, ce sont des termes vagues et généraux pouvant être interprétés de différentes façons. Un journaliste sera donc condamné ou gracié selon le bon vouloir de l’autorité. En somme, il faut essayer de faire des éloges à tout le monde. Ce qui s’avère ridicule, car quand les choses se passent honorablement ou bien sont normales, on sent l’inutilité de les relater dans la presse : Comme un chien qui mord un homme, alors qu’on ne doit pas manquer de faire si c’est l’homme qui mord le chien.

Diffamation :

Les procès intentés contre la presse pour diffamation sont employés par les hommes occupant de hautes fonctions ou par le gouvernement lui-même pour faire reculer les journalistes. Pourtant des hauts fonctionnaires, dans leur plainte devant le tribunal devient souvent du problème soulevé. Pour se disculper aux yeux de l’opinion, ils soulignent à n’en plus finir leur compétence, grossissent le bon accomplissement de leur travail, mais ils s’abstiennent de répondre coup pour coup aux accusations portées contre eux, c’est-à-dire de se justifier. Ils contre-attaquent globalement en répétant que la presse les diffame, par exemple, ou « qu’elle travaille pour les communistes ». Et ils visent, guettent un point faible dans les mots, cherchent une défaillance, une négligence dans les termes employés par les journalistes pour les prendre à la gorge. C’est à croire qu’ils cherchent les fautes de grammaire.

Du temps de l’absolutisme du prince Sihanouk, en 1969, le journal Sovanphoum (le village d’or) a été condamné à une forte amende (104 000 Riels = 2 080 dollars à l’époque) pour avoir diffamé M. Kou Roun. Sa faute de l’avoir appelé « Asora », l’orgre.

Le Prince Sihanouk en personne, en tant que Chef de l’État avait porté plainte pour diffamation contre M. Sim Var, directeur et propriétaire de Khmer Ekareach, en septembre 1969, Monsieur Sim Var avait alors publié un éditorial passionné appuyant le nouveau gouvernement dit de sauvetage nommé pourtant par Sihanouk lui-même, afin « qu’il mette un terme à l’anarchie, au désordre social et à la corruption qui minent le pays alors que les étrangers sont en train de l’envahir ». (le journal Khmer Ekareach du 17 septembre 1967 – bibliothèque nationale Phnom-Penh).

C’était cette dernière phrase qui avait été incriminé. En réalité Sihanouk a été rendu fou de colère par un autre article paru le jour suivant accusant M. Khek Vandy, Président Directeur Général de plusieurs sociétés d’État et en même temps ami de Mme Monique Norodom II, de corruption. Sihanouk demandait seulement un riel de dommage et intérêts à Sim Var, s’il gagnait le procès. La tension était si grande que la Reine Kossomak, mère de Sihanouk, le Président du Conseil des Ministres Lon Nol et le Président de l’assemblée Nationale Cheng Heng, conjuguaient leurs efforts pour demander à Sim Var d’assouplir sa position. Sim Var avait dû saborder son journal en octobre 1969.

En 1971, M. Thon Ouk, Président Directeur Général de la société khmère de raffinerie de pétrole porte plainte contre le journal Nokor Thom qui a étalé au grand jour avec documents à l’appui, la gestion défectueuse de cette société d’État qui comportait un gaspillage monstre et causant une perte de cent onze millions de riels rien qu’en 1970. Mais Thon Ouk insistait plutôt sur les termes employés par le journal, par exemple : « Il (Thon Ouk) leur est si servile que c’est à croire qu’il leur apportait de sa propre main du papier hygiénique »…Néanmoins le tribunal de première instance a acquitté le journal Nokor Thom.

Mme Ung Mung aussi, ancien ministre de tourisme, a intenté un procès de diffamation contre le journal Nokor Thom, procès qui traîne jusqu’aujourd’hui, pour l’avoir appelée une cuisinière, et le ministère du tourisme Samlâr Kâkor, une soupe khmère aux divers ingrédients. Les critiques sérieuses étaient méconnues par le ministre.

Violation de la liberté de presse.

Le code de la presse conçu sans la participation des journalistes, constitue déjà à lui seul une violation de la liberté de presse. Comme l’a fort justement observé M. Sim Var, si ce code ne permet pas de critiquer et de blâmer nos gouvernements, ces « princes » que le peuple paie de ses derniers, c’est qu’il n’est ni plus ni moins un système de dictature.

Mais il y a eu aussi tout au long de l’histoire de la presse khmère des violations sur les personnes et les biens des journalistes qui sont allés jusqu’à assassinat. Un directeur du journal Pracheachon (tendance communiste pro-Hanoï) du nom de Nop Bophan a été tué à bout portant dans la nuit du 9 Octobre 1959, immédiatement au nord de la pagode Laing Kar, par un inconnu (que la rumeur publique disait être un agent de Sihanouk). Le docteur ès sciences économiques Khieu Samphan, progressiste, nouvellement diplômé de Paris, directeur d’un bi-hebdomadaire de langue française, « Observateur », a été mis à nu et torturé par M. Kou Roun, ministre de Sécurité de Sihanouk en avril 1960 :

« Le 13 avril 1960, alors qu’il circulait en motocyclette devant la maison de M. Lim Kry, non loin de la police Preah Sihanouk, M. Khieu Samphan se vit molesté par une bande d’assaillants qui n’étaient autres que des agents de police du gouvernement. Tout le monde le savait et Khieu Samphan s’en indigna en publiant des articles accusateurs contre la Police. Kou Roun le manda à son bureau et frappa de sa propre main, avec le -Kdâr Ko- (verge du bœuf), le jeune et brillant docteur jusqu’à ce que ses sphincters lâchent des excréments, son ancien tortionnaire. ».

On aurait dit, il commit le crime de publier des articles élogieux envers les petits vendeurs de pain, mettant ainsi en relief la lutte des classes dans le « Sangkum » de Sihanouk. En 1958, un très célèbre écrivain, Sang Savath (Sang Savath, camarade de classe de Hang Thou Hak et de Hou Youn, était un puissant romancier par la vigueur et l’apreté de son talent). Il publia en 1955 « Moha Chaur neou toul dèn » (Les pirates de la frontière), et « Décho Kraham » (Le Seigneur rouge), directeut du journal Khmer Thmei, partisan du gouvernement Khmer Sérei de M. Son Ngoc Than (Khmer libre) aurait été liquidé sur la montagne Kirirom.

En 1967, une manifestation est provoquée par l’entourage même du prince Sihanouk pour détruire les locaux du journal et de l’Imprimerie de Khmer Ekareach. Les dégâts ont été énormes : 3 Millions de riels qui équivalaient à l’époque 60 000 dollars.

Après le 18 mars 1970, la répression contre les jouranistes, bien que nettement moins sauvage, ne s’est pas relâchée pour autant. Plusieurs journalistes ont été mis en prison sans jugement, comme M. Bouy Sréng, directeur du journal Sankruoh Khmer (Sauver les Khmers) en juillet 1972. De façon générale si les journaux ont eu le malheur de déplaire au gouvernement, il les suspend. La suspension peut être provisoire ou définitive. Pour cela, la guerre contre les envahisseurs est un bon prétexte qui vient à la rescousse du gouvernement défaillant.

Le journalisme comme tremplin.

En somme, le journalisme au Cambodge s’est révélé un métier harcelant, dévorant, un exercice quotidien de haute acrobatie. Les journalistes sont pareils aux danseurs de corde : les dangers viennent de tous les côtés, danger de s’arrêter en route, de regarder en arrière, danger d’avoir peur de la peur. S’ils se mettent au pas, derrière le gouvernement, leurs journaux ne trouveraient pas d’audience et financièrement, ce sera une catastrophe. S’ils se font les champions de l’intérêt public, ils perdent des amis, s’exposent au courroux des hommes au pouvoir qui ne manqueront pas de leur tordre le cou. Quand le tirage d’un journal monte vite, ce n’est guère un signe de santé et de prospérité, c’est plutôt un symptôme qui indique qu’il ne va pas loin. Un journaliste de talent, respectueux de sa profession, n’a pas d’avenir personnel.

Pourtant au Cambodge le journalisme mène aussi très loin, à condition d’en sortir. Plusieurs journalistes : MM. Trinh Hoanh, Chau Seng, Tep Chhieu Kheng, Kem Reth, Khung Thay Ly etc. Trois ont pu devenir dans le temps Premier ministre : MM. Son Ngoc Thanh, Sim Var, Long Boret. Certains d’entre eux, il est vrai, oublient très vite leur ancien métier.

III. Les facteurs socioculturels et la presse.

Depuis la nationalisation de la presse au Cambodge, décidée par l’ancien régime en fin 1967, les journaux privés ne sont plus autorisés à ne paraître qu’en langue nationale : le Khmer. La presse gouvernementale par contre est publiée dans quatre langues : le Khmer, le Français, l’Anglais et le Chinois. Les journaux en Khmer sont plus nombreux que ceux qui sont publiés dans les trois langues. Le nombre de tirages des journaux gouvernementaux en français et en chinois etc. plus important que celui des journaux en anglais. Ceci s’explique par plusieurs raisons. D’abord, considéré comme deuxième langue, le français est encore utilisé dans l’Administration avec le Khmer. Les fonctionnaires, les enseignants et les étudiants constituent le seul marché de lecteurs des journaux en français, dont le nombre se trouve maintenant réduit avec la politique de « Khmérisation » de l’enseignement entreprise par le gouvernement depuis 1967. Ensuite, l’existence des journaux en langue chinoise explique l’importance du nombre des Chinois sont l’immigration au Cambodge remonte assez loin dans l’histoire nationale. Sur une population totale de 7 millions environ, le Cambodge compte 350 000 à 400 000 Chinois. Dans les villes et dans les autres centres urbains, un homme sur cinq ou six est Chinois, parle, pense et vit à la chinoise. Cette population d’origine de « l’Empire du milieu » et qui vit toujours en société ou, en congrégation, éprouve, partout où elle sera, le besoin de s’informer, de communiquer entre ses compatriotes. Sa vocation et ses aptitudes manifestes pour le commerce trouvent en la presse l’excellent moyen pour traiter ses affaires. Deux remarques s’imposent : d’abord, les Chinois lisent plus, que les Cambodgiens et généralement chaque maison chinoise abonne un ou deux journaux chinois qui la mettent au courant de toutes les nouvelles commerciales du jour et de la situation économique générale du pays ; ensuite, la presse chinoise sert plus les intérêts des Chinois que ceux des Cambodgiens, car ces derniers ne comprenant pas le chinois, elle constitue un mystère, voire un code secret pour la population khmère. Et au lieu d’assurer l’intégration sociale des Chinois dans la société khmère, la presse en langue chinoise favorise au contraire une cloison étanche entre ces deux sociétés en permettant à la première de prendre conscience de sa particularité et de sa prédominance vis-à-vis de la seconde.

Les autres groupes sociaux et religieux comme la minorité vietnamienne et la communauté Cham n’ont que des rapports vaguement déterminants avec la presse du pays ; ils n’ont pas leurs journaux propres.

Les journaux gouvernementaux en langue anglaise (ils sont au nombre de deux) sont d’une date récente et ne touchent qu’un public très limité.

Contenu des journaux moyens.

Sauf « Nokor Thom » et « Républicain » qui ont 8 pages chacun, mais de format tabloïd, les quotidiens cambodgiens sont en général de quatre pages. La première et la quatrième page sont consacrées aux éditoriaux, aux nouvelles du pays, à celles de l’étranger, et à quelques articles d’études des problèmes touchant la réalité du pays et l’intérêt général. Les informations intérieures comprennent les activités du chef de l’État, du Premier ministre ou des membres du gouvernement, les communiqués de différents départements, les affaires civiles ayant trait aux actes de corruption sous toute leur forme et quelquefois le droit de réponse. En général, les articles importants sont illustrés des photos ou des caricatures vexatoires. Il y eut cet effort d’adaptation de la presse aux nouvelles aspirations des lecteurs ; le phénomènes inverses se produisit également : l’adaptation des lecteurs à la nouvelle tendance de la presse. C’est donc cette adaptation mutuelle de la presse et des lecteurs, phénomène social nouveau, qui fait progresser la presse khmère dans son ensemble. Il s’ensuit que le genre d’articles qui avaient pu plaire au public d’avant 1970, sont maintenant très mal vus par la majorité des lecteurs d’aujourd’hui. Les réclames publicitaires ne figurent presque jamais à la première page qui est plus politique que commerciale. Surtout les nouvelles de guerre occupent une grande partie des informations locales pendant ces dernières années. La presse publie chaque jour les nouvelles provenant des champs de bataille rédigées par leurs reporters, et les communiqués de l’Etat-major des forces militaires nationales. Mais ce sont surtout les commentaires politiques dont les thèmes se rapportent généralement aux affaires du pays qui permettent d’apprécier ce que valent exactement les journaux au Cambodge. Les textes d’études et d’analyse ne se rencontrent que dans très peu de quotidiens et hebdomadaires. À titre d’exemple, on peut citer les journaux « Nokor Thom », « Khmer Ekareach » et le « Bulletin de Jeunesse », qui se sont donnés de l’effort dans l’analyse des faits économiques, politiques, sociaux ou historiques du pays.

Les pages intérieures sont d’ordinaire réservées aux choses moins urgentes ou d’importance secondaire : les romans nationaux ou traduits de l’étranger, y ont traditionnellement occupé une place majeure. Il s’agit des romans de tout genre : Classique ou moderne, du sentimental au philosophique. Les analyses scientifiques et historiques y ont également leur place et sont recherchées surtout par le public intellectuel, universitaire, étudiant et fonctionnaire. C’est par ce genre de travail que la presse cambodgienne d’aujourd’hui peut avoir son rôle positif qu’elle n’avait pas, naguère.

Les lecteurs.

Les lecteurs se divisent en plusieurs catégories selon leur goût et leur intérêt, par exemple celle qui s’intéresse aux nouvelles fraîches, celle qui recherche les analyses intelligentes et profondes des faits économiques, politiques et sociaux, et celle qui est gagnée au sensationnel. La première catégorie de lecteurs est formée des commerçants, des hommes d’affaires qui composent la classe d’entreprenante du pays. La seconde représente l’«intelligentsia » regroupant professeur, étudiants, fonctionnaires. La troisième catégorie englobe la majorité des lecteurs dont le niveau d’instruction reste bas. Elle a fourni l’occasion à certains journaux peu scrupuleux et irresponsables d’exploiter leur penchant vulgaire en vue d’augmenter le tirage. Cependant, on constate que la 2e catégorie de lecteurs augmentent d’année en année, alors que les lecteurs de la 3e catégorie diminuent progressivement, parallèlement au progrès de la conscience nationale de la presse.

Conclusion.

Dans son ensemble, la presse au Cambodge reste une presse de combat. Elle est plus politique que commerciale ou que technique. Même le rôle d’information vient après. L’apparition de la plupart des journaux coïncide avec les moments les plus bouillonnants de la politique du pays. Leur sort est en général lié au développement des circonstances politiques qui les ont vus naître. Leur vie n’a pas connu de stabilité et par conséquent leur influence politique n’a jamais été durable dans le passé. Cependant, quelques journaux ont pu, par leur prestige et leur talent, par l’impact de leurs articles sur l’opinion publique, influencer le cours des évènements d’importance historique : il s’agit des journaux « Nagaravatta » à l’époque qui précède l’avènement de l’Indépendance, et « Khmer Ekareach » à la veille de l’évènement du 18 Mars 1970. Depuis 1970, malgré leur existence éphémère, les journaux privés au Cambodge ont profité de la période de liberté brève et relative octroyée par le nouveau régime en place en pleine transmutation, pour jouir de son nouveau rôle de 4e pouvoir. Mais la suppression de tous les journaux par le gouvernement désormais méfiant du rôle de la presse, depuis le 18 Mars 1973, ait mis fin peut-être définitivement à cette liberté naissance. Ceci a permis de conclure qu’au Cambodge, en tout temps, la participation de la presse à la direction des affaires de l’État n’a été, en effet, tolérée que lorsque les autorités espéraient y trouver total appui et obéissance aveugle aux grandes lignes politiques du gouvernement. Dans cette liberté conditionnelle et contrôlée, pour se maintenir à la surface bon nombre de journaux se voient obligés de vivre l’opportunité des circonstances. Toutefois, cette faiblesse et cette instabilité du rôle politique de la presse khmère peuvent également s’expliquer par le fait qu’une partie des journaux qui ne sont pas dignes de ce nom, leur manque d’organisation et de sérieux les empêchent de devenir une institution efficace pouvant se défendre contre la pression éventuelle du gouvernement.

Quant à son rôle d’information, la presse privée khmère, n’a qu’à moitié réussi, malgré un certain progrès qu’elle a connu depuis ces derniers temps. N’ayant au départ aucune formation professionnelle, les journalistes cambodgiens, qui se sont lancés dans le métier, animés en général d’un enthousiasme politique, dans l’espoir de le mener à bien et l’améliorer plus tard par la pratique sur le terrain qui leur restait jusqu’alors vierge. Reportages souvent mal fait, retard des nouvelles s’ajoutant à la pauvreté en articles scientifiques et en articles d’études, et au manque de moyens techniques indispensables à la bonne marche d’un journal, voilà les causes qui expliquent l’insuffisance de la presse khmère en tant qu’institution sociale et son retard sur la presse des autres pays. Remédier à ces insuffisances et faire prendre conscience aux journalistes khmers de l’importance de leur rôle dans la contribution effective à toutes les fonctions de l’État, administratives, économiques, politiques et sociales, devient indispensable et urgente pour permettre à la presse khmère de devenir une institution utile pour tous, et de survivre.

Note : Nous n’avons pas transcrit le chapitre « Aspect économiques de la presse khmère », parce que nous jugeons qu’il ne représente que l’aspect technique, économique et organisationnel de la presse khmère de l’époque. Dans ce chapitre les auteurs ont traités les sujets suivants : Facilités de création du journal, Capital, Répercussion sur la consommation, Distribution, Autres aspects (crise de papier, les machines).

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13 octobre 2009 2 13 /10 /octobre /2009 04:14

Auteur : Louis MALLERET
Cet essai est publié à Saigon dans le bulletin de la société des Etudes Indochinoises au 1er semestre 1946.

La minorité cambodgienne de Cochinchine

Si j’ai choisi de vous parler des Cambodgiens de Cochinchine, c’est qu’il m’a paru nécessaire de réagir contre des simplifications qui, ne tenant pas compte des conditions historiques, font également bon marché des droits d’importantes minorités ethniques.

Certes, la Cochinchine est loin de présenter la diversité de peuplement de la Haute-région tonkinoise, des confins laotiens ou des plateaux de l’Indochine centrale, communément désignés sous le nom d’hinterland Moï. On relève, cependant, sur le territoire des Bouches du Mékong , l’existence de plusieurs minorités formant des groupes tantôt compacts, tantôt sporadique, et possédant une culture ou des aspirations qui leur assignent des traits originaux. Si le droit nouveau est de promouvoir dans le monde, le respect de la personnalité des peuples faibles, combien alors le devoir nous apparaîtra grand d’accorder à ces groupement épars, l’attention que réclame leur isolement moral !

Je ne citerai ici, que pour mémoire, les îlots de population Moï, Stieng, Ma, Mnong, des confins septentrionaux ou orientaux de la Cochinchine, encore que ces communautés, tantôt errantes, tantôt sédentaires, représentant très probablement, des restes d’anciens occupants du sol, ayant dominé numériquement, à une époque reculée, dans tout le Delta. Leur personnalité tend à s’atténuer, au contact de la masse annamite, comme a disparu celle d’un important noyau Cham de la région de Tây-ninh. Mais, dans la province de Châu-dôc, on trouve encore, un groupement remarquable de Malais ou de Cham, demeurés fidèles aux traditions coraniques, dont M. Marcel Ner ajustement souligné l’importance, dans un article du Bulletin de l’Ecole Française d’Extrême Orient.

En dehors de ces groupements régnicoles, il convient de mentionner des populations immigrées, telles que les communautés musulmanes de Saigon et de Cholon, qui possèdent dans ces villes, deux mosquées, ainsi que des colonies hindouistes ou sikhs, dont l’existence culturelle est manifestée par six sanctuaires, dont quatre temples brahmanique. Un autre groupe important, par le rôle qu’il s’est attribué dans l’activité économique de la Cochinchine, est celui des Chinois, originaires de Hai-Nam, du Kwang-Tong ou du Fou-Kien, et groupés en congrégations fortement organisées, celles de Canton, Akas, Triêu-Châu, Fou-Kien et Hai-Nam. Il importe de lui adjoindre un élément dont on ne tient ordinairement qu’un compte insuffisant, celui des Minh-huong, métis sino-annamite, qui constituent des groupements importants à Cholon, Mytho, Bac-liêu, Sôc-trang, ainsi que sur la côté du Golfe de Siam, de Hâ-tien à Camau.

Les communautés cambodgiennes de la Cochinchine représentent environ 350.000 unités, sur une population globale de 4.800.000 habitants. A première vue, cette proportion est relativement faible, et il ne s’agit pas ici, bien entendu, de sous-estimer l’importance du peuplement annamite, dans l’ensemble du Delta. L’immigration annamite dans le Sud, a beau être un fait historique récent, on ne saurait, sans injustice, en diminuer la portée. Mais l’on doit considérer aussi, les droits des minorités, surtout lorsque celles-ci représentent des lambeaux d’un peuplement dont on peut suivre la remarquable continuité, des premiers siècles de l’ère chrétienne jusqu’à nos jours.

Ces Cambodgiens se rencontrent principalement au delà du grand Fleuve et du Bassac. Dans la province de Trà-vinh, ils représentaient en 1937, un groupement compact de 82.000 individus, contre 156.000 Annamites. A Sôc-trang, la proportion était du même ordre : 50.000 contre 107.000. A Bac-liēu, elle n’était plus que du sixième et Can-tho, du dixième. Mais, à Rach-gia, elle se relevait au tiers, avec 65.000 unités contre 192.000. Elle était à peu près, du même ordre à Hâ-tiên, petite province au demeurant de faible population, et à Châu-doc, représentait encore un quart, avec 40.000 Cambodgiens contre 168.000 Annamites. Si l’on fait abstration de la province de Trâ-vinh, on constate que dans le seul Transbassac, la minorité cambodgienne s’élève à 16% de l’ensemble de la population.

Dans les circonscriptions de Trâ-vinh et de Sôc-trang, ces autochtones forment des groupes compacts. En 1937, dans la première de ces deux provinces, l’élément khmer avait conservé une position dominante dans cinquante villages, et possédait la majorité dans une vingtaine d’autres. Il était aggloméré autour de 109 pagodes où plus de 1.500 bonzes distribuaient l’enseignement bouddhique. A Sôc-trang, on ne comptait pas moins de 54 pagodes, et la personnalité de la race était solidement maintenue par « l’association pour la formation morale, intellectuelle et physique des Cambodgiens de Cochinchine, dirigé par M.LAM-EM. Dans les régions intermédiaires du Transbassac, les villages cambodgiens sont rassemblés autour d’O-mon et Thô-nôt. A Rach-gia, ils forment des îlots disséminés, dans le Sud et le Nord du chef-lieu. Mais à Châu-dôc, dansle massif de Triton, ils représentent des agglomérations compacts, ayant su conserver de fortes traditions.

Des éléments sporadiques se rencontrent, dans les provinces de Long-xuyên, Vinh-long, Tanan et même Cho-lon, tandis qu’au delà de Plaine des Joncs, on retrouve des formations plus consistantes, aux approches du Cambodge, dans la région de Tây-ninh. Les Cambodgiens ont totalement disparu des provinces centrales, tells que My-tho, Bêntre ou Gô-cong, ainsi que des vielles provinces de l’Est, comme Bâ-ria, mais on en compte encore, quelques milliers, dans les provinces de Biên-hoâ et de Thu-dâu-môt, dernier vestige oriental de leur ancienne expansion.

Si ces populations ont disparu d’une bonne partie du territoire, le souvenir d’une souveraineté révolue subsiste dans la toponymie locale. Certains noms de lieux ne sont que la déformation pure et simple d’anciens vocables cambodgiens. C’est ainsi que, dans Sa-dec, il est facile de reconnaître Phsar Dek, le « marché du fer », dans Sôc-trang, Srok Khleang, le « pays des greniers », dans Trâ-ving, Prah Trapeang, le « bassin sacré », dans Bac-liêu, Pô loeuh, le « haut banian », dans Ca-mau, Tuk Khmau, les « eaux noires », dans My-tho, mê Sâr, la « dame blanche ».

D’autres sont la tradition annamite d’un ancien toponyme cambodgien. Ainsi, Bêntre, la « berge des bambous », correspond à l’ancien à l’ancien Kompong Russey et, dans Bên-nghe, « la berge des bufflons », ancien nom d’une partie de Saigon, on discerne aisément le vieux Kompong Krabey. Ailleurs, le terme anciens est devenu méconnaissable, mais il a souvent persisté dans l’usage populaire, et l’on entend dire Rung Damrey, « l’enclos des éléphants », pour désigner Tây-ninh, Long Hor, le « devin noyé », pour Vinnh-long, Meat Chruk, le « groin du porc », pour Châu-dôc, Kramuôn Sâr, la « cire blanche », pour Rach-gia, Pêam, « l’embouchure », pour Hâ-tiên, et surtout Prei Norkor, du sanskrit naçara « ville de la forêt », pour désigner Saigon-Cholon, c’est-à-dire l’ancienne cité khmère qui occupait semble-t-il, une partie de la Plaine des Tombeaux.

Comme on le voit, ces vocables se rapportant soit à des ressources naturelles, soit à des traits du paysage, sont d’une manière générale, assez expressifs. Ils ont été remplacés, surtout pour désigner les villages, par des termes qui selon l’usage sino-annamite, énoncent des vœux de prospérité, de bonheur ou de richesse. Notre administration s’est souvent prêté à ces substitution, surtout lorsqu’elle a procédé à des regroupements de communes, pour des raisons d’économie ou de commodité. Il est arrivé que de nouveaux noms annamites n’aient eux-mêmes plus de sens, et que les éditions successives des cartes du Service Géographique n’arrivent pas à suivre ces modifications arbitraires de la toponymie. Je connais un village de la province de Rach-gia où l’ancien nom Ban thach, signifiant « table de pierre », est devenu Ban tân-Dinh, par fusion des noms des villages de Ban-thach et Tham-dinh, ce qui représente désormais aucune signification. Or, j’avais été attiré vers ce village, par cet ancien nom insolite, et ma visite ne fut pas veine, parce qu’elle aboutit à reconnaître dans la « table de pierre », non pas un banc de latérite, comme un l’affirmait, mais un important dépôt coquiller, de plusieurs centaines de mètres de long, marquant un ancien rivage avec deux buttes en coquilles meubles, mêlés de tessons de poterie, correspondant à ces amoncellements de débris alimentaires, laissés par des populations primitives, et que les préhistoriens désignent sous nom de kjokkeenmoddinger.

Cette digression tend à établir que le Delta de Cochinchine est loin d’être un pays jeune et d’habitat récent, comme d’aucuns ont cru pouvoir l’affirmer, avec l’autorité des demi-savants. Vous savez tous, que les chercheurs archéologiques s’appuient souvent sur d’infimes indices, et s’il m’est permis d’émettre ici, un vœux, c’est que non seulement tout ce qui subsiste de l’ancienne toponymie soit recueilli, comme le souhaitait Etienne AYMONIER, il y a quelque soixante ans, mais encore que l’Administration soit extrêmement circonspecte dans l’attribution de dénominations nouvelles à des villages, et s’attache à maintenir, là où il subsiste, le cachet souvent très significatif des noms cambodgiens.

Il est possible que les vestiges historiques, auxquels je viens de faire allusion, soient les témoins d’une ancienne expansion de population indonésienne, aujourd’hui refoulées vers les hauteurs ou les forêts du Nord et de l’Est. Ainsi s’expliqueraient peut-être, ces curieuses survivances de traditions matriarcales, que je signalais, il y a quatre ans en Cochinchine, qui s’exprime dans des légendes cambodgiennes et que l’on trouve travesties, dans certains récits annamites. Quoiqu’il en soit de ces populations paléo-khmères ou proto-khmères, il est certain que le Cambodge, dont toute la civilisation ancienne a gravité dans l’orbe de la culture indienne, a englobé la Cochinchine actuelle, et y a maintenu sa souveraineté entière, jusqu’au milieu du XVIIe siècle.

Dès le début de l’ère chrétienne, il y eut en Cochinchine et dans le Sud du Cambodge, un Etat hindouisé, le Fou-Nan des historiens chinois dont il m’a été permis de retrouver un certain nombre de sites, dans le Transbassac. Je ne citerai ici que la ville maritime d’Oc-éo, avec son probable avant-port de Ta Kèo, qui s’étendait au pied de la colline de Bathé, à vingt-cinq kilomètres du rivage actuel du Golfe du siam. Dans cet immense emporium de plus de 400 hectares, se coudoyait, semble-t-il une population cosmopolite, puisque l’on retrouve confondus, des objets marqués d’influences indonésiennes, indo-môn, indiennes, iraniennes, hellénistiques et mêmes romains.

L’observation aérienne montre que ces populations avaient acquis la maîtrise de l’eau par des travaux d’irrigation ou de drainage et le creusement d’immenses canaux dont on trouve des traces jusque dans les terres semi-noyées de la Plaine des Joncs. Il y moins de trente ans, le pays du Transbassac était recouvrir d’une immense forêt et ceux qui ouvrirent les voies de la colonisation moderne purent entretenir la fatuité de croire qu’ils étaient les premiers à déchiffrer des espaces vierges. En réalité, une population dense a vécu autrefois dans ces territoires semi-aquatiques et une inscription du Ve siècle provenant du centre même de la Plaine des Jonc, laisse de fortes raisons de penser que cette région, aujourd’hui presque déserte, fut conquise par l’homme, une première fois, « sur la boue ».

Il n’entre pas dans mes intentions de dénombrer ici, toutes les preuves de la continuité du peuplement khmer en Cochinchine, à travers siècles. Les témoignages découverts, depuis bientôt dix ans, se comptent maintenant, par centaines. Ce pays fut couvert de sanctuaires en briques, dont seules les fondations ont généralement subsisté. Il y eut des foyers bouddhiques, vers le VIe siècle et peut-être auparavant , dans les provinces de Rach-gia, Trâ-vinh, Bên-tre, au cap St-Jacques et dans la Plaine des joncs. Les idoles brahmaniques, principalement Visnouites, sont particulièrement nombreuses, et réparties un peu partout. Mais les cultes sivaïtes, confondus peut-être avec ceux de divinité territoriales ou d’emblèmes de la souveraineté politique, sont loin d’être rares, non plus . Des villes s’élevèrent dans le Delta, comme celle de Prei Nokor à Saigon-Cholon, d’Oc-èo dans le Transbassac, des Cent Rues, dans la Plaine des Oiseaux, au Nord de Camau. Au XIe siècle, la souveraineté khmère fut particulièrement affirmée, dans la région de Sôc-trang, autour du port de Bassac. Deux siècles plus tard, le témoin d’un établissement hospitalier du grand roi Jayavarman VII, se retrouve près de Can-tho. Enfin les récits des annales cambodgiennes ou annamites, ainsi que les écrits des voyageurs et missionnaires, attestent que la domination khmère se maintien, avec persistance, tant qu’elle put s’affirmer à l’abri du bouclier que les Chams opposèrent désespérément à l’expansion annamite.

Le Cambodge qui fut un immense empire, se trouva démantelé dans les derniers siècles, par des rivaux avides de se partager ses dépouilles, le Siam à l’Ouest, et l’Annam à l’Est. Ses frontières politiques sont loin de correspondre de nos jours, à l’aire d’expansion de ses groupements ethniques. Au Siam, si l’on fait abstraction de cette Alsace-Lorraine, dont la restitution est prochaine, qu’est la région de Battambang-Sisophon, on compte d’importants noyaux de Cambodgiens, sur le plateau de Korat, dans les régions de Buriram, Suren, Khukhan, à Prachinburi et jusqu’aux approches de Bang Kok. Au nombre de 450 000 , ils forment, en quelque sorte, le répondant occidental de la minorité de Cochinchine, des vestiges de l’ancienne puissance politique du Cambodge qui, sous le règne de Jayavarman VII, engloba tout le Siam actuel, y compris une partie de la péninsule malaise, poussa une pointe en Birmanie et dans le Haut-Laos, s’étendit sur toute la Cochinchine et, pendant un quart de siècle, se maintint au cœur de l’Annam actuel , dans la région de Binh-dinh.

L’expansion annamite en Cochinchine commence à se manifester sous une forme officielle en 1685. Depuis le début du siècle, ce peuple imprégné de culture culture chinoise, avait rapidement progressé sur les côtés d’Annam, au détriment de l’ancienne Champa, royaume de culture indienne, dont la résistance était épuisée. En 1602, les Annamites avaient atteint Qui-nhon, puis franchi le Varella. En 1655, ils érigeaient en circonscriptions administratives, les territoires de Nha-trang et de Phan-rang et, avant même de s’être établis fortement à Phan-thiêt, avaient prononcé leurs premiers empiétements dans les régions du Dong-nai et Moi-xui, c’est-à-dire de Biên-hoà et Bà-ria.

Je n’entreprendrai pas ici, de relater dans le détail, l’histoire de leur progression dans le Delta du Mékong. Qu’il me soit permis pourtant, de mentionner les principales étapes. En 1698, toute la région du Dong-nai est annexée et divisée en trois circonscriptions, correspondant de nos jours, à celles de Biên-hoà, Gia-dinh et Saigon. En 1715, l’Annam accepte sans vergogne, l’hommage d’un aventurier chinois qui s’était taillé une principauté de fait, dans la région de Hà-tiên. Tout le XVIIIe siècle fut occupé à réunir les possessions de l’Est, à ce territoire occidental. En 1752, les Annamites organisaient à leur profit, la circonscription de Long-Hor, c’est-à-dire Vinh-long, avec les régions côtières, jusqu’à Trà-vinh et au Bassac. En 1753, ils absorbaient la région de My-tho, avec tout le pays situé au Nord du Fleuve Antérieur. En 1757, ils poussaient une pointe extrême jusqu’à Châu-dôc, opérant ainsi la soudure, entre leurs acquisitions du Nord, du Sud et de l’Ouest. La rébellion des Tây-son qui, à la fin du XVIIIe siècle, ensanglanta le pays, pendant vingt-cinq ans, ralentit à certains égards, les progrès de cette expansion et à d’autres la consolida. Mais il est remarquable de constater que c’est seulement en 1852, c’est-à-dire trente ans à peine avant l’expédition franco-espagnole de 1859-1860, que l’Empereur Minh-Mang organisa les territoires de Cochinchine en circonscriptions administratives, d’où sont sorties par remaniements, les provinces actuelles.

Les dates que je viens d’énumérer ne marquent que la consécration officielle des empiétement annamites. Ceux-ci furent, à l’origine, le fait d’aventuriers, de vagabonds, d’exilés politiques, des déserteurs et aussi de non-inscrits, c’est-à-dire de gens qui ne possédant plus rien dans leur village, se trouvaient exclus de l’organisation communale et s’en allaient chercher ailleurs, des moyens de subsister. Il y eut ensuit, des populations transportées, principalement du Quing-binh ou du Binh-dinh. Enfin, des colonies militaires, dont l’importance semble avoir été notablement exagérée, contribuèrent à fonder de nouveaux villages, surtout dans les régions du Centre et de l’Ouest.

La fixation des nouveaux venus trouva des conditions particulièrement favorables, dans la période de la guerre des Tây-son, où le souverain d’Annam dépossédé, trouva refuge en Basse-Cochinchine. A la faveur de cette époque de troubles, les Cambodgiens purent conserver une bonne part de l’administration officielle et l’on vit même, l’un d’eux adopter la cause du prince annamite et commander, pour lui, une troupe de partisans. La politique d’administration à outrance, ne commença guère que sous le règne de Minh-Mang, après 1820. On remplaça partout les fonctionnaires cambodgiens par des mandarins annamites et l’on fit pression sur les usages annamites sur les habitants, pour les contraindre à adopter le costume , la langue et les usages annamites. A Trâ-vinh, une sanglante révolte éclata en 1822, dont on n’eut pas aisement raison. C’est alors que s’édifièrent, un peu partout, ces fortins signalés sur d’anciennes cartes, dont le rôle était de surveiller les populations cambodgiennes. En 1841, une autre rébellion éclata, dirigée par Sa Sain, à un moment où l’Annam était en difficulté avec le Siam. Noyée dans le sang, elle fut le signal d’une lourde politique d’oppression et de spoliations. Dès cette époque, des Cambodgiens abandonnent le pays pour se réfugier en masse au Cambodge.

(Suite dans K2)             

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12 octobre 2009 1 12 /10 /octobre /2009 10:41
Aperçu sur l’évolution de la presse au Cambodge.

Avertissement : Auteurs : MM. Soth Polin, Directeur du journal Nokor Thom, et Sin Kimsuy, chargé de cour à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques. Ils ont écrit cet essai en langue française en 1974 et publié en février de la même année.

I. Histoire de la presse khmère, son rôle politique.

L’histoire de la presse khmère est récente et se trouve en grand retard sur celle de la presse des pays développés. Elle est marquée par trois périodes distinctes relatives aux bouleversements et mutations politiques profondes dans le pays : La période d’avant l’indépendance, celle qui s’étend de l’Indépendance à l’événement de mars 1970 et celle de 1970 à 1973.

Longtemps, l’opinion de la masse fut négligée parce qu’elle ne constituait pas une pression suffisante pour les pouvoirs publics. À l’époque du Protectorat qui prit fin en 1953, la presse au Cambodge fut considérée comme inexistante, du fait d’une part du nombre très restreint de journaux, tant en langue khmère qu’en langues étrangères, et d’autre part, de ce que la presse écrite, étant une forme nouvelle d’information, n’attirait pas l’attention du public ou même fut ignorée de lui. Ce retard de la presse khmère pouvait encore s’expliquer par une autre raison, celle-là politique : Le système politique ne voulait pas favoriser la création des journaux contre lesquels il établit une censure sévère. Le retard de cette forme d’information traduisait le « retard démocratique » du peuple khmer dans sa participation directe aux affaires d’État, aux décisions du gouvernement touchant de près le sort du pays.

L’histoire de la presse khmère n’a commencé qu’à partir de 1936 avec la création du journal « Nagaravatta » (Le pays des pagodes ». Il existait également à la même période quelques journaux en langue française et en langue vietnamienne créée pour la communauté des Français colonisateurs et celle de leurs auxiliaires, les Vietnamiens qui étaient déjà nombreux au Cambodge au temps du protectorat. Mais les circonstances qui avaient vu paraître le journal « Nagaravatta » furent marquées par l’extrême hostilité de certains milieux khmers envers les Français qui, alors maîtres de l’Indochine, durent faire face au réveil du sentiment national khmer pour l’indépendance du Pays. On notait que les formalités d’ouverture du journal de l’époque étaient très difficiles parce qu’elles se heurtaient à la résistance des colonisateurs qui exigeaient que la demande de parution soit adressée au Gouverneur Général de l’Indochine à Hanoï, par le canal du résident Supérieur du Cambodge.

Le journal « Nagaravatta » eut pour principaux fondateurs MM. Son Ngoc Thanh, Pach Chhoeun et Sim Var, aidés par une équipe de nationalismes militants. Ce fut le premier journal bihebdomadaire, qui se fixait comme tâche la campagne d’explication des idées politiques et du réveil national au peuple et en particulier aux milieux urbains, et ce, dans le but de préparer le peuple au mouvement de libération nationale. On lisait peu les journaux khmers, les milieux privilégiés : Bourgeois, hauts fonctionnaires, gens de la Cour, hommes d’affaires, lisaient les journaux français (La vérité, Opinion, Presse de Saïgon) ou vietnamiens. Car, c’était la mentalité de l’époque : Lire, parler et écrite dans sa langue signifiait presque se déshonorer ou même s’humilier. Le journal « Nagaravatta » dont le Directeur fut M. Pach Chhoeun et le rédacteur en Chef M. Sim Var, « n’était lu au début que par un public restreint de classes sociales humbles, de salariés ou de petits fonctionnaires dont le sentiment national était très vif ». Cependant, le succès de ce premier journal politique fut très rapide, et eut un effet, pareil à celui d’une bombe lâchée au milieu d’une population endormie et à l’adresse d’une politique coloniale révolue. Son prestige fut tel qu’il provoqua, un an après, la réaction défavorable de l’administration française qui le fit interdire en 1937. Le Directeur et son équipe furent arrêtés puis incarcérés à Saïgon. La fermeture du journal « Nagaravatta » a laissé un vide presque total dans la vie de la presse au Cambodge. Ainsi se termine l’histoire de la presse khmère avant l’Indépendance Nationale.

De 1952 à 1970, la presse n’avait pas encore acquis une grande importance bien que le pays eût déjà conquis, entre temps, son indépendance. La raison en fut qu‘elle était privée totalement de liberté d’expression dans le règne de l’ancien Chef d’État. Toutefois, les rares journaux d’opposition : « Khmer Krok » (Le Khmer qui se lève), « Prachéa Thippatey » (Démocratie), « Khmer Thmei » (Le Khmer nouveau), « Meattophum » (La Patrie) etc. furent très lus parce qu’ils osaient répandre les idées politiques contraires au régime, publier des articles violents qui enflammèrent les passions. Ceci se passa au lendemain de l’Indépendance Nationale, mais les époques les plus troublées se situèrent entre 1955 et 1963 qui coïncidaient avec la lutte du Parti Démocrate contre le régime. La suppression définitive des journaux d’opposition avait provoqué de nouveau un vide dans la presse au Cambodge.

Il faut attendre quelques années plus tard, à partir de 1968, pour assister à l’apparition d’un grand nombre de journaux, quotidiens et revues hebdomadaires passant d’une dizaine à trentaine, en langue nationale surtout qui, dans l’ensemble, est intéressés par le sort du pays. Cependant, ces journaux n’ont toujours pas leur liberté d’expression et leur tâche s’est réduite à la diffusion des nouvelles officielles et étrangères. Certains journaux connus pour leur goût du sensationnel, tel le journal « Sochivathor » par exemple devenu presque proverbial pour désigner les journaux pas du tout sérieux, sont des « nullités », des « feuilles de choux ». Ce sont des journaux qui s’adonnent à la démagogie du sang et du sexe (affaires de meurtres, de suicide, de viols, narrées dans un langage obscène), mais qui trouvent les plus larges audiences, parce que accessibles à la masse non instruite. En 1967 un nouveau journal d’opposition, « Khmer Ekarreach » (Khmer indépendant) a vu le jour. Il est dirigé par l’ancien Premier ministre M. Sim Var, qui est passé pour un redoutable adversaire du prince Sihanouk. Ce quotidien s’est fixé comme tâche de ridiculiser le régime, dénonçant tout, corruption, abus de pouvoir, incompétence, attaquant tranquillement la personne du prince et n’épargnant rien. D’un style précis et satirique, (Sim Var est un grand polémiste), d’un langage ferme et décidé, le journal « Khmer Ekareach » a accaparé vite l’attention des dirigeants. C’était une menace de mort pour le régime. Son impact sur l’opinion a été extraordinaire, ce qui conduisit les autorités à ordonner sa suspension à plusieurs reprises. La presse khmère en 1968 avait donc un double visage, le « sérieux politique » et « sensationnel badin ».

Vers la fin 1969, un autre journal en langue khmer, Norkor Thom, dirigé par une équipe d’intellectuels, a fait figure d’un nouveau journal d’opposition. C’est essentiellement le journal qui, par les propos audacieux et hostiles au régime, traduit les sentiments de la grande partie de l’opinion mécontente. Le succès de ce quotidien a été également prodigieux et c’est le journal qui a connu le plus grand tirage au Cambodge en 1970. Il a ses lecteurs fidèles parmi les milieux instruits, universitaires, étudiants, fonctionnaires.

Dès le début 1970, de janvier à mars, la tendance générale de la presse khmère a été caractérisée par sa virulence contre le régime sauf certains journaux qui sont restés encore fidèles à la personne du prince Sihanouk. Dans l’ensemble, la presse s’efforce d’être sérieuse d’être le porte-parole de la réaction de la population, surtout de la population urbaine. C’est donc à partir de 1970 qu’on peut parler de la conscience nationale de la presse, de son rôle constructif dans ce qu’elle contribue, par ses critiques et ses propositions à la tâche du gouvernement. Elle semble, dans cette période relativement courte, (entre mars 1970 et mars 1973) dans sa troisième étape de son évolution, avoir plus de libertés et d’indépendance vis-à-vis du pouvoir. Elle est devenue très populaire lorsqu’elle s’est attaquée unanimement aux Vietcongs envahisseurs et lorsqu’elle s’est permis de souligner les abus des soldats alliés sud-vietnamiens, dans la guerre de dévastation du Cambodge survenue peu après le 18 mars 1970. Cependant, à partir de mars 1972, un nouveau changement s’opère dans la position de la presse : elle cesse de soutenir à fond le nouveau régime qu’elle prend désormais à parti. Elle met particulièrement l’accent sur l’incapacité, sur l’anarchie du régime tout en demeurant toujours patriote et nationaliste. Le pays étant guerre, le premier ennemi, c’est le Vietcong, « Vietnamiens communistes, envahisseurs ». C’est par cet aspect qu’on peut dire, avec raison peut-être, du nouvel esprit de la presse khmère d’aujourd’hui. On dit qu’elle est « politisée », c’est-à-dire intéressée par les affaires politiques du pays. Elle paraît encore défaillante, mais elle est pleine d’initiatives et portée à l’action. Elle est devenue plus mûre, plus expérimentée et son jugement plus sûr. Et ce long aboutissement de la presse khmère marque sans conteste un certain progrès dans sa forme et dans son fond. Seulement la dégradation constante de la situation du pays n’a pas aidé la presse khmère, si méritante qu’elle soit, à survivre.

La date du 18 mars 1973 est tragique pour la presse privée au Cambodge : jugeant que la liberté de presse est gênante pour le pouvoir républicain, le gouvernement a décrété des mesures d’urgence en proclamant l’État de siège et en ordonnant la suspension sans limite de toute la presse privée, suspension qui se prolonge arbitrairement jusqu’aujourd'hui.

II. Caractéristiques de la presse khmère comme institution.

II.a.
Structure et organisation des journaux.

Si l’histoire de notre presse est courte, l’histoire de chaque journal est éphémère. Les journaux cambodgiens naissent et meurent quelques années après aussi facilement qu’une fusée qui monte et tombe dans le ciel. De nos jours, il n’y a pas encore un journal khmer daté de 10 ans qui continue encore à fonctionner.

La presse khmère est donc une presse qui se cherche, une presse qui n’a pas encore trouvé sa voie, une presse à faire. Rien d’étonnant à cela qu’elle soit restée pauvre et démunie et que son organisation laisse à désirer. Dans un quotidien khmer il y a un directeur souvent propriétaire de son journal, qui se trouve en même temps rédacteur en chef. Il se révèle que le rédacteur en chef n’est pas nécessaire. Fréquemment un nom est imprimé sur la première page du journal comme étant le rédacteur en chef, mais en réalité le nom n’est qu’un prête-nom, avancé pour servir de décor, le rédacteur en question ne jouant qu’un rôle secondaire, voire subalterne. Ainsi dans les trois quotidiens les plus en vue de la capitale khmère, « Norkor Thom » (Le grand pays), « Khmer Ekareach » (Le Khmer Indépendant), « Koh Santhepheap » (l’ïle de paix), il n’y a pas de rédacteurs en chef. Par contre dans Khmer Ekareach, il y a deux directeurs : un directeur politique du journal et un directeur de publication. Le directeur politique du journal Khmer Ekareach, M. Sim Var, actuellement ambassadeur de la République Khmère à Tokyo, détient en quelque sorte l’autorité morale dans le journal. Mais la direction effective du journal est exercé par le Directeur de publication qui joue le rôle de rédacteur en chef, et se trouve responsable devant la loi de tous les écrits parus dans le journal. Ce subterfuge est utilisé parce que d’une part, le directeur politique qui est en même temps propriétaire réside la plupart du temps à l’étranger, d’autre part en tant que fonctionnaire de l’État, il ne lui est pas permis par le statut commun des fonctionnaires d’assumer la responsabilité du journal qui n’émet toujours pas la même opinion que le gouvernement. Parfois même le directeur du journal n’est qu’un figurant. Ainsi dans le journal Koh Santepheap le directeur en titre, M. Sou Sorn, n’est pas le véritable patron. Il endosse son rôle devant la loi, mais c’est le propriétaire, M. Chou Thani, un officier appartenant à la 13e Brigade d’Infanterie qui dirige la politique du journal.

Cette exception faite, le directeur est toujours propriétaire de son journal. Il est parfois assisté d’un conseiller politique qui l’aide à écrire des articles de fond, des éditoriaux, de cinq à dix rédacteurs qui élaborent des points de vue, des chroniques, tout en s’occupant des travaux de secrétariat : les archives, les courriers. Une dizaine de reporters moissonnent les informations, arrangent des interviews ou des entretiens avec les personnalités. Il y a très peu de correspondants de presse dans les provinces. Les journaux khmers d’aujourd’hui répugnent à les employer. D’une part, ils sont incapables de les nourrir du fait de leur grand nombre. D’autre part, ces correspondants ont souvent abusé de la confiance de leur direction, en s’adonnant au chantage. Posséder une carte de presse en province, c’est avoir l’autorité d’un agent de police, et le possesseur trahit vite sa mission première qui est de recueillir les informations. Il peut aussi se vendre facilement à l’autorité de la province dont le gouverneur, souvent chef militaire, reste toujours un petit seigneur féodal. Pour se renseigner donc de ce qui se passe dans les provinces, les journaux font partir leurs envoyés spéciaux, bien sûr, à leurs risques et périls.

La bonne marche rédactionnelle du journal repose aussi sur la collaboration extérieure entretenue par les fonctionnaires de l’Administration, des employés du Ministère de l’Information par exemple comme rédacteurs ou informateurs ou fournisseurs de revus. Une dizaine de personnes assurent les services administratifs ; elles s’occupent de la propagande du journal, de la diffusion, de la recherche des ressources publicitaires, du personnel de la vente, de la comptabilité. Le reste du personnel est formé par une vingtaine de typographes et quelques machinistes.

II.b.
Propriété et contrôle.

Sauf les journaux des partis, créés juste avant les élections législatives de juillet 1972, un journal khmer appartient rarement à un groupe d’intérêt de par son essence même d’entreprise difficilement rentable… Les bénéfices sont si maigres qu’il est presque impossible de les partager. D’ailleurs le capital pour lancer un journal au Cambodge a été si modeste qu’il reste à la portée des gens moyens. Ce qui explique la prolifération des journaux khmers à Phnom-Penh depuis 1968, ce qui explique que le directeur-propriétaire contrôle assez souvent son propre journal.

Mais cette faiblesse des journaux khmers en tant qu’institution les rend vulnérables devant le pouvoir du gouvernement. La presse khmère est loin de représenter le 4e pouvoir. Ainsi l’opinion d’un journal reflète souvent plus la peur devant l’autorité que sa propre personnalité. De là, à dire que la presse privée est manipulée par le gouvernement qu’il n’y a qu’un pas, surtout jusqu’en mars 1970. Les gouvernements qui se sont succédés depuis l’avènement de l’Indépendance ont toujours voulu, sinon supprimer la presse, au moins la domestiquer. Le 12 septembre 1967, à cause de la teneur d’un télégramme (1) de l’association d’Amitié Chine-Cambodge à Pékin envoyé à Phnom-Penh, hostile au régime khmer, et paru dans « La Nouvelle Dépêche du Cambodge », le prince Sihanoukk a fait fermer tous les journaux. Les journaux privés de langue française, l’un de tendance gauche « La nouvelle Dépêche du Cambodge » de M. Chau Séng, et l’autre du centre droit « Phnom-Penh Presse » dirigé par M. Douc Rasy, ne s’en seront jamais relevés. Un journal d’État de langue française « Le Cambodge », et un autre de langue khmère, « Rearst Sangkum » (le peuple socialiste) ont été créés à leur place. Trois mois plus tard grâce au congrès National, des journalistes ont pu obtenir que les journaux privés soient autorités à reparaître. Mais la presse khmère déjà servile en est sortie brisée et repentante. C’est de cette façon qu’est née au Cambodge cette forme hybride de journaux, rare dans l’Asie du Sud-Est, cette présence simultanée des journaux gouvernementaux et des journaux privés. Cette coexistence n’apparaît pas comme un compromis, mais plutôt comme une menace constante contre la presse privée, plus appréciée, plus professionnelle que la presse d’Etat. Pour sa propre santé donc, la presse d’État ne fait que souhaiter la mort définitive de la presse privée. En décembre 1970, le gouvernement a imposé la censure à toute la presse privée. Le journal Nokor Thom a été suspendu pendant un mois et le journal Khmer Ekareach pendant dix jours pour avoir résisté à cette décision gouvernementale. Mais la censure a échoué. Elle a soulevé contre elle une véritable levée de bouclier de l’opinion publique.

Le 17 mars 1973, un pilote de l’armée de l’air, traître à la Nation, a bombardé le palais présidentiel de Chamcar Mon. Le gouvernement en profité pour décréter les mesures d’urgence qui l’amenèrent à suspendre toute la presse privée y compris les journaux des partis. Il en résulte que quoi qu’il advienne c’est toujours le gouvernement qui contrôle la presse, qui l’avertit de temps à autre du seuil qu’on ne peut pas dépasser sans péril, sous peine d’encourir la suspension.

II.c.
Le rôle social de la presse.

Jusqu’à une récente date, le rôle de la presse restait négatif. Son attitude semblait presque totalement passive et était réduite à une sorte de travail de reportage des faits divers, accidents de voiture, abus et viols, vols, divorces et autres affaires civiles et pénales. On retient le « mémorable » journal « Sochivathor » dirigé par M. Nouth Chhoeurn pour ce genre de publications qui avaient attiré une foule nombreuse de lecteurs. Ce goût du sensationnel avait connu son apogée entre 1967 et 1969 et qui coïncidait avec le fléchissement économique inéluctable de l’ancien régime. Mais cet état de chose se heurta à l’événement de mars 1970 et fit place à une nouvelle forme de pensée du public marquée par la prise de conscience des difficultés nouvelles du pays. La presse privée, en particulier, voulut être désormais investigatrice, réaliste, objective et efficace en s’efforçant d’être interprète fidèle du public. Le journal « Khmer Ekareach » dirigé par M. Sim Var en résumera l’image. Ce quotidien qui participera à l’événement de mars 1970 eut déjà à combattre les différents maux sociaux de l’ancien régime. La corruption qui restait de tout temps un fléau social du Cambodge constitua l’un des thèmes courants de ce journal. Mais, très vite, les autres journaux l’imitèrent dans cette critique sociale qui n’épargnait personne et qui visait particulièrement les hautes personnalités dont la mauvaise conduite fut connue du public. Profitant de l’époque transitoire après le 18 mars 1970, où le gouvernement fut en train de se frayer une nouvelle voie politique, où tout le monde réclama des réformes dans tous les domaines où les pouvoirs publics se trouvèrent chancelants, les journaux attaquèrent sans répit les abus et l’incompétence d’une administration anachronique héritée de l’époque coloniale afin de mettre le nouveau régime en garde contre les errements éventuels. En réalité, la presse aspire à la revendication d’une nouvelle voie nationale, celle qui consiste à apporter du renouveau et de la cohérente à la conduite des affaires du pays. En effet, depuis 1970, la presse s’est vue astreinte à une nouvelle discipline : éviter les critiques personnelles d’ordre privé et ne publier que des articles d’intérêts général pouvant servir la cause du grand public.

Le premier semestre 1973 fut marqué par des difficultés sociales nouvelles dues à l’extension de la guerre et au nombre croissant des réfugiés en ville. La presse est intervenue en faveur du grand public attirant l’attention du gouvernement sur la misère de la population, victime de la hausse constante du coût de vie. Pour cela, elle dénonce les mauvais agissements de certains fonctionnaires, la malhonnêteté des commerçants chinois, spéculateurs et accapareurs, qui pratiquent la hausse illicite des prix et le stockage des produits de première nécessité. Le thème couramment évoqué par la presse pendant ce début de l’année 1973 est l’économie de guerre en vue de faire face à la situation qui va s’aggravant.

En mars 1973, plusieurs journaux khmers ont manifesté quelque peu leur sympathie envers la grève du corps enseignant qui demanda l’augmentation de salaire. Cela a été fatal. Le bombardement du palais présidentiel par un pilote renégat le 18 mars 1973 ne fut qu’un prétexte du pouvoir pour réduire définitivement la presse au silence.

La suppression de la presse plongea le pays entier dans une immense consternation. Ce fut partout un silence de tombeau. Un gouvernement sans presse se trouve de plus en plus éloigné du peuple qui ne s’intéresse pas réellement à ce qui s’écrit dans les journaux d’État, élaborés par des fonctionnaires incapables qui en font un instrument et non pas une fin. Et sans ce puissant contrôle qu’est une presse indépendante (la loi martiale n’ayant rien résolu) une corruption noire sévit dans le pays. Rappelons entre autres, l’affaire « Chea Sinh », mise en épingle par les grands journaux, lorsqu’ils étaient encore en activité. Chea Sinh, le plus puissant contrebandier chinois à Phnom-Penh qui aurait dû faire à l’Etat la transaction d’une somme de 160 millions de riels, ne lui a en réalité payé que 25 millions de riels, après que la presse fût étranglée. Entre temps le trafic illégal et la contrebande battent leur plein dans les provinces de Bttambang, de Kompong Cham, Kompong Chhnang, de Kampot. L’activité d’un officier, Kong So Mong Kol, appartenant à la 13e B.I. trafiquant d’armes a même été découverte par l’autorité militaire, mais l’affaire a vite été étouffée. C’est une véritable hémorragie interne dans un pays en guerre. Elle n’aurait pas pris une telle proportion, si la presse avait été là, vigilante, active, parfois injuste, mais pourtant saine.

(Suite dans le prochain numéro L2).
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11 octobre 2009 7 11 /10 /octobre /2009 14:14
Un Royaume pour trois Rois ou la guerre civile : Srey Reachea (1433-1485), Srey Soryautey (1471-1485) et Thomma Reachea (1482-1504).

1. Preah Serey Reachea (1433-1485) :

Preah Srey Reachea prit la succession de son demi-frère, Preah Noray Reachea (1427-1433) en 1433, à l’âge de 30 ans. Son nom de sacre était Samdech Preah Angkir Preah Serey Reachea Thipadey Thommeak Varaudam Moha ChakKrapâth Reachea Preah Boromneat Moha Borpith.Le Roi célébra les funérailles de son demi-frère pendant 7 jour, conformément aux us et coutumes des rois khmers.

Après 20 ans de règne, en 1453, ayant appris qu’il y a les troubles politiques au Siam, il convoqua, tous les membres de la Cours, les dignitaires et les généraux pour leur dire à peu près ceci :

« Jadis, Ayudyā (Invincible, nom de l’ancienne capitale Siamois) avait envahi deux fois notre pays, enlevé beaucoup notre population. Nokor Kampuchea d’aujourd’hui est en paix et prospère, quant à la situation du Siam, elle connaît des troubles politiques, parce que le général Khoun Vorak Vongsa a emparé le pouvoir royal, tué son roi, Yathva. Ce dont, a déclanché les désordres dans ce pays. Comment faire alors pour profiter de cette situation ? ».

Sans laisser le temps aux dignitaires civils de réfléchir sur la question royale, le général en chef répondit au roi :

« Pendant le siège de Norkor Thom, nos armées s’étaient dispersées partout dans le Royaume, et à cause de la distance trop éloignée, elles n’ont pas eu la possibilité de venir en aide en temps et en heure l’armée chargée de défense la cité. Aujourd’hui, le moment est propice aux grandes entreprises, faire une campagne militaire de recouvrement toutes les provinces conquises par ce malheur pays. Notre pays est riche et prospère. Cette situation nous permet de lever des milliers d’hommes pour envahir le Siam. Le corps des officiers d’aujourd’hui est prêt à se battre et mourir pour Votre Majesté. Votre royal désir aujourd’hui nous donne une occasion pour nous venger nos morts hier ».

Le représentant des généraux parlaient avec une conviction profonde qui fit taire les autres assistants. L’ambiance dans la salle du trône était pesante, mais rassurante pour le Roi. On sent que les généraux ont faim de vengeance. Le Roi se rangea finalement à cet avis.

Il ordonna ainsi au Premier Ministre Keo (Chao Vatulahăk, titre du premier ministre de l’époque) de lever une armée de 120.000 hommes et réquisitionner des éléphants, des chevaux, des chars et autres matériels qui sont utiles à l’armée. Le corps expéditionnaire était composé de quatre armées et deux régiments :

- Armée Royale, commandée par le roi en personne ;
- Armée d’avant garde, commandée par le Premier Ministre ;
- Armée du flanc droite, commandée par Ponhea Pen ;
- Armée du flanc gauche, commandée par Kralahom Peung ;
- Régiment d’appui et d’intendance, commandé par Ponhea Yomreach (dans le document, on ne connaît pas son nom) ;
- Régiment de réserve, commandé par Ponhea Vibolreach, qui avait pour mission de porter secours à qui dont il a besoin.

Pour partir à la conquête le Siam si loin de la capitale, le Roi Srey Reachea confia la garde de la capitale et la gestion des affaires courantes du Royaume à son demi-frère, Preah Tomma Reachea.

Lorsque la préparation de la campagne militaire fut achevée, le jour faste, le Roi monta sur le dos de son éléphant et ordonna au corps d’expéditionnaire à ruer sur la capitale siamois, Krong Tep (cité des anges) en passant par les provinces Pursat, Battambang, Norsarika, Preah Keo et Stung Bakrôn.

Dès son arrivée au Siam, il ordonna à l’armée d’avant-garde de livrer les combats contre les garnisons siamoises dans des différents endroits jusqu’à la province de Pachem (Ouest) (Moung Prachim d’aujourd’hui) avec succès. Le gouverneur fut capturé avec les membres de son administration.

Dans cet exploit, le général khmer ordonna à ses troupes d’enlever mille famille siamoise. Avant de poursuivre sa progression vers Krong Tep, Chao Vatulahăk Keo fit camper ses troupes à Pachem pour attendre la jonction de l’armée royale. Tout d’abord, il commença par procéder tranquillement et méthodiquement à l’installation générale de tout son monde.

Quelques jours plus tard, le Roi arriva à Pachem, à la tête du gros de son infanterie et de sa cavalerie. Au camp retranché, Keo ordonna qu’on amena le prisonnier, le gouverneur siamois, pour que le Roi le voir et lui poser quelques questions sur la situation politique et militaire de son pays. Celui-ci dit ceci :

«Il y a un certain temps, le général Khoun Vorak Vongsa, son épouse, Neang Sisodachan et son clan ont été chassés de trône et tués par les fidèles du roi défunt, Yathva. Les vainqueurs ont proclamé un des leurs roi du Siam. Son nom de sacre est Preah Chao Chakkrapâth. Le nouveau souverain a pu rétablir l’ordre dans le royaume. Le pays aujourd’hui se retrouve la paix et la prospérité ».

Le Roi eut le soupçon sur cette nouvelle. Pour en avoir le cœur net, il décida d’envoyer sur le champs ses espions à la capitale d’ennemis, afin de lui rapporter la vérité de ce pays. Puis, il commença à préparer avec les membres de son Etat-Major les plans du siège de la capitale siamoise. Puis, il ordonna à ses troupes d’attaquer les garnisons d’ennemis dans plusieurs provinces pour ouvrir une voie d’accès au Krong Tep. Une telle opération était l’affaire d’un général en chef, Chao Vatulahăk Keo, capable d’organiser le déploiement des troupes, logistique des vivres et du matériel. Le succès fut total pour l’armée khmère et elle fit beaucoup de prisonniers siamois.

Dans le document (l’histoire des rois khmers, 3ème tome, n° K53-3) déposé à la bibliothèque du palais royal dit ceci :

« Les espions du roi revinrent de la capitale avec les informations suivantes : Quatre généraux siamois, Khoun Pirethtep, Khoun Preah Intep, Meung Reachsdèha, Loung Siyâth, demeurant à Lantakpha, se sont rebellés contre le général Khoun Vorak Vongsa. Ils ont tué ce dernier avec tous les membres de sa famille, y compris sa belle-mère. Puis, le président de ce groupe militaire, ayant le sang royal, a été proclamé par ses compagnons, roi du Siam, dont le nom est Preah Chao Chakkrapâth Thireach.

Apprenant cette nouvelle, le Roi rassembla ses généraux pour leur dire ceci :

« Comme vous le savez, pour le moment, l’armée ennemie est en déroute partout où nous l’avons attaqué. Ce qui importe à l’heure présente, c’est de continuer à marcher sur Krong Tep. Qu’allez-vous penser ? dit le Roi. Mes paroles n’exprimaient que le sentiment sincère d’un général ».

Tous les généraux se rangèrent à l’avis du Roi. Une fois la décision avait été prise, le Roi ordonna à l’armée de se diriger vers Krong Tep.

Parlons du Samdech Chao Vatulahăk Keo, Commandant en Chef de l’armée de la Marine, il attaqua la province Royong (ancienne province khmère) par la mère avec succès. Le gouverneur siamois de cette province fut tué dans la bataille. La population accueillit l’armée khmère en libérateur. Ensuite, celui-ci poursuivit son chemin et déclencha une bataille de recouvrement, avec succès, d’une autre province khmère Chanthabori, en tuant le gouverneur, Commandant de région militaire siamoise, Ponhea Nam.

Après son exploit, Samdech khmer ordonna à son armée de camper dans cette contrée. Plusieurs familles siamois furent enlevées pendant cette bataille. Sans plus tarder, Chao Vatulahăk Keo écrivit un message à l’adresse de son roi, pour l’exhorter à suspendre la progression de ses troupes dans le territoire ennemi et établir un camp retranché et une administration khmère dans ces provinces libérées. Cette suggestion avait pour but de consolider la présence khmère dans cette région. La permission avait été acceptée par Srey Reachea, mais celui-ci donna une instruction précise à son général. Celle-ci disait ce qui suit :

« Si vous êtes informé de ma victoire sur Krong Tep, vous deviez faire immédiatement mouvement de votre armée pour occuper la région Sud du Siam et puis, vous m’informerez sur les résultats de cette opération ». (
Fin du récit du document K53-3).

Revenons au roi Srey Reachea, il donna l’ordre aux quatre corps de l’armée de se diriger vers Krong Tep. Son avant-garde poursuivit sa progression même pendant la nuit et se trouva en vue la cité des anges au petit matin. Chao Vatulahăk Keo, général en chef khmer, ordonna l’attaque.

L’assaut khmer surprit les fantassins ennemis en plein sommeil. Saisis de panique, ils ne songèrent qu’à trouver refuge dans la cité. Mais aux approches de la muraille, les soldats khmers se heurtèrent à un dispositifs fermement installé. L’abondance du parc de canons ennemis avait été mise en feu et brisa leur élan.

En vagues successives, les soldats khmers montèrent à l’assaut de la muraille siamoise. Mais à chaque assaut, ils furent repoussés par celle des adversaires. Il y avait beaucoup de morts dans les rangs des Khmers. En conséquence, pour rester hors de porter des veuglaires, le Roi Srey Reachea obligea de donner l’ordre à ses troupes de se replier à une distance de 200 send de la cité (1 send, l’unité de mesure khmère de l’époque, est égal environ 30 mètre).

Cependant, un détachement khmer de 500 soldats d’élite, commandé par Okgna Pen, arrivèrent à percer les lignes de défense siamoise, puis, ils avancèrent jusqu’à les murailles de la cité, furent prêts à grimper sur ce mur maudit. A peine les sapeurs eurent achevé leurs préparatifs que Okgna Pen cria fort, parce qu’il fut touché par une balle d’ennemis, il tomba et sa vie fut emportée immédiatement par le mort. Ces hommes sans chef, obligèrent de se battre en retraite en amenant avec eux le corps sans vie de leur héro.

Aux prises avec adversaires plus puissants, beaucoup des soldats périrent en fin compte sur le champ de bataille, le Roi Srey Reachea convoqua tous les chefs d’unités pour donner l’ordre de se replier sur Pachem. Dans cette retraite stratégique, l’armée khmère ne fut pas poursuivie par celle des siamois, parce que le Roi Chakkrapâth jugeait que la puissance d’ennemis restait toujours intact.

Parlons du pays Hang Vatey (Birmanie d’aujourd’hui). Le roi de ce pays leva une armée de 30.000 hommes, afin de venir attaquer la capitale siamoise, parce qu’il avait entendu comme le roi khmer qu’il y ait des troubles politiques dans ce pays. Arrivé juste à la frontière, le roi fut informé que le Siam fut déjà envahi par l’armée khmère, dont l’effectif était de 120 000 hommes et celle-ci avait enlevé plusieurs milliers de la population siamoise. ayant appris cela, il fit demi tour pour retourner dans sa capitale.

Revenons à la capitale khmère, Krong Chatomouk, le prince Srey Soryatey, le neveu du roi Srey Reachea, profitant l’absence du roi, il quitta la capitale avec ses partisans pour lever une armée contre ce dernier. Beaucoup de gouverneurs des provinces de l’Est du pays étaient ralliés au prince rebelle. Puis, il livra les combats avec succès contre les garnisons des provinces Kompong Siem, Steug Tran, Baray Cheûk Prey et une partie du nord.

Il faut noter que le prince Srey Soryautey n’avait jamais accepté la décision du Conseil de la Couronne : le choix de son oncle comme roi à sa place. Dans son entreprise, il revendiquait donc le trône. Pour émuler sa force avec celle de son oncle, un seul moyen, c’est de décrier au dernier, sa légitimité de roi.

Ayant Informé de cette rébellion, le prince Thomma Reachea, le demi-frère du roi, ordonna aux généraux d’établir les garnisons depuis la province Samrong Tork jusqu’à celle Teuk Kmao (territoire de la Cochinchine actuelle) afin de faire face à une éventualité d’attaque de son neveu. En ce qui concerne la partie du Koh Sla kèt jusqu’à Peam Mich, Prey Norkor, Lon Hor, Phar Dek, il nomma les gouverneurs par intérim pour remplacer les titulaires, qui étaient partis avec le roi au Siam, afin qu’ils organisent la défense de leur province.


Puis, il envoya une délégation à Pachem Bori pour informer le Roi la rébellion de Srey Soryautey. Le Roi avait fait un rêve, il y a quelques jours, dans lequel, il voyait son demi-frère, le roi défun, Noray Reachea, lui a coupé avec l’épée sacrée en trois morceaux. Les astrologues fut convoqués pour interpréter cette vision. Il y avait deux parties opposées dans la prévision des devins. Bon présage : le roi va gagner la guerre contre le Siam. Mauvais présage : le roi va avoir un conflit armée avec certains membres de la famille royale. Après avoir entendu les deux versions, il roi se faisait beaucoup de souci.

Cinq jours après, la nouvelle de la rébellion de son neveu était arrivée à Pachem Bori. Le porteur de message royal informa en outre le Souverain que plusieurs détachements du prince Srey Soryautey campèrent dans la province Cheuk Prey, dont la mission est de barrer la route de retour au pays de Sa Majesté le Roi.

Ayant appris cette nouvelle, le roi se mit en colère et ordonna aux généraux de lever le camps pour retourner au Kampuchea en amenant des milliers siamois avec l’armée. Arrivé à Battambang, le Roi ordonna au gouverneur de cette province de lever une armée de 5 000 hommes pour établir une garnison à Neang Rog pour défendre une éventualité attaque des Siamois.

Puis, il poursuivit son chemin jusqu’à Pursat où il rencontra un autre messager du prince Thomma Reachea pour lui assurer la solidité des dispositifs de défense, malgré la totalité des provinces de l’Ouest étaient occupées par le prince Srey Soryautey. En revanche, Thomma Reachea demanda à son frère d’aller attaquer l’armée de ce dernier à Kompong Siem. Le Roi était content de cette nouvelle. Il se dit :

« Après la victoire, je nommerai le prince Thomma Reachea, Moha Obparach (vice-roi) pour ses service rendus à la nation ». Le Roi laissa les prisonniers siamois à Pursat et ordonna au gouverneur de cette province de réquisitionner la population pour porter les vivres et suivre la marche de l’armée, puis il poursuivit son chemin jusqu’à la province Kiri Bârribo (Bârribo actuel) où il ordonna à l’armée d’avant-garde de traverser le fleuve en premier pour camper à l’Est de l’autre côté de la rive. Cette manœuvre avait pour objectif de dilater la zone de sécurité pendant la traversée du fleuve tous les unités de l’armée.

Une fois l’armée du Roi se trouva en face de celle de son neveu, le Roi fit s’écrier en premier l’ordre de bataille. Au signal, les soldats du Roi se lancèrent à l’assaut, frappant, luttant avec acharnement, dont le péril était mortel pour les soldats de Srey Soryautey. Devant les adversaires déterminés, les soldats du prince, se battirent de plus en plus en défensive qu’en offensive, mais sans avoir perdu l’espoir de repousser les assaillants.

Mais la violence des assauts, répétés pendant plusieurs mois, par les fantassins de son Auguste oncle, mettait le prince Srey Soryautey dans le doute de l’efficacité de son armée et se rendit compte que l’armée du roi était beaucoup plus forte que la sienne. La situation s’avérait réellement critique, malgré la prouesse de ses soldats. Il pensa que le repli stratégique de son armée de la région du Nord s’imposait à lui. Au mois de février, l’année du porc, le prince Srey Soryautey décida d’abandonner sa position pour venir établir un camp retranché à Basane.

Le repli de son neveu, permettait au Roi de libérer, en effet, toutes les provinces du Nord, mais cette victoire n’infléchit en rien le cours de la guerre. Cette année-là, la population voyait dans le ciel, une étoile avec une longueur de la queue de 15 bras (comète) orientée vers le sud. L’apparition de la comète dans le ciel, selon la superstition khmère, est un mauvais présage pour la paix du pays. La guerre s’éclatera là où la queue de l’étoile s’oriente.

Retournons maintenant auprès du roi Srey Reachea. Il jura d’anéantir l’armée du traître. Il ordonna, en effet, à son général, Chao Ponhea Moha Reach Sénapadey de continuer à harceler l’armée rebelle. Alors, celui-ci rassembla sa troupe, franchit le fleuve, s’en alla établir un avant poste de défense dans la ville de Chlauk.

Lorsqu’il se présenta avec sa troupe à la porte de cette ville, il fut attaqué immédiatement par celle du prince Srey Soryautey en tuant un grand nombre de ses soldats. Chao Ponhea Moha Reach se battit en retrait, mais il fut poursuivi par les soldats ennemis. Il fallait relancer plusieurs contre-attaque par les soldats d’élite de sa troupe pour qu’il ait pu dégager la poursuite d’ennemis. Puis, il vint informer son Roi du désastre de sa mission. Celui-ci était fort mécontent de la défaite de son général, et ordonna derechef à un autre, Ponhea Kralahom de livrer les combats à plusieurs reprises contre les troupes de son neveu, mais sans avoir remporté une victoire décisive.

La guerre de position perdura pendant plusieurs mois, sans que l’on parvînt à savoir de quel camp penchait la balance. Comme il n’y avait ni vainqueur ni vaincu dans les deux camps, le prince Srey Soryautey chercha avec ses généraux à utiliser l’arme psychologique.

Ayant appris qu’un plus grand nombre de soldats, servis dans les rangs du Roi, étaient originaires de la zone de l’Ouest, laquelle était sous son contrôle, Srey Soryautey n’hésita pas à en profiter pour déstabiliser l’adversaire. Ainsi, il donna l’ordre à ses gouverneurs de punir la famille dont un des membres était dans le camp adverse. Cette nouvelle parvint aux soldats du Roi et provoqua la désertion d’un certain nombre des soldats qui avaient la famille à l’Ouest.

En 1465, pendant la saison des pluies, le Roi décida de retourner à la capitale en laissant une partie de l’armée pour occuper les provinces Kampong Siem, Cheûk Prey. Parlons du prince Thomma Reachea. Il réfléchit ceci :

« la guerre d’aujourd’hui sera longue. Je ne peut ni compter sur mon frère, ni sur mon neveu, parce qu’ils sont en situation querelleuse. Le Roi pourrait, en effet, m’accuser d’incompétent dans la mission royale de garder le Royaume en état de paix, puis, il me traduira devant le Conseil de guerre pour me condamnera à mort. Dorénavant, il est nécessaire de penser à moi, parce que ma vie cette fois-ci est en danger dans cette querelle sanglante sans issue. En outre, si le Roi revenait habiter dans la capitale, il remènera bientôt la guerre, la famine et la désolation. La seule solution, c’est de l’empêcher, par la force ou par la ruse ».

A dater de ce jour, la résolution de Thomma Reachea fut prise. Il rassembla le groupe habituel de ses Montrey fidèles et tint une conférence sur les mesures à prendre contre le retour de son frère dans la capitale. Après avoir entendu les propos du prince, ces derniers lui répondirent :

« Figurez-vous que se sont justement, à nous aussi, nos intentions réelles et nos projet, mais nous n’oserons pas de vous en parler, par craindre d’être accusés de traîtres. Nous sommes prêts à vous soutenir dans votre entreprise et à mourir en combattant à votre côté ».

Après avoir entendu cette déclaration, Thomma Reachea était ému. La joie et l’appréhension furent envahis dans son esprit. Conscient de cet enjeu, il remercia ses lieutenants en leur demandant d’aller enrouler la population des provinces de l’Ouest et du Sud pour former une armée du milieu.

Ensuite, il fallait avoir le courage de rompre les relations de subordination avec le Maître sur terre, son Auguste frère. La solution consistait à lui envoyer la reine, son apanage royal, toutes les filles d’harem et les serviteurs. En revanche, la quintessence d’objets royaux, il les garda dans la capitale pour gage.

Dans ses plans de défendre la capitale, le prince Thomma Rech, ordonna aux généraux d’établir un quartier général de l’armée à Oudon et à partir de là, il donna à son armée d’attaquer plusieurs positions de l’armée du prince Srey Soryautey : à Chhon Steug Krin Pounleu, à Ksach Kandal, Lovir Em. Il ordonna aux généraux d’établir plusieurs garnisons aux confins des régions de l’est et du Sud pour empêcher la pénétration des deux armées. Il créa plusieurs centres d’entraînement des troupes dans la capitale pour entraîner les nouveaux recrus. Il fit construire des magasins pour stocker les vivres et les matériels de guerre.

Arrivés à Kiri Bârribo, les Montrey du Palais demandèrent l’audience au Roi pour lui apporter la lettre de son frère. Dans la salle d’audience, à la vue du souverain, la reine et les dames du palais se mirent à pleurer et gémir en racontant leurs vies dans la capitale pendant l’absence du Roi. Après avoir échangé quelques mots avec la reine et ces dames, le roi demanda qu’on lui apportait la lettre de son frère. Il rompit le cachet et la lut avec attention. Celle-ci disait en bref ce qui suit :

"Le Prince Thomma Reachea aux rapports.
Sa Majesté, le Roi du Norkor Kampuchea Thipaday,
Depuis le jour où Votre Majesté a quitté la capitale pour conquérir le Siam et j’eus alors l’honneur d’assurer les affaires courantes du Royaume, je n’ai pas eu l’occasion de pouvoir vous rendre mes devoir. Il y a quelques temps, j’ai appris qu’hélas Votre Majesté est pâti de fatigue à cause d’une longue campagne militaire. C’est pour cette raison, j’ai sollicité la reine et les dames du palais de vous rejoindre pour apaiser votre fatigue endurée.

En ce qui concerne les affaires militaires, Je souhaite, Votre Majesté, que vous portiez d’abord vos pensée sur la situation militaire si pressant qui règne à la capitale, et que votre présence dans cette cité, attire davantage l’attaque de l’armée de notre neveu".

En conséquence, je vous prie respectueusement de bien vouloir écarter vos troupes du Krong Chatoumuk, pour aller parer aux dangers qui menacent le reste du Royaume. Quant aux provinces du Sud, elles sont désormais sous mon contrôle. Que Votre Majesté daigne seulement se soucier de conserver en parfaite santé, afin de pouvoir bientôt prendre soin à nouveau du bouddhisme.
Je suis, avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté, le très humble et très obéissant serviteur. Si cela ne vous convient pas, je vous prie de bien vouloir m’en excuser.

Dès d’abord, le Roi fut surpris par le contenu de la lettre et sa première réaction fut une bordée d’injures à l’adresse de son frère, puis ordonna immédiatement aux généraux de ruer vers la capitale pour décapiter le nouveau traître. Les membres du Conseil de guerre donnèrent leurs avis ceci :

« Ouvrir un nouveau front est une entreprise très risquer car, si les deux princes fondaient leurs deux armées en une seule pour nous attaquer, comment pouvons-nous la résister ? Nous craindrions qu’il ne soit bien imprudent de notre part d’entrer en guerre, contre le prince votre frère, de façon si inconsidérée. Accepter une humiliation tactique sera une victoires stratégique de demain ». Après avoir entendu cet avis, le Roi le jugea juste et il revint sur sa décision.

Cependant, il ordonna aux généraux de renforcer les garnisons dans les provinces sous son contrôle : Long Vek, Rolear Phirk, Kiri Barobo, Krarkor, Kraug, Pursat, Battambang, Reusey Sagne, Tèm Seyma, Mongkol Borey, Reyong, Sorin, Sèk Kir, Kompong Siem, Steug Treng, Cheuk Prey, Kauk çès, Anglong Reach, Prom Tep, Prey Kdey, Staug, Chi Krey, Rolos, Siem Reap, Mlou Prey, Chham Ksan, Tnauth, Teuk Chhūr jusqu’à la frontière siamoise, c’est-à-dire toutes les provinces l’Ouest du Mékong. Tous les provinces du Sud-Est du Mékong et une grande partie de la Cochinchine étaient sous le contrôle de son frère.
(Suite dans le prochain numéro 11)
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10 octobre 2009 6 10 /10 /octobre /2009 15:08
Propos sur la monarchie khmère : Les règles de succession au trône.

Jean IMBERT, ancien Doyen de la faculté de droit et des Sciences Economiques de Phnom-Penh, a écrit en 1961 dans son livre « Histoire des institutions khmères » : « En l’absence de textes constitutionnels précis fixant les règles de succession au trône, nous sommes obligés de considérer quelles furent les pratiques habituelles, pour tirer une règle générale. Malheureusement, l’interprétation des pratiques successorales pendant toute notre période suscite des difficultés et a donné lieu à deux thèses qui paraissent de prime abord absolument opposées ».

Thèse de Madame Porée-Maspéro :

Le droit au trône se transmet par les femmes : « Ce principe explique pourquoi tant de rois du Cambodge étaient frère, neveu, genre ou beau-frère de leur prédécesseur, et une meilleure connaissance nous monterait que, dans le cas où un fils aurait succédé à son père, c’est qu’ils tenaient tous deux leurs droits de la même femme, épouse et mère ».

Thèse de Monsieur G.Coedès :

M. Coedès critique vigoureusement la thèse de Madame Porée-Maspéro et affirme que « dans plus de la moitié des cas, la succession peut-être considérée comme satisfaisant à la règle de succession masculine par ordre de primogéniture ». Il explique : « En face de 14 cas de succession en ligne masculine, on a 8 cas de types fort différents les uns des autres, qui n’ont de commun que le rôle de la filiation en ligne féminine. Et, sur ces 8 rois, 5 ont obtenu le pouvoir royal, soit dans des circonstances troubles, soit de façon violente, ce qui semble indiquer que leur filiation ne leur conférait pas de droits incontestables ».

La monarchie élective ?

Jean IMBERT a signalé en outre dans son livre qu’à partir du XVe siècle se répand une coutume qui jouera par la suite un rôle primordial dans les règles de succession au trône. Profitant sans doute de l’affaiblissement du pouvoir royal consécutif aux invasions siamoises, les ministres du royaume vont intervenir dans la désignation du souverain. Trois cas à noter :

« En l’an 1401, les ministres écartent Barommo-Soccarach, fils du roi défunt, pour mettre à sa place son cousin Srey-Soriyovong, fils d’un précédent roi, auquel succède Samdech Chao Ponhea dont l’identification est incertaine.

En 1477, en 1505, c’est encore sur l’intervention et par l’élection des ministres que le descendant légitime sera écarté au profit d’un autre membre de la famille ».

Note : Document de la pagode Kompong Tralach Krom (KTK): Barommo-Soccarach (Borom Rama dans KTK), fils du roi défunt Lompong Reachea. Srey Soriyovong, (Preah Soryauvong dans KTK). Celui-ci avait libéré le pays de l’occupation siamoise. Il se proclama Roi pendant la guerre de libération et après la victoire, il fut à nouveau proclamé Roi par le Conseil de la Couronne. Son ascension au trône fut dans une circonstance trouble (thèse de M.G.Coedès). (Je renvoie les lecteurs à mes trois articles n° 3 et n°5 sur l’histoire des Rois Khmers et la monarchie ancienne khmère).

Ces cas, qui semble avoir l’exception aux règles de succession au trône, serviront cependant à justifier la règle postérieure d’un véritable droit au trône, droit qui n’est jamais établi de façon certaine.

Profitant de l’absence de textes précis fixant les règles de succession au trône, en 1906, le protectorat français procéda, après la mort du roi Norodom, à l’élection par le Grand Conseil du prince Sisowath, frère du roi défunt, pour empêcher le prince Yukanthor, héritier présomptif à la couronne, de prendre la succession de son père. Cette pratique avait la raison suivante : « Le prince Yukanthor avait osé venir en France pour se plaindre du colonisateur et cette protestation aurait révélé certains procédés abusifs de l’Administration coloniale française et certains fonctionnaires khmers au service du protectorat, tels que Oum et Thiuoun. Il est intéressant de citer les doléances du prince Yukanthor dans son mémoire adressé à Monsieur le Président du Conseil des Ministres et aux membres du gouvernement de la République française :

Cas de Oum :

« …Et aujourd’hui S.M. mon père et moi, nous sommes traités en ennemis par les représentants de la France. Et leur appui politique, ces représentants le cherchent auprès de lâches comme Oum ! de lâches qui sont en même temps des voleurs… ». « …Voilà ce que produit la puissance que votre administration directe, sans le Roi, contre le Roi, donne à des gens comme Oum, augmentation des impôts, augmentation des corvées, diminution de la sécurité, vexations de toutes sortes… ».

Cas de Thioun (alors l’interprète de la Résident supérieur) :

« …Ce métis (Vietnamien), appointé à quelques centaines de dollars, a gagné en quelques années une fortune qui lui permet de posséder au grand soleil pour plus de cent mille francs d’immeubles. Il a son tant pour cent sur toutes les opérations de Oum… et d’autres ».

En 1941, en raison de la préservation de sa puissance coloniale au Cambodge après sa défaite dans la guerre contre l’Allemagne hitlérienne, la France de Vichy, avaient utilisé de servir pour la deuxième fois les règles de succession sans textes pour écarter du trône le prince héritier, Sisowath Monireth, fils du roi défunt Monivong, pour mettre à sa place un jeune prince âgé de 19 ans, Norodom Sihanouk, né de la conjonction de sang de la branche de Norodom et celle de Sisowath. Cette alliance de sang était servi par la France comme argument pour justifier sans doute son choix. Mais la réalité est autrement : le prince Monireth était à l’époque plus mûr, instruit, réfléchi et savait peut-être profiter de l’affaiblissement de la France pour revendiquer l’indépendance pour son pays. En effet, l’élection de Sihanouk comme roi par le Conseil de la couronne, le 23 avril 1941 et couronné le 28 Octobre de la même année n’était que le diktat de l’autorité coloniale aux membres du Conseil de la couronne.

Le retour de la France au Cambodge en 1946 avec sa nouvelle doctrine coloniale (doctrine fondée, sur le principe d’association au lieu d’exploitation exprimée et d’assimilation politique et administrative pratiquée dans le Continent d’Afrique noire) avait obligé le Roi Sihanouk à octroyer le 6 Mai 1947 une Constitution au peuple khmer. Les articles 26 et 27 de cette constitution nous montrent bien que la France, en tant qu’État associé au royaume du Cambodge était très prudente en matière de règles de succession au trône, car elle reconnaît explicitement le droit légitime du roi khmer de désigner son héritier à la couronne. L’élection interviendra au cas où il y aurait absence de désignation d’un prince héritier par le souverain défunt. Voici les textes :

La constitution du 6 Mai 1947 (Titre IV – du Roi) :

Article 26 : Le Roi a le pouvoir, après réunion du Conseil de la couronne, de désigner un héritier au Trône ainsi que d’annuler cette désignation.

Article 27 : Au cas, où, alors d’une vacance du Trône, un héritier n’aurait pas ainsi été désigné par le ROI, la désignation du nouveau Souverain est effectuée par le Conseil de la Couronne à la majorité des voix, celle du Président étant prépondérante en cas de partage.

Article 28 : Le Conseil de la Couronne comprend : le Président du Conseil de la famille Royale, le Président du conseil des Ministres, le Président de l’Assemblée Nationale, le Président du Conseil du Royaume, les deux Chefs des sectes religieuses, le Président de la Haute Cour de Justice. La présidence de ce Conseil est confiée au Président du Conseil de la famille Royale.

Article 29 : La majorité du Roi est fixée à 18 ans. Si le Roi est mineur ou dans l’incapacité d’exercer ses prérogatives, celle-ci sera exercées par un Régent.

La constitution de 1993, laquelle est vue comme une perfection et une grande victoire pour les monarchistes, ramène en réalité la monarchie khmère à état insignifiant qu’elle n’a jamais connu dans son histoire et par rapport aux autres monarchies constitutionnelles existant actuellement dans le monde. Les articles 10 à 13 relatifs aux règles de succession révèlent bien cet état :

« La royauté est élective.
Le Roi n’a pas le pouvoir de désigner son successeur parmi les membres de sa famille. Dans un délai de 7 jours au plus, le nouveau Roi est élu par le Conseil du Trône. La Roi est choisi dans la famille royale, parmi les descendants du Roi Ang Duong, Norodom ou Sisowath. La majorité du Roi est fixée à 30 ans.
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6 octobre 2009 2 06 /10 /octobre /2009 16:54
Règne de Preah Noray Reachea (1427--1433).

En 1427, l’année de serpent, Preah Noray Rechea prit la succession de son père à l’âge de 33 ans. Son nom de sacre était « Preah Bat Samdech Preah Angkir Preah Noray Reachea Rama Thipaday Preah Srey Soryaupor Thomeuk Moha Reachea ». Il célébra les funérailles de son père en conformité aux us et coutumes des rois khmers.

Un beau jour, le Roi s’était rendu visite à la reine-mère. Au cours de son chemin, il avait aperçu le chantier de la Grand’mère Penh où il y avait de milliers de personnes qui transportaient les terres pour édifier une colline. Par curiosité, le Roi posa la question aux membres de sa suite, le pourquoi, il y a autant de personnes là-bas. Le chef de sécurité lui répondit : Dans cette contrée, il y a une Grand’mère, Penh, qui possède la statuette de Bouddha à quatre visages. Elle voulait élever un grand stupa au sommet d’une colline pour abriter sa statuette, mais comme à Kos Reusey, il n’y a ni colline, ni terrain élevé, elle décida d’édifier une colline artificielle en faisant appel aux volontaires vivant dans les villages à la ronde. Comme Votre Majesté peut le constater, il y a de milliers de gens qui viennent aider Grand’mère Penh ». Aussitôt qu’il apprit cette nouvelle, le Roi se dit : « Grand’mère Penh est sans doute une dame exceptionnelle, destinée prodigieuse, c’est pourquoi, elle veut faire une bonne action pour la prospérité du Bouddhisme. En tant que Roi, je dois absolument y contribuer à cette entreprise ».

Le lendemain matin, le Roi avait mobilisé les membres de sa Cour et tous les dignitaires du Palais pour venir en aide à la Grand’mère Penh. Cette participation royale se répandit partout dans le pays, qui attira tout le peuple des campagnes et les Montrey du Royaume pour venir élever la colline avec le souverain. Une fois l’édifice fut terminé, le Roi fit construire une pagode au sommet de cette colline. Pour éviter qu’on vole la statuette de la Grand’mère Penh, le Roi ordonna au chef menuisier du palais de couper un tronc d’arbre Koki en deux morceaux, un pour sculpter à l’identique la statuette de la Grand’mère et l’autre morceau pour construire un stupa afin de déposer la copie en bois de la statuette et la relique du Bouddha ? Quant à la vraie statuette, le Roi la confia au moine supérieur de cette nouvelle pagode en lui donnant une consigne précise de bien la garder car, cet objet est précieux pour le pays et le Bouddhisme, et en cas de guerre, il faut immédiatement penser à l’enterrer dans un lieu sûr pour éviter qu’on la vole. Le Roi donna le nom de la pagode, Phnom-Penh pour immortaliser la bonne action de la Grand’mère Penh. Cette colline est le Vat Phnom d’aujourd’hui.

En 1432, l’année du Rat, le Roi fit construire un autre stupa au pied de la colline pour déposer les cendres de son père, le roi défunt Ponhea Yat (1384-1427). Une cérémonie de sept jours était célébrée conformément à la religion bouddhique. Pendant le règne de Preah Noray Reachea, le pays était en paix. Le Roi avait un fils, Preah Soryautay. Ce prince portait le même nom que celui du vice-roi Soryautey, frère du roi défunt Lompong Reachea (1346-1351). Après 6 ans de règne, à l’âge de 39 ans, Preah Noray Reachea mourut de maladie. Le Conseil de la Couronne fit monter sur trône khmer, son demi-frère, Preah Serey Reachea.


Note de M.Eng Soth (Historien et Chercheur, membre de la Commission de l’Histoire et de la Culture khmère). M. Eng Soth était juge de la cour de cassation au Cambodge : Selon le document déposé à la pagode Kompong Tralach Krom : « Les noms de rois khmers sont gravés souvent sur les stèles dont la période de règne est incohérente par rapport au calendrier chrétien ». M. Eng Soth, suggère aux historiens khmers de la génération suivante de travailler pour y mettre un peu d’ordre pour la compréhension des lecteurs.


Commentaire :

Au Cambodge, dans le temps reculé, on utilisait beaucoup de calendriers : ère Bouddhique, Grande ère et Petite ère. Par exemple, 1433 de l'ère chrétienne, soit 1977 de l'ère bouddhique, 1355 de Grande ère et 795 de Petite ère.

Si on prend le règne de Ta Trasak Peam ou Ang Chay, selon le document de la pagode Kompong Tralach Krom, la date du couronnement du roi Ang Chay fut 998. En revanche, dans le document déposé à la bibliothèque royale (tome 2, n° 53, page 68), ce roi monta sur le trône le 11 mars 1290. L’écart est de 292 ans, presque trois siècles. Pour cette raison, beaucoup des chercheurs français travaillant pour l’Ecole Française d’Extrême-Orient considèrent l’histoire des rois khmers de Ta Trasak Peam jusqu’à la fin du règne de Sotheanreach comme une légende.

Il faut noter que les textes en khmer dans le document la pagode Kompong Tralach Krom, sont écrits dans un style oral/écrit, c’est-à-dire une expression populaire ancestrale. On les écrit pour être dits, transmis de bouche en bouche. On le sait que les Rois de la chronique sont moins intéressés par les chercheurs français, parce qu’ils sont moins visibles que les rois d’Angkor. Et pourtant, il y a autant des textes sur pierre ou en feuille de latanier qui jalonne la période post angkorienne.

Et quand on lit l’histoire des rois khmers, après le XIIIe siècle, on s’aperçoit qu’il y a autant d’enseignements pour les Khmers contemporains. Peut-être, faute de temps, les chercheurs français n’auraient pas la possibilité d’étudier entièrement l’histoire du Cambodge. Il serait facile dans cette condition de résumer que l’histoire des rois de la chronique n’est qu’une légende. Néanmoins, ils reconnaissaient qu’à partir du règne du roi Lompong Reachea (1346-1351), la chronique des rois khmers commence à avoir une allure de l’histoire.

De nos jours, dans l’esprit des Khmers instruits, ils font établir une frontière entre deux périodes de l’histoire de leur pays et de faire correspondre à l’une et à l’autre des valeurs différentes : Après la période d’Angkor, l’histoire d’origine, celles qu’en khmer on désigne par les mots Doem Kamnoet, « Souche - naissance », est un amalgame entre la légende, les contes et les faits historiques, elle aurait donc moins de valeur historique que celle étudiée et publiée par les experts de l’Ecole Française d’Extrême-Orient.

Et pourtant, quand on lit les manuscrits des « histoires d’origine », on constate que les textes en khmer sont bien étudiés mot à mot dans son langage très imagé qui s’adresse à toutes les couches sociales : hommes, femmes, enfants, religieux, officiels, laïcs, peuple et masse.

Dans les récits historiques khmers, le monde réel et le monde surnaturel s’inscrivent dans un espace sans frontières, dont le sens peut prêter à équivoque dans l’esprit des savants. Mais, ce mélange fait partie intégrante de la culture khmère. Par conséquent, il fallait mieux s’associer l’étude de l’histoire d’origine avec celle de la culture khmère. Ainsi, dans l’esprit du peuple et masse, l’existence de l’histoire des rois de la chronique ne constitue aucun objet de doute. La Commission de l’Histoire et de la Culture khmère affirme de son côté que les récits des règnes des rois Ta Trasak Peam jusqu’à Sotheanreach a sans aucun doute une valeur historique, mais ce n’est pas une histoire comme Science Humaine, ils traduisent seulement les faits et les sentiments de la population.

Il est certain que les « historiens d’origine » auraient bien noter les dates précises dans leurs récits. C’étaient plutôt des conteurs d’histoire, depuis plusieurs siècles, qui racontaient ces faits sans donner aucune importance à la date. Il faut bien noter que la temporelle n’était pas dans la culture des Khmers du Cambodge ancien. Et pour mettre en phase avec le calendrier chrétien, l’historien, qui écrit le document Kompong Tralach Krom, auraient pu jouer sur le facteur d’âge des rois, Ta Trasak Peam jusqu’à Sotheanreach, sept règnes. Ainsi on peut constater que les rois Ang Chay et Ang Sour vivaient plus de cent ans.

Il est temps pour les historiens khmers de la nouvelle génération, comme le souhait de M. Eng Soth, de travailler pour offrir un nouveau cadre à l’histoire du Cambodge.
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3 octobre 2009 6 03 /10 /octobre /2009 08:45
La monarchie ancienne khmère.

I. Le corps, l’esprit de la monarchie ancienne khmère :

M. J. BOISSELIER (archéologue) a créé un cadre historique khmer qui nous donne un aperçu d’ensemble des périodes historiques cambodgiennes. Il est classé en quatre périodes :

- La période préhistorique et protohistorique ; la période founanaise ou première période historique qui débute avec l’apparition des premiers témoignages sur l’indianisation du pays (Ie siècle). Elle s’achève avec le règne de Kaudinya-Jayavarman (478-514), avant dernier roi Fou-Nan (le Fou-Nan : le royaume, de vocation agricole et maritime, semble avoir exercé son hégémonie sur une grande partie de la Péninsule de l’Asie Sud-Est).

- La période pré-angkorienne qui début par le règne de Kaudinya-Jayavarman et s’achève avec le règne de Jayavarman II (802--850), promoteur de la royauté angkorienne (selon les annalistes chinois, un royaume vassale, le Tchen-La, d’origine septentrionale et de vocation continentale, se libère (fin VIe à VIIe siècle) de la suzeraineté du Fou-Nan qu’il l’absorbe en même temps et étend son autorité sur les autres feudataires. Le manque de cohésion, les rivalités amènent, dès le début du VIIIe siècle, une sécession en Tchen-La de terre et Tchen-La d’eau dont le caractère anarchique favorisera les desseins de Jayavarman II).

- La période angkorienne. Elle commence avec le règne de Jayavarman II. L’œuvre de réunification et de centralisation ne sera réalisée que par son second successeur Indravarman 1er et parachève par le fils de ce dernier, Yasovarman 1er ; fondateur d’Angkor (Yasodharapura), dernières années du IXe siècle. L’abandon d’Angkor en tant que capitale (1431 AD), sous la pression siamois, marque la fin de cette période de grandeur ininterrompue (au moins jusqu’à la fin du XIIIe siècle).

- La période post-angkorienne. Elle prolonge jusqu’à nos jours. Cette période est caractérisée par l’adoption définitive du Bouddhisme Theravada (Sources : Asie du Sud-Est Tome I : le Cambodge par J. BOISSELIER sous la direction de G.COEDES – Edition A.J. PICARD et Cie).

A. Le corps ou la structure de la monarchie khmère.

Nous trouvons dans l’ancien Cambodge deux dynasties, lunaire et solaire. Aux évènements rapportés par les auteurs chinois correspond une tradition, selon laquelle la dynastie lunaire était issue de l’union d’un Brahmane Kaundinya et d’un Neak (Nâgî), appelée Somâ, fille du Neak Reach (Roi du dragon). La seconde dynastie (solaire) descend du couple Kambu-Mérâ. Vers 550, les rois de Tchen-La, appartenant à la dynastie solaire (Kambu-Mérâ), se libéraient de la domination du Fou- Nan et l’annexèrent au VIIe siècle. Pour créer un lien entre les deux dynasties, les rois de Tchen-La revinrent à la légende dynastique lunaire (Kaundinya-Somâ). Un texte épigraphique du Xe siècle évoque l’union de la race solaire de Kambu avec la race lunaire, dont l’une avait pour totem le serpent et l’autre, l’oiseau mystique, Krouth (Garuda).

Ces légendes indiennes mêlées d’éléments autochtones n’appartenaient pas au seul du Royaume de Fou-Nan. On les racontait à peu près la même chose dans l’ancien royaume du Champa, ceux de Java et de Logor. Dans tous les royaumes fleurissaient des civilisations apparentées, mais nettement différenciées.

La monarchie khmère est un système politique ou une organisation de pouvoir. Elle est tantôt exaltée, portée aux nues, sanctifiée. Elle est tantôt regardée comme mauvaise par nature. Sa déification ou son exécration s’exprime à travers une multitude d’actions des rois. En tant que système politique, elle possède une structure.

À partir du XIVe siècle en Occident, juriste et théoriciens de la politique conçoivent le royaume par analogie avec le corps humain comme un corps politique, comme un corps mystique. Le Roi et ses grands officiers recouvrent eux-mêmes à cette métaphore organique. Le concept correspond à ce que tous pensent être « structure du royaume ». La substance de celui-ci est faite de l’ensemble diversifié des sujets et leurs activités différenciées ; mais elle est ordonnée par une forme, l’autorité royale, qui dirige et coordonne la vie du corps politique. Le Roi est ainsi le cœur, la tête ou l’esprit, en vue d’une finalité, celle de l’ordre du royaume. La théorie khmère des sept éléments constitutifs de l’État ou de la structure du Royaume.

Au Cambodge, les auteurs des inscriptions sanscrites se réfèrent souvent à une célèbre théorie hindoue (elle était connue au Cambodge dès l’époque préangkorienne (IIIe au VIIe siècle), d’après laquelle l’État ou la structure du Royaume est constitué de 7 éléments : le Chef de l’État ou Roi (Svâmin), les officiers (Amâtya), la population et le territoire (Janapada), la ville fortifiée (Durga), le trésor (Koça), l’armée (Danda), l’allié (Mitra). (Source : Sachchidanand SAHAI : les institutions politiques et l’organisation administrative du Cambodge ancien Vie-XIIIe siècles).

Malgré leurs divergences d’opinion sur l’importance relative de chacun des 7 éléments, les traités indiens accordent la première place au roi comme en Occident. De même, les auteurs khmers considèrent le roi comme l’élément principal.

Les titres royaux :

Le nom de sacre, terminé en Varman, est précédé par les titres propres à la dignité royale. Dès l’époque préangkorienne, l’usage protocolaire est d’ajouter le terme Dava au nom du roi. À l’époque angkorienne, il est appelé Kambujabhûmideva. Cependant, ce terme « Deva » n’est pas réservé exclusivement au roi ; les Moha Montrey (grands dignitaires ou fonctionnaires) et les Brâhmanes y ont également droit. Quant aux titres en langue khmère, nous constatons une évolution sensible de l’époque préangkorienne à celle d’Angkor.

Dans la première période, le titre de Vrah Kamratân Aň est indifféremment décerné au roi, aux Brâhmanes, et aux divinités. Le roi ne semble pas avoir, à cette époque, un titre qui puisse le distinguer des Moha Montrey et des divinités (une inscription préangkorienne emploi le titre Vrah Kamratân Aň (Kamradeng ou Kamratân = le puissant) pour Bhavavarman 1er (fin du VI e siècle), Mahendravarman (600-615) et Içâvarman (616-635).

À l’époque moderne, le terme Kamratân est utilisé dans deux expressions : Kamratân Krala (le seigneur de la maison) et Kamratân Krom (le seigneur de la surface inférieur (le roi). Le titre de Preah Bayda (Vrah pâda) est apparu seulement à l’époque angkorienne. Yaçovarman 1er (889-900), au début de son règne de son règne prtait encore le titre Dhûli Jen Kamratân Aň. Semble-t-il, que l’expression Dhûli Vrah Pâda s’ajoute un peu plus tard au nom du roi. Grâce à l’expression Preah Bayda, le titre royal se distingue de celui des Moha Montrey, des Brâhmanes et des divinités. Très rarement, le roi est qualifié de Preah Karunâ ou de Paramavitra. Ce titre est employé seulement à notre époque moderne. La titulature de Sûryavarman 1er (vers 1001-1049) est marquée par l’emploi fréquent du titre Kamratân dénotant une descendance en ligne maternelle.

Les titres de la famille Royale :

- Obhayoreach, le roi qui abdique ;
- Oparach, qui est soit le frère cadet du roi, soit un prince ;
- Preah Voreachini ou Preah Tévi, la reine ou reine-mère ;
- Preah Kêvea, qui peut être soit le fils cadet, soit le fils aîné ou encore le genre du roi ;
- Preah Ang Mias, Neak Ang Mias (Princes et princesses de la maison royale).

Je renvoie donc les lecteurs au livre de M. KHIN Sok (Le Cambodge entre le Siam et le Vietnam, publié par l’Ecole Française d’Extrême-Orient dans la collection de textes et documents sur l’Indochine XVIII e siècle).

Les Montrey :

La monarchie ancienne khmère avait besoin comme toutes les monarchies anciennes dans le monde d’une organisation ou corps politique permanent muni d’un système hiérarchisé, lui permettant d’appliquer les ordres du roi. Ce corps politique permanent des fidèles, n’est que les Montrey.

Je ne traduits pas ici le mot « Montrey » d’origine sanskrit par le mot « Mandarin », parce que je ne veux pas céder à la facilité des orientalistes qui confondent le Mandarin chinois avec le Montrey khmer. Le mot « Mandarin » ne se présente pas avec toute la rigueur du sens du mot « Montrey » cambodgien. D’abords le mot « Montrey » a déjà plusieurs sens en cambodgien : un intellectuel ou celui qui possède le savoir ou celui qui dirige une affaire d’Etat ou celui qui possède l’honneur ou celui s’est distingué tout simplement du Reas (homme du peuple) par son titre de dignité. Un Montrey est un état d’esprit ou formation de mentalité. Il appartient à un groupe intrinsèquement différent du Reas.

Les Montrey se forment en une catégorie sociale fermée fondée sur propre préférence, sa norme et ses corollaires. Elle est un but en soi, car on devient Montrey pour acquérir deux choses : le pouvoir et la richesse. Il y deux points qui nous permettent de déceler la distinction pertinente entre le mandarin chinois ou vietnamien et le Montrey khmer, les conditions d’affiliation et les relations entre les Montrey et leur souverain :

Les conditions d’affiliation :

Dans la Chine ou le Vietnam ancien, la voie d’accès au titre de mandarin était démocratique et fondée sur la morale confucéenne. Tous les lettrés (les instruits) désiraient accès au titre de mandarin pouvaient participer au concours, lequel était organisé au niveau national par la maison impériale. Quant au titre de Montrey, la voie d’accès était assurée par les liens de parenté. Pour devenir Montrey, il y avait une seule possibilité : Etre le fils d’un Montrey. Un père Montrey avait exercé tous ses influences ou par le subterfuge afin que son fils puisse devenir à son tour un Montrey.

Dans le Cambodge ancien, on était Montrey de père en fils. Les hommes du peuple voyaient en Montrey comme un « Neak Mean Bonn » (celui qui a reçu un mandat céleste). Ce concept est fondé sur le principe fataliste du Bouddhisme : l’Homme est le produit de ses activités passées : « C’est écrit sur mon crâne », disent souvent les Cambodgiens. Ce concept est un bel instrument d’harmonie sociale et de stabilité au profit des Montrey.

M. SAY Bory, dans sa thèse pour le doctorat de spécialité en science en administrative, soutenance en 1974 (Administration rurale du Cambodge et ses projets de réforme), a voulu donner son point de vue sur la conception de « Neak Mean Bonn », dont voici un extrait :

« Celui qui a le Bonn (mandat céleste) est appelé dans la coutume khmère « Neak Mean Bonn ». Cette conception, nous appelons « conception évènementielle » puisqu’elle détermine l’origine du pouvoir par un événement insolite quasi- inexplicable, par la raison pure. Nous préférons l’expression « conception Neak Mean Bonn » à la « conception évènementielle », car pour nous, Khmers, cela se comprend tout de suite, sans avoir besoin d’autres explications ».

La conception « Neak Mean Bonn » permettrait de légitimer tout pouvoir en place, qu’il soit d’origine divine ou populaire. C’est peut-être le corollaire de la théorie de résignation que les dirigeants khmers de l’époque ancienne voulaient inculquer à la masse dans le but de ne pas briser l’unité du peuple par trop divergences dans les conceptions de pouvoir. Celles-ci étaient réservées uniquement au groupe dirigeants, c’est-à-dire les Montrey.

Les relations de pouvoir entre les Montrey et leur souverain : Le Roi étant maître et l’unique propriétaire du royaume, il nommait et révoquait à son gré les Montrey. La pratique d’une autorité absolue du roi devait à chaque fois référer à la loi coutumière du pays.

Les Moha Montrey (Grand Montrey) avaient une attribution spéciale, l’obstacle légale, mais impuissants, aux volontés de Sa Majesté, qui consiste dans le droit de rappeler au souverain sur certains oukases royaux, qui sont contraires à la loi coutumière. Si le roi ne tenait pas compte de leurs observations, ils le laisser faire, parce que la règle traditionnelle dit que la parole du roi est comme la foudre, comme le diamant (terrible, respectable, précieuse). Celui qui transgresse la décision royale sera condamné à une amende proportionnelle à sa dignité, conformément à la loi.

M. Khin Sok, historien khmer, commente dans son livre sur ce point que l’histoire khmère a démontré que cette loi n’a pas empêché certains principes, ou Moha Montrey de s’élever contre les décisions royales insensées ou absurdes, ou contre un roi ayant une mauvaise conduite, dont voici un parmi de nombreux exemples à citer :

" En 1586, le Roi Satha (1579-1595) fit couronner ses deux fils, Chey Chétha et Poňéa Tân, âgés alors respectivement de 11 et 6 ans. En même temps, il éleva son frère cadet, Srei Soriyopor à la dignité d’Oparach. Cette décision fut mal accueillie par certains Montrey, qui la considéraient contraire à la coutume : « la coutume ne peut pas, sans raison valable, être confiée à des princes en bas âge ; de plus, Srei Soriyopor était considéré comme étant le plus apte pour succéder au roi sur le trône. Il en résulte que, lors de l’invasion siamoise en 1594, les Moha Montrey ne se firent plus un devoir de défendre le pays. Ainsi le général chargé de défendre la province de Siemreap, lorsque l’armée siamoise arriva à Battambang, décida de se retirer avec ses troupes à Pursat, parce qu’il ne voulait pas risquer sa vie pour un roi qui n’avait plus conscience morale". Ce fut une des principales causes de la prise de Longvêk (ancienne capitale khmère de cette époque).

C’est ainsi que le pouvoir des rois khmers peut revêtir à la fois un aspect redoutable et fragile, dominant un jour un royaume pour finir balayé par un souffle ou un mécontentement des Montrey. Quant aux relations de pouvoir entre empereur chinois et ses mandarins, elles étaient fondées sur la morale confucéenne : le respect scrupuleux de l’ordre et de l’empereur. Il est impossible à la cour impériale chinoise de laisser ses mandarins de faire observer à l’empereur sur les décisions impériales.

Il en résulte que les Montrey khmer formaient une strate de pouvoir qui partageaient toutes sortes de privilèges avec leur monarque et certains Moha Montrey portaient les mêmes titres que leur souverain, tels que Samdech et Poňéa.

Les titres des Moha Montrey et des Montrey :

Selon Khin Sok, les Samdech et Okňa sont des Moha Montrey et les autres Chao Poňéa Preah, Luong, Khun, Moeun, Neay sont considérés comme Montrey (Fonctionnaires moyens et subalternes)
.

B. L’esprit de la monarchie khmère :

Il est considéré par les spécialistes comme une pensée influencée par celle de l’Hindouisme et du Bouddhisme. Cette argumentation est fondée sur un concept très simple : l’indianisation de la culture khmère. À partir de cette idée savante, on sait que tout devient simple pour les chercheurs car pour en savoir davantage sur la pensée monarchique khmère, il suffit pour eux d’étudier d’abords les lois de Manu ou la philosophie bouddhique et ensuite de les transposer dans la pensée traditionnelle des rois du Cambodge.

C’est cet effort qui conduit Madame Yvonne BONGER, Sachchidanand SAHAI et autres illustres chercheurs. Ce sont eux aussi qui ont organisé le collage d’une masse fragmentée de l’histoire du Cambodge, parmi la connaissance de cette antiquité perdue dans les annales de l’histoire de l’humanité et enfin guidé l’art de la représenter comme une histoire convenue. Ainsi l’histoire de la monarchie est construite. Son cadre est tracé.

Il y a donc des sujets de thèses qui ont été guidés dans cette pensée unique, laquelle est vue comme un seul miroir où se mire la connaissance savante de nos jours. Faut-il dire que l’histoire des rois khmers n’est qu’un mélange de la science savante, c’est-à-dire le savoir rationnel et tout un héritage culturel dont la découverte de la civilisation angkorienne a multiplié les possibilités de tous les exégètes des ouvrages sculptés sur les monuments historiques ?

Pour ma part, je ne reconnais pas de pensée unique en histoire. Cette interrogation m’oblige, encore une fois, à commenter la pensée monarchique des rois de mon pays, comme dit Michel FOUCAULT (les mots et les choses) : « La tâche du commentaire, par définition, ne peut jamais être achevée. Il est donc normal que mon interprétation ici n’est jamais achevée et toujours ouverte aux nouvelles éventualités.

La cohabitation entre l’Hindouisme et le Bouddhisme :

Comme dans le cadre de mon essai est basé sur l’adaptation de la culture indienne (Hindouisme et Bouddhisme) à la vie des Khmers, il est intéressant de connaître comment l’Hindouisme et le Bouddhisme se cohabitaient dans le Cambodge d’antan. Voici, en bref, cette association : Le Bouddhisme, né dans un milieu hindou et issu en quelque sorte de l’Hindouisme, devait toujours, même en se détachant de celui-ci, garder quelques aspects communs basés l’un et l’autre sur le dogme de la transmigration. Le Bouddhisme admet le Karma et Samsâra, le fruit de l’acte et la métempsychose. Mais, il rejette l’autorité védique et nie l’absolu du Brâhmane. Cette contestation est profonde car elle est non seulement dans la question des rites, mais encore dans les théories indiquant le chemin de la délivrance.

Il y a sans doute une identité de rapport car les Brâhmanes considèrent le Bouddhisme tantôt comme une pensée sulfureuse tantôt comme une branche de l’Hindouisme. Max Müller s’efforce de découvrir (les germes du Bouddhisme) juste dans les Upanishads, qui sont des fondements essentiels de l’orthodoxie hindoue. Mûller rajoute qu’il n’y a aucune contradiction entre l’Hindouisme et Bouddhisme. Les différences entre les deux doctrines, pour être légitimes, ne peuvent être qu’une simple affaire d’adaptation, ne portant toujours que sur des formes d’expression plus au moins extérieures et n’affecte aucunement les principes mêmes ; l’introduction de la forme sentimentale dans le Bouddhisme est dans ce cas, du moins tant qu’elle laisse subsister la métaphysique intacte au centre de la doctrine. On rencontre à Java un Shiva-Bouddha qui témoigne d’une semblable association poussée entre les deux doctrines.

Il faut noter que l’Hindouisme comme le Bouddhisme, en sortant de l’Inde, se sont modifiés dans une certaine mesure et de façon diverses, et, d’ailleurs, ils devaient forcément se modifier ainsi pour s’adapter à des milieux très différents ; mais toute la question est de savoir jusqu’où vont ces modifications. Au Cambodge, le Bouddhisme, dans certains cas, a véritablement servi de « couverture extérieure » de l’Hindouisme, ce qui a permis au second de rester toujours fermé. Par exemple, pendant les règnes des rois bouddhistes d’Angkor, ils pratiquent le Mahâyâna et à partir du XIIIe siècle, sous l’influence du Siam, le Mahâyâna allait être progressivement évincé du Cambodge par le Hînayâna. On constate que la Cour Royale continuait de pratiquer scrupuleusement les rites de l’Hindouisme.

Cet usage permet aux souverains et aux Brâhmanes de se rappeler que d’une part, ils appartiennent toujours à des castes supérieures au Reas khmer (petit peuple) et d’autre part, la personne du roi est toujours le Devarâja (Roi-Dieu) (en khmer, Kamraten Jagata Râja) sur terre, descendant direct de Jayavarman II (fondateur du culte du Roi-Dieu au Phnom Kulên). « Son Auguste corps est la lumière céleste qui irradie de tous les côtés pour éclairer l’ignorance du peuple indigent. Il est la fin suprême pour le peuple bouddhique khmer, car sa personnification est Lokeçvara irradiant (Seigneur du Monde) qui n’est que Mahaçvara (çiva) (sic) ».

Selon les textes chinois, l’Hindouisme et le Bouddhisme coexistaient déjà au Fou-Nan dès les premiers siècles de notre ère. Ils vivaient en bonne intelligence. Pourtant vers 671-695, le pèlerin chinois Yi-Tsing écrivait qu’il y avait une persécution du pouvoir sur les moines bouddhistes :

« Les gens y adoraient beaucoup de Devas. Puis, la loi de Bouddha prospéra et se répandit. Mais, aujourd’hui, un roi méchant l’a complètement détruite, il n’y a plus du tout de bonzes ».

Mais, en général, le Bouddhisme, au cours de son développement était toujours toléré par les rois khmers. En 953, un ministre de Rajendravarman faisait une fondation bouddhique à Angkor ; un peu plus tard, Jayavarman V (968-1001) protégeait ouvertement le Grand Véhicule.

En 1181, le roi Jayavarman VII, un Bouddhiste ardent, prenait possession de la royauté. Cette ascension marqua aussi l’expansion du Bouddhisme au Cambodge, mais elle n’excluait pas totalement le çivaïsme. Çiva et Lokeçvara étaient fréquemment confondus.

Mais l’acte capital de Jayavarman VII, c’est semble-t-il, d’avoir transformé le culte du Davarâja au début du XIIe siècle, en culte du Bouddha-Roi résident au Bayon, il fit sculpter la face de Lokeçvara Samantamukha (face partout) sur les gigantesques tours ç quatre visages du Bayon), centre effectif de sa capitale et centre symbolique du Royaume. On constate que le Bouddhisme ancien avait incorporé à sa mythologie les grands dieux de l’Hindouisme, mais en réduisant aux rôles secondaires de comparses ou d’acolytes ; par exemple, le Bayon est un temple-montagne ; chacun des tours est sculptée à la quadruple image du Bodhisattva Lokeçvara qui domine et protège des divinités brahmaniques telles que Visnou, çiva, Pâvatî ou Kâlî (épouse de çiva). Revenons à la théorie des sept éléments constitutifs de l’État : le Chef de l’État ou Roi (Svâmin), les officiers (Amâtya), la population et le territoire (Janapada), la ville fortifiée (Durga), le trésor (Koça), l’armée (Danda), l’allié (Mitra), car cette théorie nous permet sans doute de mieux comprendre l’esprit de la monarchie khmère.

Le Roi :

La domination et la possession étaient le fondement de l’esprit de la monarchie khmère. Le Roi apparaissait comme la personnification sur terre du Dieu du sol. Il possédait le pays et était Maître divin du peuple. Pour la monarchie khmère, il n’existait pas la frontière entre la terre et le ciel. C’est le sol qui détermine sa puissance royale et le ciel qui reçoit son mandat céleste pour assurer la concorde de l’ordre humain avec l’ordre cosmique. Il était l’être sublunaire et le Magistère du Royaume. Il possède deux instincts : sa conservation et sa croissance :

- Sa Conservation consiste à préserver ses traditions, à perpétuer la superstition. L’ordre est sa vie, la tradition est son dogme, la Nation est son héritage, les Montrey sont ses gardiens de l’ordre auprès de la population. Sa devise est : « Unité et Hérédité ».

- Sa Croissance consiste à augmenter son prestige et son pouvoir qui lui permet d’imposer sa domination. Ce fut la monarchie qui bâtit le temple d’Angkor pour le prestige royal, grâce au travail forcé. Le pouvoir est ses poumons, l’organe vital de la respiration de son corps royal. Pour vaincre ses ennemis des humains : la volupté (Kâma), la colère (Krodha), la cupidité (Lobha), l’orgueil (Mada), l’illusion (Moha) et la jalousie (Mâtsarya), il devait apprendre quatorze espèces de sciences : les quatre Véda (la tradition hindoue : Rig Véda, Yajur-Vêda, Sâma-Vêda et Atharva-Vêda), les six Vêdâgna (le membre du Véda ou sciences auxiliaires du Vêda), les Purâna, la Mimânsâ (la réflexion profonde, le Nyâna (la logique), le Dhatma (la doctrine).

Qu’un empire soit vaste et ses régions variées, le Roi ne pourra guère en l’absence de la télévision, se faire connaître sa personne de la masse de ses sujets. L’entreprendrait-il, qu’il reviendrait de ses voyages pour constater l’appropriation sans doute irrévocable du pouvoir par un ministre, un secrétaire ou un frère bien-aimé. L’ubiquité n’étant pas au nombre des facultés humaines, il n’y a qu’un moyen de tenir ferme le pouvoir sur l’immensité de l’Empire, c’est de se faire Dieu, c’est-à-dire présent en esprit dans tout lieu où un autel s’élève à la gloire du souverain.

Il y a trois éléments qui constituent la base de personnification du Roi-Dieu khmer : l’autorité paternelle du chef ou arbitre des conflits, l’autorité théologale, l’immortel et divin par la race, incarnation de dieu et finalement, dieu sur terre, l’autorité militaire ou pouvoir de ma guerre, on le consolide par la guerre, il est général en chef, l’expérimenté, l’habile, l’audacieux, et surtout le victorieux.Bien entendu, la monarchie revêt sa forme la plus pure quand un roi à accumuler et garder des pouvoirs aussi divers.

Le Roi Hun Tean possédait ces quatre éléments cités:« Selon la légende, le Brâhmane Hun Tean, venant de l’Inde par la mer, après sa victoire militaire sur la reine du Fou-Nan, Liv Yi (selon le professeur Keng Vansak, ce nom Liv Yi est l’altération du mot khmer, « Yay Neuv Leave » (Dame célibataire) qui se donnait autrefois à la première dame du royaume ou une femme âgée qui avait une charge d’un chef suprême de la société), grâce à son arc magique, avait civilisé sur le champ la société primitive khmère en couvrant le corps nu de la reine vaincue par une pièce d’étoffe. Il épousa Liv Yi et monta ensuite sur le trône avec l’approbation des Khmers".

Le Brâhmane Hun Tean se présentait donc aux autochtones comme prête et Chef de guerre. Prête parce qu’il avait apporté une nouvelle religion qui n’était que l’Hindouisme, et chef de guerre, parce qu’il avait imposé sa domination par la force. C’est cette combinaison de ces deux qualités que Hun Tean avait pu fonder, sans aucun doute, la plus solide monarchie au Cambodge.

Les conceptions du pouvoir du roi khmer :

Le professeur Claude GOUR, ancien professeur à la faculté de Droit et des Sciences Economiques de Phnom-Penh, écrit dans son livre (Institution s constitutionnelles et politiques du Cambodge) sur les diverses conception du pouvoir du roi khmer. Résumons les :

La conception brahmanique : Cette conception fait du roi khmer un intermédiaire qui assure la concordance de l’ordre humain avec celui du monde, l’ordre cosmique. Le Roi détient pour cela les secrets de la pratique du rite et du sacrifice qui constituent le moteur de l’évolution ordonnée de l’ordre universel, le moteur du rythme de l’Univers. Le monarque régnant est celui qui, dans son Royaume, est le titulaire de la puissance supra humaine, fondée sur la vertu magique du rite puissant, dont il se prétend investi, au moment de son sacre, par l’ordre cosmique afin que, par l’application des lois humaines correspondantes, un ordre réduit soit institué dans le royaume à l’image de l’ordre universel.

La conception bouddhique mahayaniste : Cette conception intègre l’idée brahmanique préexistante qui fait du monarque le serviteur de l’ordre cosmique et le régulateur de l’ordre humain. Mais, le Roi bouddhique deviendra le mandataire des enseignements du Maître. Il prendra les caractères d’un Bouddha en puissance, d’un Bodhisatva et apparaître comme le reflet sur terre du Bouddha unique transcendant et surnaturel.

La conception autochtone : Elle était certainement d’origine plus ancienne, mais elle s’était adaptée, fondue dans un cadre brahmanique. Le Roi apparaissait dans cette conception comme la personnification sur terre du dieu du sol. Le dieu du sol, divinité d’origine autochtone, était à la fois l’expression des énergiques du sol et l’expression personnelle du lien, auquel il était attaché ; il s’identifiait en quelque sorte avec ce lieu. Le syncrétisme de l’époque angkorienne avait conduit à une identification du dieu du sol autochtone et d’une des principales divinités brahmaniques : çiva. Dans cette perspective, le Roi n’était plus un monarque à vocation universelle, mais un monarque dont la souveraineté était limitée au seul territoire du royaume. Il était maître du sol du royaume et personnification de çiva.

Après la lecture de ces trois conception du pouvoir du roi khmer, il est évident que les valeurs inhérentes aux conceptions du pouvoir monarchique khmer de M. GOUR sont : Traditionalisme, Déisme et Innéisme. Il est difficile au roi khmer de se laisser réduire à l’une ou à l’autre de ces valeurs car elles constituent l’ossature même de son existence.
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29 septembre 2009 2 29 /09 /septembre /2009 08:45

Avertissement : Cet article est écrit par Pol Pot en 1952 . Il est publié dans la revue "L'Etudiant Khmer" , en Août 1952 en France. L’article est signé du nom de Khmer Deum (Khmer Original). Il faut savoir que quand Pol Pot était au pouvoir entre 1975-1978, il faisait le contraire ce qu’il avait écrit. Résultat : plus de deux millions de morts. C’était le régime sanguinaire que l’humanité n’a jamais connu.
Retranscription non officieuse.

Monarchie ou Démocratie.

Le 15 juin 1952, S.M. Norodom Sihanouk dissout le gouvernement et menace en même temps de dissoudre l’Assemblée du peuple si elle s’oppose à la prise de pouvoir. Ce coup d’État royal a remué tout le pays et nous incite, nous citoyens, à réfléchir à ses causes.

Certes, la constitution donne au roi le pouvoir de dissoudre le gouvernement, mais ce coup d’État est un acte d’injustice car le roi bafoue les droits démocratiques et commet un acte de mépris à l’égard de l’Assemblée élue qui représente légalement le peuple. Si le roi se préoccupait réellement de l’intérêt de la Nation, de la sécurité du peuple, comme il déclare souvent dans ses discours, il ne devrait pas faire ce coup d’État royal en utilisant la force. Vous auriez dû réunir le gouvernement pour trouver les meilleurs moyens de chasser l’armée française et les complices des Français, afin d’arriver directement à l’indépendance du pays. Le Roi aurait dû s’allier avec l’Assemblée. Pourquoi ?

L’histoire nous montre que seuls l’Assemblée et les droits démocratiques peuvent accorder quelques souffles de liberté au peuple khmer comme par exemple à l’époque du prince Youthevong. Quand il n’y aura plus l’Assemblée, le pays sera aussitôt ligoté. En 1949, le Roi régnant s’est allié à Yem Sambaur et notre pays s’est, à ce moment-là, lié par un traité avec la France, qui va continuer à rester très longtemps au Cambodge.

Cette histoire, le peuple khmer la retient et ne l’oublie pas ; seuls peuvent l’oublier ceux qui ne pensent qu’à leurs intérêts personnels. Ce coup d’État du 15 juin, nous montre que nous ne sommes pas du tout sous le règne d’une monarchie constitutionnelle, mais plutôt sous un régime de monarchie absolue. Le Roi est absolu, il cherche à détruire les intérêts du peuple quand celui-ci se trouve dans une position de faiblesse, il s’inquiète de voir que plus un peuple est instruit, plus il s’aperçoit facilement des fautes des rois. Le roi absolu use de bonnes paroles mais son cœur reste méchant ; il use de démagogie pour tromper le peuple.

I. Qu’est-ce qu’une monarchie ? C’est une doctrine qui confie le pouvoir à un petit groupe d’individus qui ont de hautes situations professionnelles, afin qu’ils puissent exploiter la majorité des autres classes sociales. La monarchie est une doctrine injuste, aussi infecte qu’une plaie putride. L’humanité doit l’abolir. La monarchie est une doctrine absolue qui n’existe que par le népotisme. Ses défauts sont nombreux.

1. La monarchie est l’ennemi du peuple.

L’histoire nous montre que, depuis que notre pays existe, nous sommes toujours dominés et exploités par la monarchie. La condition du peuple se rabaisse à celle de l’animal ; le peuple, qui est considéré comme un troupeau d’esclave, est obligé de travailler sans relâche, nuit et jour, pour nourrir la monarchie absolue et son sérail de courtisans.

2. La monarchie est l’ennemi de la religion. Le peuple croit que la religion est son amie, c’est pourquoi il a le respect et la place au-dessus de l’Homme. Mais depuis des temps fort anciens, la monarchie use de démagogie en faisant croire qu’elle représente aussi la religion, qu’elle respecte les dix règles royales. Pour en convaincre le peuple et l’exploiter plus facilement, la monarchie a fait composer par les poètes la légende de Preah Leak Chinavong, selon laquelle le roi a toujours possédé le droit de vie et de mort sur le peuple. Mais les bonzes éclairés ont depuis toujours très bien compris la nature de la monarchie et ont trouvé des moyens d’expliquer au peuple qu’il ne fallait pas croire en elle. Ils ont composé le récit de Themh Chey pour monter qu’un enfant du peuple, Them Chay, peut vaincre un roi ignorant ; Themh Chay ose s’opposer à la couronne. La monarchie a détruit la religion bouddhique par d’autres moyens, par exemple en divisant les bonzes en plusieurs groupes, en créant un rang supérieur, celui des Samdech (=monseigneur).

3. La monarchie est amie du colonialisme. L’histoire nous montre que, depuis que notre pays est sous la domination française, les rois khmers s’écartent de plus en plus du peuple khmer. Leur désignation, pour accéder au trône, relève de l’autorité française. Ainsi le roi régnant n’est-il qu’un pion des colonialistes, s’alliant avec eux pour préserver sa couronne et la monarchie. Il y a toujours des luttes pour le trône. Le prince Youkanthor a été exécuté par les Français qui ont confié le trône à S.M. Sisowath ; les luttes de ce genre sont nombreux.

4. La monarchie est ennemie de la connaissance. Elle utilise tous les moyens pour que peuple soit dépourvu d’instruction afin de lui faire croire que le roi est l’Etre suprême. Quand un peuple est instruit, il devient l’ennemi virulent de la monarchie et il veut avec acharnement son abolition. Voici des exemples :

- Notre grand maître Bouddha était très instruit ; il s’aperçut vite que son père, le roi Suthotana (sanscrit : Soddhodana) s’enrichissait injustement, laissant croupir le peuple dans l’ignorance, la maladie, la famine, sans abris, sans école, sans hôpitaux. Bouddha décida alors d’abandonner la monarchie pour devenir l’ami de l’Homme et du peuple, en apprenant aux hommes à s’aimer.

- Le prince Youthevong, très instruit, abandonna aussi les monarchistes pour inculquer la démocratie au peuple khmer.

II. Qu’est-ce qu’une démocratie ? C’est un régime qui confie le pouvoir à une majorité issue du peuple. Ainsi la démocratie est-elle totalement contraire à la monarchie. Ces deux régimes sont ennemis et ils ne peuvent pas cohabiter, comme le prouve le coup d’État royal du 15 juin.

L’histoire montre que ces deux régimes s’opposent toujours et que la paix ne s’instaure que quand la monarchie sera disparue. La révolution de 1789 en France, sous la direction de Robespierre et Danton, ont dissous la monarchie et exécuté le roi Louis XVI.

La révolution de 1917 en Russie ayant Lénine et Staline comme guides, ont totalement aboli la monarchie. La révolution de 1924 en Chine, le peuple étant sous la direction du docteur Sun Yat-sen, a aboli la monarchie et toute la famille impériale.

La monarchie est un régime que les peuples de tous les pays adoptent maintenant ; elle est aussi précieuse que le diamant et ne peut être comparé à aucun autre régime. C’est pourquoi le peuple khmer chante : « Le régime démocratique, dans le monde d’aujourd’hui, set comme un fleuve qui descend de la montagne en suivant des plantes que personnes ne peut barrer… ». Le régime démocratique relève de la morale bouddhique, parce que notre grand maître Bouddha fut le premier à l’avoir enseignée. Ainsi, seul le régime démocratique pourra sauvegarder la valeur profonde du Bouddhisme.

III. Le coup d’État royal. Ce n’est pas la première fois que S.M. Norodom Sihanouk abuse de la volonté du peuple khmer. Nous pouvons constater que, quand le peuple est faible et se laisse faire, le Roi profite de l’occasion pour mépriser la constitution, comme cela s’est produit en 1949 quand il a essayé de camoufler son absolutisme. Mais, ne pouvant plus se camoufler, il a pris, le 15 juin, la décision injuste de faire un coup d’État, au mépris même de ses amis monarchistes, dont certains se trouvent en prison.

La question qui se pose est de savoir sur quelle force le roi s’appuie pour faire le coup d’Etat.

1. Ce coup d’État est le fait du pouvoir colonialiste français. Les preuves se trouvent dans le discours royal du 4 juin, lors de la réunion du Conseil du Royaume. Nous en relevons les passages suivants : « J’ai (le roi) rencontré récemment M. Vincent Auriol, celui-ci m’a confié les affaires de S.E. Son Ngoc Thanh… Récemment aussi, M. Letourneau a partagé mon avis et m’a promis d’alléger certaines clauses si un futur gouvernement (khmer) était disposé à réprimer les résistants (Issarak) et d’assouplir encore ces clauses dès que la guerre aura pris fin ». Dans le message royal adressé au peuple, le roi a déclaré que « nous pouvons compter sur l’aide que nos alliés français et américains nous apportent ».

Tout cela prouve clairement que ce coup d’État a été soutenu par le colonialisme français.

2. Le coup d’État est l’œuvre de la monarchie. D’autres preuves peuvent être trouvées dans les messages royaux : « Ayant reçu en héritage cette monarchie qui date de seize siècles, pour gouverner le peuple… ». (Message à l’adresse aux étudiants). « De par mes devoirs en tant que roi, de par ma responsabilité devant la patrie, devant le peuple, devant l’histoire et devant mes ancêtres qui m’ont légué cette monarchie nationale… ». (Message à la nation). « Même si je dois devenir simple citoyen, je défendrai toujours la monarchie ». (Discours du Roi devant les étudiants à Paris). Tous ces discours du Roi prouvent bien que le coup d’État s’est fait dans le seul intérêt royal.

IV. Le gouvernement. S.M. Norodom Sihanouk est à la tête du gouvernement issu du coup d’Etat. Les autres ministres sont des courtisans qui ne connaissent rien à la politique et ignorent les malheurs du peuple. Tout le monde doit bien réfléchir au sort du peuple khmer qui n’a même plus la liberté de tenir de réunion de plus de quatre personnes.

V. Le programme du gouvernement. Les discours du roi montrent clairement que le programme du nouveau gouvernement pour la période de trois ans où le roi détiendra le pouvoir absolu, est divisé en deux parties :

1. Dans les deux premières années, faire la guerre aux insurgés (les patriotes nationaux).

2. La troisième année, négocier avec la France qui promet d’accorder une indépendance complète.

Un tel programme ne vise qu’à bâillonner le peuple, à arrêter et expulser ceux qui osent s’opposer à la politique du Roi. Ensuite, il vise la dissolution des partis politiques qui s’opposent aux intérêts du trône, car les partis politiques ne se taisent pas. Enfin, la politique du roi est de provoquer une guerre civile qui brûlera tout, même les pagodes. Les bonzes, le peuple, les fonctionnaires connaîtront de douloureuses séparations familiales, ils verront leurs parents, leurs femmes et leurs enfants écrasés par les chars, brûlés par le napalm ; les récoltes seront détruites. L’armée colonialiste, que la monarchie absolue a déjà appelé à la rescousse, a déjà commis des actes de pillage et de violence sur les femmes… Dans l’administration, les colonialistes seront les maîtres, comme auparavant.

La question se pose alors de savoir qui sera le vainqueur des deux premières années de cette guerre destructive. À supposer que la monarchie parvienne à réprimer les patriotes nationaux, la question est de savoir si, la troisième année, le Cambodge fait appel à l’aide du Siam, il doit rendre hommage au siam et si le roi qui fait appel à l’aide de la France, il doit rendre hommage à la France. Ainsi, le roi Norodom Sihanouk qui a demandé à la France, il doit laisser les colonialistes lier le Cambodge à la France par des traités qui leur permettront de dominer le Cambodge pour toujours.

Auteur : Khmer Deum.

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29 septembre 2009 2 29 /09 /septembre /2009 07:33
Le règne de Preah Bat Ponhea Yat (1384-1427).

Avertissement : Dans le livre de M. Eng Soth, l’année de couronnement de Ponhea Yat est l’année 1382. Son prédécesseur, le roi Preah Thoma Saukreach règne de 1373 à 1383 et l’occupation siamoise est en 1384. Examinons donc cela :

Le siège de Norkor Thom par l’armée siamoise commence en 1383 et dure plusieurs mois. La chute de cette cité est en 1384. Dans le livre de M. Eng Soth, pendant le siège de la capitale, Ponhea Yat a été commandant de la porte sud, il quitte la capitale au moment de la défaite de l’armée khmère. Nous en supposons que Ponhea Yat ne pourrait pas être couronné en 1382.

En revanche, nous admettons qu’il y a deux hypothèses :

1. Il y a l’erreur dans la retranscription de date de couronnement de Ponhea Yat.

2. Ponhea Yat se révolte contre l’autorité du roi Preah Thoma Saukreach, parce que ce roi est en défaut moral. Il quitte la capitale pour venir s’installer à Basane où il se proclame roi en 1382 (Dans le livre de M. Eng Soth, on lit ceci : « Le roi siamois Chao Symphia a décidé de conquérir le Cambodge pour les raisons suivantes : L’instabilité politique parce qu’il y avait beaucoup de princes contestaient l’autorité du souverain et celui-ci est impopulaire »). Il se peut que parmi les contestataires, il y ait Ponhea Yat et après la victoire sur les siamois, il aurait pris l’année, à laquelle il se proclame roi à Basane comme le début de son règne sur le trône khmer.

Pour la compréhension des lecteurs, j’ai choisi l’année 1384 comme le début de règne de Ponhea Yat.

Ponhea Yat fut couronné en 1384 à l’âge de 51 ans. Son nom de sacre était Preah Bat Samdech Angkir Borom Yat Reachea Thireach. Sous son règne le pays connaissait la paix et le développement du Bouddhisme. En l’an 1387, après 2 ans à Norkor Thom et 5 ans de règne, c’est-à-dire 7 ans sur le trône khmer, le roi Ponhea Yat convoqua tous les princes et princesses, les hauts dignitaires civils et religieux du royaume, les fonctionnaires de la Cour pour leur dire ceci :

« Notre Royaume a un ennemi juré, le royaume d’Ayuthia. Les relations entre nos deux pays sont très mauvaises. L’Ayuthia annexe beaucoup nos provinces et enlève beaucoup notre population pour l’amener dans son pays. Dans le passé, nous avons pu remporter la victoire sur les siamois, mais elle est limitée, car nous n’avons pas eu la possibilité de libérer nos provinces et notre population. En outre, compte tenu de l’état actuel de notre pays, nous n’avons pas la force nécessaire pour déjouer l’ambition territoriale siamoise. Tous les rois d’Ayuthia veulent que notre pays reconnaisse leur suzeraineté et le souverain actuel est impatient d’envahir notre pays pour réaliser cette ambition. En outre, notre capitale se trouve tout près de la frontière siamoise, il est donc très difficile d’organiser une défense efficace en cas d’attaque des siamois. C’est pour toutes ces raisons, je vous convoque pour vous suggérer un transfert la capitale royale à Basane, parce que cette province se trouve à une bonne distance de la frontière siamoise et en cas d’attaque d’ennemis, nous aurons le temps suffisant pour organiser notre défense ».

Le projet du roi était approuvé à l’unanimité par les assistants présents à la réunion royale. Le roi ordonna, en effet, aux ministres de préparer le plus vite possible le transfert de la capitale à Basane (Srey Santhor d’aujourd’hui).

Ce retrait n’était pas une capitulation du courage de l’armée khmère qui savait faire preuve de leur combativité contre les insolentes provocations d’ennemis, mais une stratégie de survie, après tant d’années de guerres. L’Angkor Thom, selon Ponhea Yat, n’est plus ni une place forte, ni une zone économique efficace pour soutenir une armée en campagne. En outre, avec l’accumulation des violentes au cours des deux dernières guerres pour libérer la cité des dieux, les paysans et les habitants de ce lieu s’enfuirent en masse pour se réfugier à l’intérieur du pays.

En 1392, l’année du lièvre, le jour de transfert arriva, le roi donna l’ordre de départ. Il monta à bord d’une embarcation royale avec ses gardes d’élite. La reine et les concubines de la maison royale, en vêtements de gemme, montèrent à leur tour dans des différentes barques grandes et petites, aménagées pour cette occasion. Les prêtres du Palais firent les prières pour transformer l’eau de la rivière en bénitier pour protéger la flotte royale. Cette flotte était suivie par celle des hauts dignitaires et des généraux et elle était entourée par quelques embarcations des musiciens, chanteurs et danseuses qui avaient pour mission de distraire l’Auguste Roi pendant son voyage.

Par la voie terrestre, un cortège, des hommes et des femmes de condition de la Cour, de multitude de chars, d’armes, d’étendards et des bêtes, accompagnaient leur Maître-Dieu, en avançant en pas rythmé au son de gongs. Les gens, poussant leur dernier soupir, se retournèrent regarder pour la dernière fois de leur vie la magnifique capitale, abandonnée à son sort. Cinq siècles plus tard, on la trouve dans un état piteux au milieu des forets où la loi des humains est vaincue par la force de la jungle.

Arrivé à Basane, le roi ordonna aux services de travaux publics de construire un port et un palais royal au bord du grand fleuve. Les nouveaux arrivants commencèrent à construire leurs demeures selon leurs moyens et leurs rangs. Le roi donna le nom de son nouveau palais, « Palais de pierre ». Parlons du Laos.

En 1378, le pays était dévasté par les crues. Le courant d’eau du Mékong emportèrent dans son passage les grands arbres déracinés par cette inondation, lesquels suivirent le courant du Mékong jusqu’au pays des Khmers. À Preak Pear Prat (Preak Leap d’aujourd'hui) au Cambodge, il y avait un grand arbre déraciné venant du Laos par le courant du fleuve, qui ne cessait plus de tourbillonner au même endroit. Les villageois l’observaient avec curiosité.

Au bout de quelques heures, ils décidèrent d’en informer une Grand’mère pieuse et riche du village, appelé Grand’mère Penh. Celle-ci décida d’aller le voir avec ses valets. Arrivée sur place, Grand’mère Penh observa longuement l’arbre qui ne cessait plus de tourbillonner, et soudain, elle aperçut un reflet de lumière qui sortait du tronc d’arbre. Grand’mère Penh demanda à un de ses valets d’aller le voir de près. Le volontaire plongea dans le fleuve sans aucune hésitation et nagea jusqu’à l’arbre. Après quelques minutes d’observation, il cria très fort qu’il voit deux statuettes de Bouddha à 4 visages, lesquelles étaient incrustées dans le tronc d’arbre. Grand’mère Penh ordonna à son valet de les extraire du tronc d’arbre. Avec tous les efforts et les renforts des autres valets, on n’arrivait toujours pas d’extraire les statuettes. Grand’mère Penh demanda qu’on ramena l’arbre à la rive et ensuite on le sortit de l’eau pour déposer sur la berge. Une fois l’arbre était hors de l’eau, les valets cherchaient tous moyens pour extraire les deux statuettes, mais sans résultat. Grand’mère Penh décida d’aller parler de ce phénomène rare au moine supérieur de la pagode Thomma Lanka. Celui-ci ordonna immédiatement qu’on célébra la cérémonie exceptionnelle pour chasser les esprits maléfiques afin qu’on pût extraire les deux objets saints du tronc d’arbre.

Au bout de sept jours d’efforts et de prières, les statuettes étaient hors du tronc d’arbre. Tout le monde était content. Grand’mère Penh décida d’amener une des deux statuettes à Kos Reusey (Phnom-Penh d’aujourd’hui), et une autre statuette, elle fit l’offrande au moine supérieur. Puis, elle fit construire une pagode à Preak Bangkok pour déposer provisoirement la statuette. On donna le nom des deux statuettes, Preah Bang que l’on offre au moine supérieur et Preah Poaung que l’on amène à Kos Reusey.

Plus tard, la Grand’mère Penh cherchait un terrain élevé à Kos Reusey pour construire une demeure sainte à Preah Poaung. Malheureusement, à Kos Reusay, il n’y avait ni colline, ni terrain élevé. Pour réaliser son projet, la Grand’mère Penh décida donc de bâtir une colline artificielle en demandant l’aide de la population. Beaucoup des gens répondaient favorablement à ce projet. Cette colline était appelé plus tard par la population, « Phnom de la Grand’mère Penh » (la colline de Grand’mère Penh) qui devient plus tard « Phnom-Penh », le nom de la capitale du Cambodge d’aujourd’hui.

Revenons à Basane, cet endroit est au-dessous du niveau d’eau du Mékong. Chaque saison des pluies, la nouvelle capitale royale était inondée et dévastée par les crues. Cette situation créait des difficultés au Roi Ponhea Yat et sa Cour. Le Roi décida plus tard de la transférer à Kos Reusey. Dans sa nouvelle ville, le Roi décida d’entreprendre les grands travaux pour améliorer les conditions de vie de la population. Ces travaux portaient essentiellement dans les différents domaines suivants :

Domaine d’environnement : Le Roi ordonna à Chao Ponhea Dekchau, gouverneur de Samrong Taung d’enrôler la population pour creuser la terre, afin d’élever un terrain, sur lequel, il fit construire son palais royal dont la face était tournée vers l’Est (Bopear). L’endroit où Ponhea Dekchau fit creuser la terre était appelé par la suite Beung (marais) Dekchau. Pour faire évacuer l’eau de ce marais, il fit creuser un canal qui débouchait au fleuve.

Le Roi ordonna aussi à Chao Ponhea Reachea Métrey Phlong, gouverneur de Kos Reusey de construire un canal d’évacuation d’eaux usées et infectes du Beung Pauk Piye. (Après le document déposé dans la bibliothèque du palais royal à Phnom-Penh, Ponhea Phlong était gouverneur de Toné Bati et il avait pour titre Okgna Vongsa Anoukchit).

Domaine des transports : Pour faciliter la vie de la population, le Roi ordonna aux services de travaux publics de construire des ponts et des rues, lesquelles étaient recouvertes de pierres pour faciliter la circulation de la population pendant la saison des pluies.

Domaine de défense nationale : Pour défendre la capitale, le Roi fit construire les citadelles le long du fleuve et au Sud-Est du Palais, un autel de l’esprit Prâch (Neak Ta Prâch = génie intelligent) pour guetter les démons ayant les crocs du sang.

Domaine religieux : Le Roi fit réparer et construire beaucoup de pagodes dans une maçonnerie de briques.

Le jour faste de l’inauguration de son nouveau palais, dans la salle du trône magnifique, où il y avait tous les membres de la Cour et les dignitaires du royaume, le Roi, percé sur son trône doré sous l’ombrelle à sept étages, proclama solennellement le nouveau nom de sa cité et de son pays. La capitale était appelée « Krôn Chatomouk » et le pays était appelé « Norkor Kampuchea Thippaday».

Le Roi avait beaucoup d’enfants, des filles et trois fils. Ses trois princes furent nés de différentes épouses du Roi. Le premier fut né de la princesse Tévi, appelé Noray Reachea, le second fut né de la princesse Botom Késâr, appelé Serey Reachea et le troisième fut né de Preah Mneang Sisagame, appelé Thomma Rechea. Il élevait ses trois fils avec beaucoup affections et aux mêmes rangs protocolaires. Après le long règne de 43 années, le Roi mourut de maladie à l’âge de 78 ans. Son fils aîné, le Prince Royal Noray Reachea fut proclamé roi du Norkor Kampuchea Thipaday par le Conseil de la couronne.
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21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 17:01
Occupation siamoise : Preah Indra Reachéa, prince siamois (1384).

Ponhea Preak, fils du roi siamois, Borom Reachéa II ou Chao Samphya, fut couronné par son père, roi du Kampuchéa en 1384, à l’âge de 25 ans. Son nom de sacre était Samdech Preah Indra Reachéa. On l’appelait Preah Indra Koma (Indra le jeune).

Avant de retourner à son pays, après le couronnement de son fils, Chao Samphya demanda aux dignitaires khmers de lui faire une visite guidée de la capitale khmère. Le guide khmer amenait le souverain d’Ayuthia visiter les différents endroits de la cité : Le quartier des 155 résidences : Ce quartier était les résidences royales des princes des royaumes vassaux qui étaient venus au Kampuchéa pour étudier toutes sortes de connaissances. Selon le guide, ce quartier fut construit sous le règne du roi Théva Vong Auhthia (Théva Vong Extraordinaire). Ce roi avait la main magique. Chaque fois qu'il touchait un objet, lequel se transforma en or ou argent. Pendant son règne, le roi distribuait beaucoup d’or à la population. Il avait un fils, appelé Preah Keth Mirlir et pour que son fils avait des compagnons d’étude, il demanda à tous les rois vassaux de faire venir leurs fils à la capitale royale pour tenir compagnie avec son fils. Pour cette raison, le roi fit construire ce quartier où il y avait des jardins magnifiques, des piscines et des 155 résidences royales. Chao Samphya demanda au guide : Où se trouvent la chambre à coucher du roi et son fils ? Elles ne sont pas ici, pour le roi, sa chambre se trouve à Bayon. Pour son fils, elle est au palais du ciel (Vimean Akas), répondit le guide. Chao Samphya demanda encore au guide : Quand Preah Keth Mirlir devient roi, où il habitait ? Le guide répondit à la question royale : Selon la légende khmère, Dieu avait envoyé un architecte céleste et 500 Thévadas (saint) sur terre pour construire un palais afin d’offrir comme cadeau à Preah Keth Mirlir, le jour de son couronnement. L’architecte était né sur terre sous le nom de Chao Chhet Koma et les 500 Thévadas étaient nés en même temps que l’architecte pour devenir ouvriers dans la construction. Ils étaient construits beaucoup de palais : Nokor Touch (petit palais), un palais pour déposer le sabre royal, Beug Mirlir (centre des malades en convalescence), Ta Prom (centre de cérémonies pour rendre hommage aux parents), Kos Kea et Nokor Pichey. Chao Samphya posa la question au guide : Connais-tu le nom du fondateur de ce royaume ? Le guide répondit au souverain siamois : Le roi fondateur du royaume était Preah Bat Kampuch Neakreach. Son successeur était Preah Bat Kaméroukreach qui fit construire beaucoup de palais pour laisser sa trace à la génération suivante. Chao Samphya demanda encore au guide : Quel roi avait transformé Norkor Touch en pagode ? Le guide répondit au souverain siamois : Le Roi Botom Soryauvong. Cette transformation a pour but de déposer tous les livres sacrés du Bouddha dans ce beau palais. Chao Symphia continuait sa visite et apercevait un endroit où il y avait beaucoup des objets sacrés et des offrandes. Il posa la question au guide : Pourquoi, y a-t-il autant des objets sacrés à cet endroit ? Le guide répondit au souverain siamois : Ici, on dépose la statuette du roi des bœufs (Prah Kor). Dans son vendre, on met tous les livres de formules sacrées du royaume. Chao Symphya se montrait très content des informations données par le guide. Il continua de poser quelques d’autres questions au guide : À partir quand, les rois vassaux n’envoient plus leurs enfants dans ton pays ? Le guide répondit au souverain siamois : À partir du règne du roi Sénakareach jusqu’à Borom Reachea Chey ou Ta Trasakpeam. Après Ponhea Chay, le royaume redevenait puissant jusqu’à votre victoire.

Pour gouverner le Cambodge, Chao Symphia avait laissé huit hauts fonctionnaires siamois pour aider son fils Indra Koma. Il retourna dans son pays en amenant presque tous les objets sacrés khmers y compris la statuette du roi des bœufs (Preah Kor, actuellement, elle est exposé à la pagode Preah Keo à Bangkok). 70 000 khmers étaient amenés au Siam, parmi lesquels, il y avait deux fils du roi Thoma Saukreach, Ponhea Keo et Tay.

Note : Quand nous lisons l’histoire de guerre entre le Siam et le Kampuchéa, nous avons le sentiment que les souverains siamois maîtrisent bien l’art de guerre de Sun-tzu. L’annexion des territoire et enlèvement de la population font partie de leurs stratagèmes, lesquels ont pour objectif d’affaiblir un pays : « le malheur frappe l’ennemi au-dedans, il faut ravager son territoire ; au-dehors, s’emparer de ses habitants ; au-dedans comme au-dehors, s’emparer de ses Etats ».

Parlons d’Indra Koma, nouveau maître de Norkor Thom, il avait ordonné aux soldats de chercher partout dans la cité l’épée sacré qui symbolise le pouvoir royal khmer. Cette épée était perdue ou cachée pendant l’assaut de la capitale. Après une longue recherche, ses soldats arrivaient à trouver cette épée. Indra Koma ordonne qu’on l’envoya immédiatement à son père, mais cet ordre était annulé parce qu’après quelques heures de sa décision, il y avait de l’ouragan et cette nuit-là, Indra Koma avait fait un rêve, dans lequel, il voit l’ancien roi khmer qui lui menace de tuer avec l’épée sacrée.

Revenons à Ponhea Yat. Qu’on se souvient bien de ce prince ; après la mort de son père, le roi Srey Soryauvong (1359-1369), le vainqueur de Ramaso, souverain siamois, les membres du Conseil de la couronne le jugeaient trop jeune pour prendre la succession de son père. Au moment de l’invasion des Siamois de la capitale khmère, ce prince étant commandant de la défense de la porte sud, avait pu quitter la cité avec son armée. Apprenant la mort du roi khmer, ses soldats le proclamèrent nouveau souverain du Kampuchéa pour qu’il organisait la guerre de libération nationale contre l’occupation siamoise. Ponhea Yat s’installa son quartier général à Basane (Srey Santhor d’aujourd'hui). Il était rejoints aussitôt par la population et des gouverneurs des différentes provinces pour se battre avec lui. Il faut bien noter que Basane était déjà choisi comme base de résistance contre l’occupation siamoise (1353--1359) par son père, Srey Soryauvong (nom dans le document est Preah Bat Kamdaye Agn Pradapreah Basey Chamkron. Il est fort possible que ce nom est le nom post mortel de Srey Soryauvong).

À Basane, Ponhea Yat ordonna à ses soldats de construire un grand fort. Compte tenu de jeune âge et d’inexpérience d’Indra Koma, le prince siamois, Ponhea Yat se persuada qu’il puisse gagner la guerre contre ce dernier. Il commença à étudier un stratagème avec ses généraux pour mettre l’armée ennemie en difficulté morale, c’est-à-dire la prive de son chef. Pour cela, il est question d’assassiner le prince siamois par la ruse. Cette tentative n’était pas une imprécation du souverain khmer, mais une stratégie militaire à part entière. Pour être en contact direct avec le prince Indra Koma, le stratagème consiste à organiser un simulacre d’une demande d’un groupe Khmers, experts dans le métier d’armes, au prince siamois pour lui proposer leurs services. Deux frères, Pich et Peuv, appartenant à la garde d’élite de Ponhea Yat se portèrent volontaires pour cette mission de suicide. Le souverain khmer étant très content de cet acte héroïque, il confia aux deux frères, dix meilleurs soldats de sa garde d’élite pour exécuter la mission : tuer le prince siamois. Après reçus l’ordre de leur souverain, les douze hommes partirent aussitôt à la capitale.

Arrivés à Norkor Thom, ils cherchaient à contacter le plus vite possible un haut fonctionnaire ambitieux pour qu’il leur présente à son souverain, parce que leur plan ne peut durer trop longtemps sans être percé à jour. Avec le talent de séduction pour faire miroiter ce fonctionnaire siamois qu’il va gagner l’estime de son souverain en présentant les douze meilleurs maîtres d’arme khmers à la cour, Pich devait être convaincant dans ses propos : « Si vous m’appuyez de votre crédit, je vous servirai pour toujours ». En tout cas, il faut savoir jouer la comédie pour lui donner le change. Les douze avaient fait, en effet, des démonstrations spectaculaires de leurs savoirs avec impétuosité devant ce siamois de haut rang. Celui-ci en étant impressionné, n’hésita plus à informer son souverain avec la promesse des douze de servir dans ses rangs jusqu’à leur mort. Ce dernier accorda une audience royale parce qu’il pense, après trois mois d’occupation du Kampuchéa, il est temps maintenant de recruter les meilleurs des Khmers dans son armée pour renforcer la défense de la capitale dont l’arrivée des douze experts khmers dans la capitale royale est une aubaine pour lui.

Le jour de l’audience, les douze étaient amenés par le haut fonctionnaire siamois. Sans prendre aucune mesure de précaution pour sa sécurité, dans la salle d’audience, Indra Koma, posa la question à Pich, chef de file du groupe : Pourquoi veux-tu travailler pour moi ? Pich répondit ceci :

"Mon petit frère et moi, nous nous disputons assez souvent pour rien. Depuis quelques semaines, nous nous discutons pour savoir comment nous pouvons se rendre utile à un grand homme, dont le destin est géré par Dieu. Après une longue réflexion, nous nous disons que Sa Majesté aurait peut-être besoin des hommes de talents comme nous pour servir dans votre armé".

Pich ne laissa même pas le temps à Indra Koma de réagir à sa réponse, il bondit vers ce prince, tira son couteau, caché dans son chignon et poignarda en plein cœur sa victime royale devant sa cour. Indra Koma était mort sur le coup. Les gardes siamois assaillirent sur les douze avec rage. La lutte s’engagea immédiatement entre les Khmers et les Siamois. Avant être tués, les douze arrivèrent à tuer plus de cent soldats siamois. Revenons à Ponhea Yat, après le départ des douze, il donna l’ordre à son armée de marcher sur Nokor Thom.

Apprenant la mort d’Indra Koma, il ordonna ses généraux à livrer bataille contre les lignes de défense siamoise sans rencontrer de résistance importante. Les murailles de la cité étant totalement dégarnies et en quelques heures seulement, la capitale fut libérée.

Ponhea Yat entra dans la salle de trône où les fonctionnaires siamois avaient déposé le corps d’Indra Koma. À côté de l’urne royal, il s’aperçut une très jolie femme qui était en train de pleurer. Ponhea Yat lui posa la question : Qui es-tu ? Qui sont tes parents ? La jolie femme leva la tête et répondit au souverain khmer :

"Je m’appelle Preah Mneang Sisagame, cousine et première dame du roi Indra Koma. Je suis la fille de Khoun Troung Dân Moun. Mon père est le cousin de Ponhea Tekchau Krong Tep".

Apprenant l’origine et appréciant la beauté de Preah Mneang Sisagame, Ponhea Yat la prit comme sa première dame du royaume. Après la victoire sur les siamois, Ponhea Yat était proclamé roi vainqueur par le Conseil de la couronne khmer en 1384.
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